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SCÈNE VII

Les portes de Corioles
TITUS LARTIUS, ayant laissé une garnison dans Corioles, marche, avec un tambour et un trompette, vers COMINIUS ET MARCIUS. UN LIEUTENANT, DES SOLDATS, UN ESPION

LARTIUS. – Veillez à la garde des portes: suivez les ordres que je vous ai donnés. À mon premier avis, envoyez ces centuries à notre secours: le reste pourra tenir quelque temps; si nous perdons la bataille, nous ne pouvons pas garder la ville.

LE LIEUTENANT. – Reposez-vous sur nos soins, seigneur.

LARTIUS. – Rentrez et fermez vos portes sur nous. Guide, marche; conduis-nous au camp des Romains.

(Ils sortent.)

SCÈNE VIII

L'autre camp des Romains
On entend des cris de bataille MARCIUS ET AUFIDIUS entrent par différentes portes et se rencontrent

MARCIUS. – Je ne veux combattre que toi: je te hais plus que l'homme qui viole sa parole..

AUFIDIUS. – Ma haine égale la tienne, et l'Afrique n'a point de serpent que j'abhorre plus que ta gloire, objet de ma jalousie. Affermis ton pied.

MARCIUS. – Que le premier qui reculera meure l'esclave de l'autre, et que les dieux le punissent encore dans l'autre vie!

AUFIDIUS. – Si tu me vois fuir, Marcius, poursuis-moi de tes clameurs comme un lièvre.

MARCIUS. – Tullus, pendant trois heures entières, je viens de combattre seul dans les murs de Corioles, et j'y ai fait tout ce que j'ai voulu. Ce sang dont tu vois mon visage masqué, n'est pas le mien; pour te venger, appelle et déploie toutes tes forces.

AUFIDIUS. – Fusses-tu cet Hector, ce foudre de vos fanfarons d'ancêtres, tu ne m'échapperais pas ici.

(Ils combattent sur place: quelques Volsques viennent au secours d'Aufidius: Marcius combat contre eux, jusqu'à ce qu'ils se retirent hors d'haleine.)

AUFIDIUS, en se retirant aux Volsques. – Plus officieux que braves, vous m'avez déshonoré par votre sotte assistance.

(Ils fuient poussés par Marcius.)

SCÈNE IX

(Acclamations, cris de guerre. On donne le signal de la retraite. Cominius entre par une porte avec les Romains; Marcius entre par l'autre, un bras en écharpe.)

COMINIUS. – Si je te racontais en détail tout ce que tu as fait aujourd'hui, tu ne croirais pas toi-même à tes propres actions. Mais je garde ce récit pour un autre lieu: c'est là que les sénateurs mêleront des larmes à leurs sourires; que nos illustres patriciens écouteront, hausseront les épaules, et finiront par admirer; que nos dames romaines trembleront d'effroi et de plaisir; que ces tribuns imbéciles, qui, ligués avec les vils plébéiens, détestent ta gloire, seront forcés de s'écrier, en dépit de leurs coeurs: «Nous remercions les dieux d'avoir accordé à Rome un tel guerrier.» Et pourtant, avant le banquet de cette journée dont tu es venu encore prendre ta part, tu étais déjà rassasié.

(Titus Lartius ramène ses troupes victorieuses, et lasses de poursuivre l'ennemi.)

LARTIUS. – O mon général! (Montrant Marcius.) Voilà le coursier, nous n'en sommes que le caparaçon. – Avez-vous vu?..

MARCIUS. – De grâce, épargnez-moi: ma mère, qui a le privilège de vanter son sang, m'afflige quand elle me donne des louanges. J'ai fait comme vous tout ce que j'ai pu, par le même motif qui vous anime, l'amour de ma patrie. Quiconque a pu accomplir ce qu'il souhaitait a fait plus que moi.

COMINIUS. – Vous ne serez point le tombeau de votre mérite: il faut que Rome connaisse tout le prix d'un de ses enfants. Dérober à sa connaissance vos actions, ce serait un crime plus grand qu'un vol, ce serait une trahison. On peut les célébrer, les élever au comble de la louange, sans passer les bornes de la modération. Ainsi, je vous en conjure, écoutez-moi en présence de toute l'armée, je veux dire ce que vous êtes, et non récompenser ce que vous avez fait.

MARCIUS. – J'ai sur mon corps quelques blessures, qui deviennent plus cuisantes quand j'en entends parler.

COMINIUS. – N'en pas parler serait une ingratitude qui pourrait les envenimer et les rendre mortelles. – De tous les chevaux dont nous avons pris un bon nombre, de tous les trésors que nous avons amassés dans Corioles et sur le champ de bataille, nous vous offrons la dîme: levez à votre choix ce tribut sur tout le butin, avant le partage général.

