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Kitobni o'qish: «Titus Andronicus», sahifa 5

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SCÈNE III

Place publique de Rome
TITUS, MARCUS père, le jeune LUCIUS ET autres Romains tenant des arcs; Titus porte les flèches, lesquelles ont des lettres à leurs pointes

TITUS. – Viens, Marcus, viens. – Cousins, voici le chemin. – Allons, mon enfant, – voyons ton adresse à tirer. Vraiment, tu ne manques pas le but, et la flèche y arrive tout droit. Terras Astræa reliquit 22. – Rappelez-vous bien, Marcus. – Elle est partie, elle est partie. – Monsieur, voyez à vos outils. – Vous, mes cousins, vous irez sonder l'Océan, et vous jetterez vos filets; peut-être trouverez-vous la justice au fond de la mer; et cependant il y en a aussi peu sur mer que sur terre. – Non, Publius et Sempronius, il faut que vous fassiez cela; c'est vous qui devez creuser avec la bêche et la pioche, et percer le centre le plus reculé de la terre; et lorsque vous serez arrivés au royaume de Pluton, je vous prie, présentez-lui cette requête: dites-lui que c'est pour demander justice et implorer son secours; et que c'est de la part du vieil Andronicus, accablé de chagrins dans l'ingrate Rome. – Ah! Rome! – Oui, oui, j'ai fait ton malheur le jour que j'ai réuni les suffrages du peuple sur celui qui me tyrannise ainsi. – Allez, partez, et je vous prie, soyez tous bien attentifs, et ne laissez pas passer un seul vaisseau de guerre sans y faire une exacte recherche; ce méchant empereur pourrait bien l'avoir embarquée pour l'écarter d'ici, et alors, cousins, nous pourrions appeler en vain la Justice.

MARCUS. – O Publius! n'est-il pas déplorable de voir ainsi ton digne oncle dans le délire?

PUBLIUS. – C'est pour cela qu'il nous importe beaucoup, seigneur, de ne pas le quitter, de veiller sur lui jour et nuit, et de traiter le plus doucement que nous pourrons sa folie, jusqu'à ce que le temps apporte quelque remède salutaire à son mal.

MARCUS. – Cousins, ses chagrins sont au-dessus de tous les remèdes. Joignons-nous aux Goths; et par une guerre vengeresse, punissons Rome de son ingratitude, et que la vengeance atteigne le traître Saturninus.

TITUS. – Eh bien, Publius? eh bien, messieurs, l'avez-vous rencontré?

PUBLIUS. – Non, seigneur; mais Pluton vous envoie dire que si vous voulez obtenir vengeance de l'enfer vous l'aurez. Quant à la Justice, elle est occupée, à ce qu'il croit, dans le ciel avec Jupiter, ou quelque part ailleurs; en sorte que vous êtes forcé d'attendre un peu.

TITUS. – Il me fait tort de m'éconduire ainsi avec ses délais; je me plongerai dans le lac brûlant de l'abîme, et je saurai arracher la Justice de l'Achéron par les talons. – Marcus, nous ne sommes que des roseaux; nous ne sommes pas des cèdres; nous ne sommes pas des hommes charpentés d'ossements gigantesques, ni de la taille des cyclopes; mais nous sommes de fer, Marcus, nous sommes d'acier jusqu'à la moelle des os, et cependant nous sommes écrasés de plus d'outrages que notre dos n'en peut supporter. – Puisque la Justice n'est ni sur la terre ni dans les enfers, nous solliciterons le ciel et nous fléchirons les dieux pour qu'ils envoient la Justice ici-bas pour venger nos affronts. Allons, à l'ouvrage. – Vous êtes un habile archer, Marcus. (Il lui donne des flèches.) Ad Jovem 23, voilà pour toi. – Ici, ad Apollinem 24, ad Martem 25. C'est pour moi-même. – Ici, mon enfant, à Pallas. – Ici, à Mercure. – A Saturne, Caïus, et non pas à Saturninus. – Il vaudrait autant tirer contre le vent. – Allons, à l'oeuvre, enfant. Marcus, tire quand je te l'ordonnerai. Sur ma parole, j'ai écrit cette liste à merveille: il ne reste pas un dieu qui n'ait sa requête.

MARCUS. – Cousins, lancez toutes vos flèches vers la cour, nous mortifierons l'empereur dans son orgueil.