MARCIUS. – Je vous remercie, général; mais je ne puis amener mon coeur à accepter aucun salaire pour ce qu'a fait mon épée; je refuse votre offre, et ne veux qu'une part égale à ceux qui ont assisté à l'action. —

(Fanfares; acclamations redoublées: tous s'écrient Marcius, vive Marcius! en jetant leurs bonnets en l'air et agitant leurs lances. Cominius et Lartius ôtent leur casques, et restent la tête découverte devant toute l'armée.)

– Puissent ces mêmes instruments que vous profanez perdre à jamais leurs sons, si les tambours et les trompettes doivent se changer en organes de la flatterie sur le champ de bataille! Laissez aux cours et aux cités le privilège de n'offrir que les dehors perfides de l'adulation et de rendre l'acier aussi doux que la soie du parasite. Qu'on les réserve pour donner le signal des combats. C'est assez, vous dis-je. Parce que vous voyez sur mon nez quelques traces de sang que je n'ai pas encore eu le temps de laver, – parce que j'ai terrassé quelques faibles ennemis, exploits qu'ont faits comme moi une foule d'autres soldats qui sont ici, et qu'on ne remarque pas vous me recevez avec des acclamations hyperboliques comme si j'aimais que mon faible mérite fût alimenté par des louanges assaisonnées de mensonge!

COMINIUS. – Vous avez trop de modestie, vous êtes plus ennemi de votre gloire que reconnaissant envers nous, qui vous rendons un hommage sincère. Si vous vous irritez ainsi contre vous-même, vous nous permettrez de vous enchaîner comme un furieux qui cherche à se détruire de ses mains; afin de pouvoir vous parler raison en sûreté. Que toute la terre sache donc comme nous, que c'est Caïus Marcius qui remporte la palme de cette guerre: je lui en donne pour gage mon superbe coursier, connu de tout le camp, avec tous ses ornements; et dès ce moment, en récompense de ce qu'il a fait devant Corioles, je le proclame, au milieu des cris et des applaudissements de toute l'armée, Caïus Marcius Coriolanus– Portez toujours noblement ce surnom.

(Acclamations. – Musique guerrière.)
(Toute l'armée répète: Caïus Marcius Coriolanus!)

MARCIUS. – Je vais laver mon visage; et alors vous verrez s'il est vrai que je rougisse ou non. – N'importe! je vous rends grâces. Je veux monter votre coursier, et dans tous les temps je ferai tous mes efforts pour soutenir le beau surnom que vous me décernez.

COMINIUS. – Allons, entrons dans notre tente; avant de nous livrer au repos, il nous faut instruire Rome de nos succès. Vous, Titus Lartius, retournez à Corioles; et envoyez-nous à Rome les citoyens les plus considérables, afin que nous puissions conférer avec eux, dans leur intérêt comme dans le nôtre.

LARTIUS. – Je vais le faire, seigneur.

MARCIUS. – Les dieux commencent à se jouer de moi: moi, qui viens tout à l'heure de refuser les plus magnifiques présents, je me vois obligé de demander une grâce à mon générai.

COMINIUS. – Elle vous est accordée. Quelle est-elle?

MARCIUS. – J'ai passé quelque temps ici à Corioles, chez un pauvre citoyen qui m'a traité en ami. Il a poussé dans le combat un cri vers moi: je l'ai vu faire prisonnier. Mais alors Aufidius a paru devant moi, et la fureur a étouffé ma pitié. Je vous demande la liberté de mon malheureux hôte.

COMINIUS. – O noble demande! Fût-il le bourreau de mon fils, il sera libre comme l'air. Rendez-lui la liberté, Titus!

LARTIUS. – Son nom, Marcius?

MARCIUS. – Par Jupiter! je l'ai oublié. – Je suis fatigué, et ma mémoire en est troublée: n'avez-vous point de vin ici?

COMINIUS. – Entrons dans nos tentes: le sang se fige sur votre visage; il est temps que vous preniez soin de vos blessures: allons.

(Ils sortent.)

SCÈNE X

Le camp des Volsques
Bruit d'instruments militaires: TULLUS AUFIDIUS parait tout sanglant avec deux ou trois officiers

AUFIDIUS. – La ville est prise.

UN OFFICIER. – Elle sera rendue à de bonnes conditions.

AUFIDIUS. – Des conditions! Je voudrais être Romain… car étant Volsque, je ne puis me montrer tel que je suis. Des conditions! Eh! y a-t-il de bonnes conditions dans un traité pour le parti gui est à la merci du vainqueur? – Marcius, cinq fois j'ai combattu contre toi, et cinq fois tu m'a vaincu; et tu me vaincrais toujours, je crois, quand nos combats se renouvelleraient aussi souvent que nos repas! Mais, j'en jure par les éléments, si je me rencontre encore une fois avec lui face à face, il sera à moi ou je serai à lui. Mon émulation renonce à l'honneur dont elle s'est piquée jusqu'ici; et au lieu d'espérer, comme je l'ai fait, de le terrasser, en luttant en brave et fer contre fer, je lui tendrai quelque piège: il faut qu'il succombe ou sous ma fureur, ou sous mon adresse.

L'OFFICIER. – C'est le démon!

AUFIDIUS. – Il a plus d'audace, mais moins de ruse. Ma valeur est empoisonnée par les affronts qu'elle a reçus de lui; elle change de nature. Ni le sommeil, ni le sanctuaire, ni la nudité, ni la maladie, ni le temple, ni le Capitole, ni les prières des prêtres, ni l'heure du sacrifice, aucune de ces barrières qui s'opposent à la fureur, ne pourront élever leurs privilèges traditionnels et pourris contre la haine que je porte à Marcius. Partout où je le trouverai, dans mes propres foyers, sous la garde de mon frère, là, violant les lois de l'hospitalité, je laverai dans son sang ma cruelle main. – Vous, allez à la ville; voyez comment les Romains la gardent, quels sont les otages qu'ils ont demandés pour Rome.

 

L'OFFICIER. – N'y viendrez-vous pas vous-même?

AUFIDIUS. – On m'attend au bosquet de cyprès, au sud des moulins de la ville. Je vous prie, revenez m'apprendre en ce lieu quel cours suit la fortune afin que je règle ma marche sur celle des événements.

L'OFFICIER. – J'exécuterai vos ordres, seigneur.

(Ils sortent.)
FIN DU PREMIER ACTE

ACTE DEUXIÈME

SCÈNE I

La ville de Rome. Place publique. MÉNÉNIUS, SICINIUS ET BRUTUS

MÉNÉNIUS. – L'augure m'a dit que nous aurions des nouvelles ce soir.

BRUTUS. – Bonnes ou mauvaises?

MÉNÉNIUS. – Peu favorables aux voeux du peuple; car il n'aime pas Marcius.

SICINIUS. – La nature enseigne aux animaux à distinguer leurs amis.

MÉNÉNIUS. – Quel est, je vous prie, l'animal que le loup aime?

SICINIUS. – L'agneau.

MÉNÉNIUS. – Oui, pour le dévorer comme vos plébéiens, toujours affamés, voudraient dévorer le noble Marcius.

BRUTUS. – C'est un agneau, qui bêle comme un ours.

MÉNÉNIUS. – Un ours? soit: mais qui vit comme un agneau. Vous êtes vieux tous les deux; répondez à une question.

TOUS DEUX. – Voyons cette question.

MÉNÉNIUS. – Quel est le vice manquant à Marcius que vous n'ayez vous deux en abondance?

BRUTUS. – Il ne lui manque aucun défaut; il est richement pourvu.

SICINIUS. – D'orgueil en particulier.

BRUTUS. – Et par-dessus tout de jactance.

MÉNÉNIUS. – Voilà qui est étrange! Et vous deux, savez-vous le blâme dont vous êtes l'objet dans la ville? Je veux dire de la part des gens de notre ordre? le savez-vous?

LES DEUX TRIBUNS. – Comment, de quel blâme pouvons-nous être l'objet?

MÉNÉNIUS. – Puisque vous parlez d'orgueil, m'écouterez-vous sans humeur?

LES DEUX TRIBUNS. – Oui: allons, voyons.

MÉNÉNIUS. – Après tout, qu'importe! car il n'est pas nécessaire de voler beaucoup les occasions pour vous dérober beaucoup de votre patience – Suivez sans frein votre penchant naturel; et prenez de l'humeur tant qu'il vous plaira, si du moins c'est un plaisir pour vous que de vous fâcher. Vous reprochez à Marcius de l'orgueil!

BRUTUS. – Nous ne sommes pas seuls à lui faire ce reproche.

MÉNÉNIUS. – Oh! je sais que vous faîtes très peu de choses à vous tout seuls. Vous avez abondance de secours: sans quoi vos actions seraient merveilleusement rares. Vos talents sont trop enfantins pour faire beaucoup à vous seuls. – Vous parlez d'orgueil? Ah! si vous pouviez tourner les yeux et voir la nuque de vos cous, si vous pouviez faire une revue intérieure de vos bonnes personnes, si vous le pouviez…

BRUTUS. – Eh bien! qu'arriverait-il?