TITUS. – Allons amis, tirez. (Ils tirent.) A merveille, Lucius. Cher enfant, c'est dans le sein de la Vierge, envoie-la à Pallas.

MARCUS. – Seigneur, je vise un mille par delà la lune: de ce coup, votre lettre est arrivée à Jupiter.

TITUS. – Ah! Publius, Publius, qu'as-tu fait? Vois, vois, tu as coupé une des cornes du Taureau.

MARCUS. – C'était là le jeu, seigneur; quand Publius a lancé sa flèche, le Taureau, dans sa douleur, a donné un si furieux coup au Bélier que les deux cornes de l'animal sont tombées dans le palais; et qui les pouvait trouver que le scélérat de l'impératrice? – Elle s'est mise à rire, et elle a dit au More qu'il ne pouvait s'empêcher de les donner en présent à son maître.

TITUS. – Oui, cela va bien: Dieu donne la prospérité à votre grandeur! (Entre un paysan avec un panier et une paire de pigeons.) Des nouvelles, des nouvelles du ciel! Marcus, le message est arrivé. – Eh bien, l'ami, quelles nouvelles apportes-tu? as-tu des lettres? me fera-t-on justice? Que dit Jupiter?

LE PAYSAN. – Quoi, le faiseur de potences? 26 Il dit qu'il les a fait descendre, parce que l'homme ne doit être pendu que la semaine prochaine.

TITUS. – Que dit Jupiter? Voilà ce que je te demande.

LE PAYSAN. – Hélas! monsieur, je ne connais pas Jupiter, je n'ai bu jamais avec lui de ma vie.

TITUS. – Comment, coquin, n'es-tu pas le porteur?

LE PAYSAN. – Oui, monsieur, de mes pigeons: de rien autre chose.

TITUS. – Quoi, ne viens-tu pas du ciel?

LE PAYSAN. – Du ciel? Hélas, monsieur, jamais je n'ai été là: Dieu me préserve d'être assez audacieux pour prétendre au ciel dans ma jeunesse! Quoi! je vais tout simplement avec mes pigeons au Tribunal peuple 27, pour arranger une matière de querelle entre mon oncle et un des gens de l'impérial.

MARCUS. – Allons, seigneur, cela est juste ce qu'il faut pour votre harangue. Qu'il aille remettre les pigeons à l'empereur de votre part.

TITUS. – Dis-moi, peux-tu débiter une harangue à l'empereur avec grâce?

LE PAYSAN. – Franchement, monsieur, je n'ai jamais pu dire grâces de ma vie.

TITUS. – Allons, drôle, approche: ne fais plus de difficulté; mais donne tes pigeons à l'empereur. Par moi, tu obtiendras de lui justice. – Arrête, arrête! – En attendant, voilà de l'argent pour ta commission. – Donnez-moi une plume et de l'encre. – L'ami, peux-tu remettre une supplique avec grâce?

LE PAYSAN, – Oui, monsieur.

TITUS. – Eh bien, voilà une supplique pour toi. Et quand tu seras introduit près de l'empereur, dès le premier abord il faut te prosterner; ensuite lui baiser les pieds; et alors remets-lui tes pigeons, et alors attends ta récompense. Je serai tout près, l'ami: vois à t'acquitter bravement de ce message.

LE PAYSAN. – Oh! je vous le garantis, monsieur: laissez-moi faire.

TITUS. – Dis, as-tu un couteau? Voyons-le. – Marcus, plie-le dans la harangue: car tu l'as faite sur le ton d'un humble suppliant. – Et lorsque tu l'auras donnée à l'empereur, reviens frapper à ma porte, et dis-moi ce qu'il t'aura dit.

LE PAYSAN. – Dieu soit avec vous, monsieur! Je le ferai.

TITUS. – Venez, Marcus, allons. – Publius, suis-moi.

(Ils sortent.)