MÉNÉNIUS. – Eh bien! vous verriez une paire de magistrats sans mérite, orgueilleux, violents, entêtés, en d'autres termes, aussi sots qu'on en ait jamais vu dans Rome.

SICINIUS. – Ménénius, on vous connaît bien aussi.

MÉNÉNIUS. – On me connaît pour un patricien d'humeur joviale, qui ne hait pas une coupe de vin généreux, pur de tout mélange avec une seule goutte du Tibre; qui a, dit-on, le défaut d'accueillir trop favorablement les plaintes du premier venu, d'être trop prompt, et de prendre feu comme de l'amadou pour le plus léger motif. On peut dire encore qu'il m'arrive plus souvent de converser avec la croupe noire de la nuit qu'avec le front riant de l'aurore. Mais tout ce que je pense, je le dis, et toute ma malice s'exhale en paroles. Lorsque je rencontre deux politiques tels que vous, il m'est impossible de les appeler des Lycurgues. Si la liqueur que vous me versez m'affecte désagréablement le palais, je fais la grimace. Je ne saurais dire que vos Honneurs ont bien parlé, quand je trouve des âneries dans la majeure partie de vos syllabes, et quoique je me résigne à supporter ceux qui disent que vous êtes de graves personnages dignes de nos respects, cependant ceux qui disent que vous avez de bonnes figures mentent effrontément. Si c'est là ce que vous voyez dans la carte de mon microcosme2, s'ensuit-il qu'on me connaisse bien aussi? Voyons, quels défauts votre aveugle perspicacité découvrira-t-elle dans mon caractère, si moi aussi je suis bien Connu?

BRUTUS. – Allez, allez! nous vous connaissons de reste.

MÉNÉNIUS. – Non, vous ne connaissez ni moi, ni vous-mêmes, ni quoi que ce soit. Vous recherchez les coups de chapeau et les courbettes des pauvres malheureux; vous perdez la plus précieuse partie du jour à entendre le plaidoyer d'une marchande de citrons contre un marchand de robinets, et vous remettez à une seconde audience la décision de ce procès de trois sous. Quand vous êtes sur votre tribunal, juges entre deux parties, si par malheur vous avez la colique, vous faites des grimaces comme de vrais masques, vous dressez l'étendard rouge contre toute patience, et, demandant un pot de chambre à grands cris, vous renvoyez les deux parties plus acharnées l'une contre l'autre, et la cause plus embrouillée; tout l'accord que vous mettez entre eux, c'est de les traiter tous deux de fripons. Vous êtes un étrange couple!

BRUTUS. – Allez, allez! On sait que vous dîtes plus de bons mots à table, que vous ne siégez utilement au Capitole.

MÉNÉNIUS. – Nos prêtres eux-mêmes perdraient leur gravité devant des objets aussi ridicules que vous; votre meilleur raisonnement ne vaut pas un poil de votre barbe, qui tout entière ne mérite pas l'honneur d'être enterrée dans le coussin d'une ravaudeuse, ou dans le bât d'un âne; et vous osez dire que Marcius a de l'orgueil! Marcius, qui, évalué au plus bas, vaut tous vos ancêtres ensemble depuis Deucalion, quoique peut-être quelques-uns des plus illustres fussent des bourreaux héréditaires. Bonsoir à vos Seigneuries; une plus longue conversation avec vous infecterait mon cerveau. Pasteurs des animaux de plébéiens, vous me permettrez de prendre congé de vous.

(Brutus et Sicinius se retirent à l'écart.) (Surviennent Volumnie, Virgilie et Valérie.)

MÉNÉNIUS. – Qu'est-ce donc, belles et nobles dames? La lune, descendue sur la terre, n'y brillerait pas de plus de majesté que vous. Et que cherchent vos regards empressés?

VOLUMNIE. – Honorable Ménénius, mon fils Marcius approche: pour l'amour de Junon, ne nous retardez pas.

MÉNÉNIUS. – Ah! Marcius revient à Rome?

VOLUMNIE. – Oui, noble Ménénius, et avec la gloire la plus éclatante.

MÉNÉNIUS. – Voilà mon bonnet, ô Jupiter, et reçois mes remerciements. Oh! Marcius revient à Rome!

VOLUMNIE ET VIRGILIE. – Oui, rien de plus vrai.

VOLUMNIE. – Voyez: cette lettre est de sa main. Le sénat en a reçu une autre, sa femme une autre, et il y en a une pour vous, je crois, à la maison.