SCÈNE IV

La scène est devant le palais
Entrent SATURNINUS, TAMORA, CHIRON, DÉMÉTRIUS, seigneurs et autres. Saturninus porte à la main les flèches lancées par Titus

SATURNINUS. – Que dites-vous, seigneurs, de ces outrages? A-t-on jamais vu un empereur de Rome insulté, dérangé et bravé ainsi en face, et traité avec ce mépris pour avoir déployé une justice impartiale? Vous le savez, seigneurs, aussi bien que les dieux puissants; quelques calomnies que les perturbateurs de notre paix murmurent à l'oreille du peuple, il ne s'est rien fait que de l'aveu des lois contre les fils téméraires du vieil Andronicus. Et parce que ses chagrins ont troublé sa raison, faudra-t-il que nous soyons ainsi persécutés de ses vengeances, de ses accès de frénésie, et de ses insultes amères? Le voilà maintenant qui appelle le ciel pour le venger. Voyez, voici une lettre à Jupiter, une autre à Mercure; celle-ci à Apollon; celle-là au dieu de la guerre. De jolis écrits à voir voler dans les rues de Rome! Quel est le but de ceci, si ce n'est de diffamer le sénat et de nous flétrir en tous lieux du reproche d'injustice? N'est-ce pas là une agréable folie, seigneurs? Comme s'il voulait dire qu'il n'y a point de justice à Rome. Mais si je vis, sa feinte démence ne servira pas de protection à ces outrages. Lui et les siens apprendront que la justice respire dans Saturninus; et si elle sommeille, il la réveillera si bien, que dans sa fureur elle fera disparaître le plus impudent des conspirateurs qui soient en vie.

TAMORA. – Mon gracieux seigneur, mon cher Saturninus, maître de ma vie, souverain roi de toutes mes pensées, calmez-vous et supportez les défauts de la vieillesse de Titus; c'est l'effet des chagrins qu'il ressent de la perte de ses vaillants fils, dont la mort l'a frappé profondément et a blessé son coeur. Prenez pitié de son déplorable état, plutôt que de poursuivre pour ces insultes le plus faible ou le plus honnête homme de Rome. (A part.) Oui, il convient à la pénétrante Tamora de les flatter tous. – Mais, Titus, je t'ai touché au vif, et tout le sang de ta vie s'écoule: si Aaron est seulement prudent, tout va bien, et l'ancre est dans le port. (Entre le paysan avec sa paire de colombes.) – Eh bien, qu'y a-t-il, mon ami? Veux-tu nous parler?

LE PAYSAN. – Oui, vraiment, si vous êtes la Majesté impériale.

TAMORA. – Je suis l'impératrice. – Mais voilà l'empereur assis là-bas.

LE PAYSAN. – C'est lui que je demande. (A l'empereur.) – Que Dieu et saint Étienne vous donnent le bonheur. Je vous ai apporté une lettre, et une paire de colombes que voilà.

(L'empereur lit la lettre.)

SATURNINUS. – Qu'on le saisisse et qu'on le pende sur l'heure.

LE PAYSAN. – Combien aurai-je d'argent?

TAMORA. – Allons, misérable, tu vas être pendu.

LE PAYSAN. – Pendu! Par Notre-Dame, j'ai donc apporté ici mon cou pour un bel usage!

(Il sort avec les gardes.)

SATURNINUS. – Des outrages sanglants et intolérables! Endurerai-je plus longtemps ces odieuses scélératesses? Je sais d'où part encore cette lettre: cela peut-il se supporter? Comme si ses traîtres enfants, que la loi a condamnés à mourir pour le meurtre de notre frère, avaient été injustement égorgés par mon ordre! Allez, traînez ici ce scélérat par les cheveux: ni son âge ni ses honneurs ne lui donneront des priviléges. Va, pour cette audacieuse insulte, je serai moi-même ton bourreau, rusé et frénétique misérable, qui m'aidas à monter au faîte des grandeurs dans l'espérance que tu gouvernerais et Rome et moi. (Entre Émilius.) Quelles nouvelles, Émilius?

ÉMILIUS. – Aux armes, aux armes, seigneurs! Jamais Rome n'en eut plus de raisons! Les Goths ont rassemblé des forces; et avec des armées de soldats courageux, déterminés, avides de butin, ils marchent à grandes journées vers Rome, sous la conduite de Lucius, le fils du vieil Andronicus: il menace dans le cours de ses vengeances d'en faire autant que Coriolan.

SATURNINUS. – Le belliqueux Lucius est-il le général des Goths? Cette nouvelle me glace; et je penche ma tête comme les fleurs frappées de la gelée ou l'herbe battue par la tempête. Ah! c'est maintenant que nos chagrins vont commencer: c'est lui que le commun peuple aime tant: moi-même, lorsque vêtu en simple particulier je me suis confondu avec eux, je leur ai souvent ouï dire que le bannissement de Lucius était injuste, et souhaiter que Lucius fût leur empereur.

TAMORA. – Pourquoi trembleriez-vous? Votre ville n'est-elle pas forte?

SATURNINUS. – Oui, mais les citoyens favorisent Lucius, et ils se révolteront pour lui venir en aide.

TAMORA. – Roi, prenez les sentiments d'un empereur, comme vous en portez le titre. Le soleil est-il éclipsé par les insectes qui volent devant ses rayons? L'aigle permet aux petits oiseaux de chanter et ne s'embarrasse pas de ce qu'ils veulent dire par là, certain qu'il peut, de l'ombre de ses ailes, faire taire à son gré leurs voix. Vous pouvez en faire autant pour la populace insensée de Rome. Reprenez donc courage; et sachez, empereur, que je saurai charmer le vieil Andronicus par des paroles plus douces, mais plus dangereuses que ne l'est l'appât pour le poisson, et le miel du trèfle fleuri pour la brebis 28: l'un meurt blessé par l'hameçon, et l'autre empoisonné par une pâture délicieuse.

SATURNINUS. – Mais il ne voudra pas prier son fils pour nous.

TAMORA. – Si Tamora l'en prie, il le voudra; car je puis flatter sa vieillesse et l'endormir par des promesses dorées: et quand son coeur serait presque inflexible et ses vieilles oreilles sourdes, son coeur et son oreille obéiraient à ma langue. – (A Émilius.) Allez, précédez-nous, et soyez notre ambassadeur. Dites-lui que l'empereur demande une conférence avec le brave Lucius, et fixe le lieu du rendez-vous dans la maison de son père, le vieil Andronicus.

SATURNINUS. – Émilius, acquittez-vous honorablement de ce message; et s'il exige des otages pour sa sûreté, dites-lui de demander les gages qu'il préfère.

ÉMILIUS. – Je vais exécuter vos ordres.

(Il sort.)

TAMORA. – Moi, je vais aller trouver le vieux Andronicus, et l'adoucir par toutes les ressources de l'art que je possède, pour arracher aux belliqueux Goths le fier Lucius. Allons, cher empereur, reprenez votre gaieté; ensevelissez toutes vos alarmes dans la confiance en mes desseins.

SATURNINUS. – Allez; puissiez-vous réussir et le persuader!

(Ils sortent.)

FIN DU QUATRIÈME ACTE

ACTE CINQUIÈME

SCÈNE I

Plaine aux environs de Rome
LUCIUS, à la tête des Goths; tambours, drapeaux

LUCIUS. – Guerriers éprouvés, mes fidèles amis, j'ai reçu des lettres de la superbe Rome, qui m'annoncent la haine que les Romains portent à leur empereur, et combien ils aspirent de nous voir. Ainsi, nobles chefs, soyez ce qu'annoncent vos titres, fiers et impatients de venger vos affronts, et tirez une triple vengeance de tous les maux que Rome vous a causés.

UN CHEF DES GOTHS. – Brave rejeton sorti du grand Andronicus, dont le nom, qui nous remplissait jadis de terreur, fait maintenant notre confiance; vous, dont l'ingrate Rome paye d'un odieux mépris les grands exploits et les actions honorables, comptez sur nous: nous vous suivrons partout où vous nous conduirez; comme dans un jour brûlant d'été les abeilles, armées de leurs dards, suivent leur roi aux champs fleuris, et nous nous vengerons de l'exécrable Tamora.

TOUS ENSEMBLE. – Et ce qu'il dit, nous le disons tous avec lui, nous le répétons tous d'une voix.

LUCIUS. – Je lui rends grâces humblement, et à vous tous. – Mais qui vient ici, conduit par ce robuste Goth?

LE SOLDAT. – Illustre Lucius, je me suis écarté de notre armée pour aller considérer les ruines d'un monastère, et comme j'avais les yeux fixés avec attention sur cet édifice en décadence, soudain j'ai entendu un enfant qui criait au pied d'une muraille. Me tournant du côté de la voix, j'ai bientôt entendu qu'on calmait l'enfant qui pleurait en lui disant: «Paix, petit marmot basané qui tiens moitié de moi, moitié de ta mère! Si ta nuance ne décelait pas de qui tu es l'enfant; si la nature t'avait seulement donné la physionomie de ta mère, petit misérable, tu aurais pu devenir un empereur: mais quand le taureau et la génisse sont tous deux blancs comme lait, jamais ils n'engendrent un veau noir comme le charbon. Tais-toi, petit malheureux, tais-toi.» Voilà comment on grondait l'enfant, et on continuait: «Il faut que je te porte à un fidèle Goth, qui, quand il saura que tu es fils de l'impératrice, te prendra en affection pour l'amour de ta mère.» Aussitôt, moi, je tire mon épée, je fonds sur ce More que j'ai surpris à l'improviste, et que je vous amène ici pour en faire ce que vous trouverez bon.

LUCIUS. – O vaillant Goth! voilà le démon incarné qui a privé Andronicus de sa main glorieuse: voilà la perle qui charmait les yeux de votre impératrice, et voilà le vil fruit de ses passions déréglées. (A Aaron.) – Réponds, esclave à l'oeil blanc, où voulais-tu porter cette vivante image de ta face infernale? Pourquoi ne parles-tu pas? – Quoi! es-tu sourd? Non; pas un mot? Une corde, soldats; pendez-le à cet arbre, et à côté de lui son fruit de bâtardise.

AARON. – Ne touche pas à cet enfant: il est de sang royal.

LUCIUS. – Il ressemble trop à son père pour valoir jamais rien. Allons, commencez par pendre l'enfant, afin qu'il le voie s'agiter; spectacle fait pour affliger son coeur de père. Apportez-moi une échelle.

(On apporte une échelle sur laquelle on force Aaron de monter.)

AARON. – Lucius, épargne l'enfant, et porte-le de ma part à l'impératrice. Si tu m'accordes ma prière, je te révélerai d'étonnants secrets qu'il te serait fort avantageux de connaître; si tu me la refuses, arrive que pourra, je ne parle plus, et que la vengeance vous confonde tous!

LUCIUS. – Parle, et si ce que tu as à me dire me satisfait, ton enfant vivra, et je me charge de le faire élever.

AARON. – Si cela te satisfait? Oh! sois certain, Lucius, que ce que je te dirai affligera ton âme; car j'ai à t'entretenir de meurtres, de viol et de massacres, d'actes commis dans l'ombre de la nuit, d'abominables forfaits, de noirs complots de malice et de trahison, de scélératesses horribles à entendre raconter, et qui pourtant ont été exécutées par pitié. Tous ces secrets seront ensevelis par ma mort, si tu ne me jures pas que mon enfant vivra.

LUCIUS. – Révèle ta pensée; je te dis que ton enfant vivra.

AARON. – Jure-le, et puis, je commencerai.

LUCIUS. – Par qui jurerai-je? Tu ne crois à aucun dieu, et dès lors comment peux-tu te fier à un serment?

AARON. – Quand je ne croirais à aucun dieu, comme en effet je ne crois à aucun, n'importe; je sais que tu es religieux, et que tu as en toi quelque chose qu'on appelle la conscience, et vingt autres superstitions et cérémonies papistes que je t'ai vu très-soigneux d'observer. – C'est pour cela que j'exige ton serment. – Car je sais qu'un idiot se fait un dieu de son hochet, et tient la parole qu'il a jurée par ce dieu. C'est là le serment que j'exige. – Ainsi tu jureras par ce dieu, quel qu'il soit, que tu adores et que tu vénères, de sauver mon enfant, de le nourrir et de l'élever; ou je ne te révèle rien.

LUCIUS. – Eh bien, je te jure par mon dieu que je le ferai.

AARON. – D'abord, apprends que j'ai eu cet enfant de l'impératrice.

LUCIUS. – O femme impudique et d'une luxure insatiable!

AARON. – Arrête, Lucius! Ce n'est là qu'une action charitable, en comparaison de ce que tu vas entendre. Ce sont ses deux fils qui ont massacré Bassianus; ils ont coupé la langue à ta soeur, ils lui ont fait violence, lui ont coupé les mains, et l'ont parée comme tu l'as vue.

LUCIUS. – O exécrable scélérat! tu appelles cela parer?

AARON. – Eh! elle a été lavée, et taillée et parée, et cela fut même un fort agréable exercice pour ceux qui l'ont fait.

LUCIUS. – Oh! les brutaux et barbares scélérats, semblables à toi!

AARON. – C'est moi qui ai été leur maître, et qui les ai instruits. C'est de leur mère qu'ils tiennent cet esprit de débauche, ce qui est aussi sûr que l'est la carte qui gagne la partie; quant à leurs goûts sanguinaires, je crois qu'ils les tiennent de moi, qui suis un aussi brave chien qu'aucun boule-dogue qui ait jamais attaqué le taureau à la tête. Que mes actions perfides attestent ce que je veux; j'ai indiqué à tes frères cette fosse où le corps de Bassianus était gisant; j'ai écrit la lettre que ton père a trouvée, et j'avais caché l'or dont il était parlé dans cette lettre, d'accord avec la reine et ses deux fils. Et que s'est-il fait dont tu aies eu à gémir, où je n'aie pas mis ma part de malice? J'ai trompé ton père pour le priver de sa main; et dès que je l'ai eue, je me suis retiré à l'écart, et j'ai failli me rompre les côtes à force de rire. Je l'ai épié à travers la crevasse d'une muraille, après qu'en échange de sa main il a reçu les têtes de ses deux fils, j'ai vu ses larmes, et j'ai ri de si bon coeur que mes deux yeux pleuraient comme les siens; et quand j'ai raconté toute cette farce à l'impératrice, elle s'est presque évanouie de plaisir à mon récit, et elle m'a payé mes nouvelles par vingt baisers.

UN GOTH. – Comment peux-tu dire tout cela sans rougir?

AARON. – Je rougis comme un chien noir, comme dit le proverbe.

LUCIUS. – N'as-tu point de remords de ces forfaits atroces?

AARON. – Oui, de n'en avoir fait mille fois davantage, et même en ce moment je maudis le jour (cependant je crois qu'il en est peu sur lesquels puisse tomber ma malédiction) où je n'aie fait quelque grand mal, comme de massacrer un homme ou de machiner sa mort, de violer une vierge ou d'imaginer le moyen d'y arriver, d'accuser quelque innocent ou de me parjurer moi-même, de semer une haine mortelle entre deux amis, de faire rompre le cou aux bestiaux des pauvres gens, d'incendier les granges et les meules de foin dans la nuit, et de dire aux propriétaires d'éteindre l'incendie avec leurs larmes: souvent j'ai exhumé les morts de leurs tombeaux, et j'ai placé leurs cadavres à la porte de leurs meilleurs amis lorsque leur douleur était presque oubliée, et sur leur peau, comme sur l'écorce d'un arbre, j'ai gravé avec mon couteau en lettres romaines: Que votre douleur ne meure pas quoique je sois mort. En un mot, j'ai fait mille choses horribles avec l'indifférence qu'un autre met à tuer une mouche; et rien ne me fait vraiment de la peine que la pensée de ne plus pouvoir en commettre dix mille autres.

LUCIUS. – Descendez ce démon: il ne faut pas qu'il meure d'une mort aussi douce que d'être pendu sur-le-champ.

AARON. – S'il existe des démons, je voudrais être un démon pour vivre et brûler dans le feu éternel; pourvu seulement que j'eusse ta compagnie en enfer, et que je pusse te tourmenter de mes paroles amères.

LUCIUS, aux soldats. – Amis, fermez-lui la bouche et qu'il ne parle plus.

(Entre un Goth.)

LE GOTH. – Seigneur, voici un messager de Rome qui désire être admis en votre présence.

LUCIUS. – Qu'il vienne. (Entre Émilius.) Salut, Émilius; quelles nouvelles apportez-vous de Rome?

ÉMILIUS. – Seigneur Lucius, et vous, princes des Goths, l'empereur romain vous salue tous par ma voix: ayant appris que vous êtes en armes, il demande une entrevue avec vous à la maison de votre père. Vous pouvez choisir vos otages, ils vous seront remis sur-le-champ.

UN CHEF DES GOTHS. – Que dit notre général?

LUCIUS. – Émilius, que l'empereur donne ses otages à mon père et à mon oncle Marcus, et nous viendrons. (A ses troupes.) – Marchez.

(Ils sortent.)
22.Astrée quitte la terre.
23.A Jupiter
24.à Apollon
25.à Mars, etc.
26.Au lieu de Jupiter, le paysan entend Gibbet-Maker, faiseur de potences.
27.Tribunal peuple est ici pour tribun du peuple, impérial pour l'empereur.
28.«Cette herbe mangée en abondance est nuisible aux troupeaux.» (JOHNSON.)
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28 sentyabr 2017
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