MÉNÉNIUS. – Oh! je vais donner ce soir des fêtes à ébranler les voûtes: une lettre pour moi!

VIRGILIE. – Oui, sûrement, il y a une lettre pour vous: je l'ai vue.

MÉNÉNIUS. – Une lettre pour moi! elle m'assure sept ans de santé. Pendant sept ans je ferai la nique au médecin. La plus fameuse ordonnance de Galien n'est que drogue d'empirique, et ne vaut pas mieux qu'une médecine de cheval, en comparaison de ce préservatif. N'est-il point blessé? Il n'a pas coutume de revenir sans blessures.

VIRGILIE. – Oh! non, non, non!

VOLUMNIE. – Oh! il est blessé: j'en rends grâce aux dieux.

MÉNÉNIUS. – Et moi aussi, pourvu qu'il ne le soit pas trop. Les blessures lui vont bien. Apporte-t-il dans sa poche une victoire?

VOLUMNIE. – Elle couronne son front. Voilà la troisième fois, Ménénius, que mon fils revient avec la guirlande de chêne.

MÉNÉNIUS. – A-t-il frotté Aufidius comme il faut?

VOLUMNIE. – Titus Lartius écrit qu'ils ont combattu l'un contre l'autre; mais qu'Aufidius a pris la fuite.

MÉNÉNIUS. – Oh! il était temps, je le lui garantis: s'il eût résisté encore, je n'aurais pas voulu être traité comme lui pour tous les trésors de Corioles. – Le sénat est-il informé de cette nouvelle?

VOLUMNIE. – Allons, mesdames. – Oui, oui, le sénat a reçu des lettres du général, qui donne à mon fils la gloire de cette guerre. Il a, dans cette action, deux fois surpassé l'honneur de ses premiers exploits.

VALÉRIE. – Il est vrai qu'on raconte de lui des choses merveilleuses.

MÉNÉNIUS. – Merveilleuses! oui, je vous le garantis; et bien achetées par lui.

VIRGILIE. – Que les dieux nous en confirment la vérité!

VOLUMNIE. – La vérité? Ah! par exemple!

MÉNÉNIUS. – La vérité? je vous le jure, moi; tout cela est vrai. – Où est-il blessé? – (Aux tribuns.) Que les dieux conservent vos bonnes Seigneuries. Marcius revient à Rome. Il a de nouveaux sujets d'avoir de l'orgueil. – Où est-il blessé?

VOLUMNIE. – A l'épaule et au bras gauche. – Là resteront de larges cicatrices qu'il pourra montrer au peuple, quand il demandera la place qui lui est due. – Lorsqu'il repoussa Tarquin, il reçut sept blessures.

MÉNÉNIUS. – Il en a une sur le cou, et deux dans la cuisse: je lui en connais neuf.

VOLUMNIE. – Avant cette dernière expédition, il avait déjà reçu vingt-cinq blessures.

MÉNÉNIUS. – Il en a donc maintenant vingt-sept, et chaque blessure fut le tombeau d'un ennemi. Entendez-vous les trompettes?

(Acclamations et fanfares.)

VOLUMNIE. – Voilà les avant-coureurs de Marcius: il fait marcher devant lui le bruit de la victoire, et derrière lui il laisse des pleurs. La mort, ce sombre fantôme, est assise sur son bras vigoureux: ce bras se lève, retombe, et alors les hommes meurent.

(Les trompettes sonnent. On voit paraître Cominius et Titus Lartius; Coriolan est au milieu d'eux, le front ceint d'une couronne de chêne; les chefs de l'armée et les soldats le suivent: un héraut le précède.)

LE HÉRAUT. – Apprends, ô Rome, que Marcius a combattu seul dans les murs de Corioles, où il a gagné avec gloire un nom qui s'ajoute au nom de Caïus Marcius. Coriolan est son glorieux surnom. Soyez le bienvenu à Rome, illustre Coriolan!

(Fanfares.)

TOUS ENSEMBLE. – Soyez le bienvenu à Rome, illustre Coriolan!

CORIOLAN. – Assez! cela blesse mon coeur; je vous prie, cessez.

COMINIUS. – Voyez votre mère.

CORIOLAN. – Oh! je le sais, vous avez imploré tous les dieux pour ma prospérité.

(Il fléchit le genou.)

VOLUMNIE. – Non, mon brave soldat, lève-toi; lève-toi, mon cher Marcius, mon noble Caïus, et encore un surnom nouveau qui comble l'honneur de tes exploits! Oui, Coriolan: n'est-ce pas le nom qu'il faut que je te donne? Mais voilà ta femme…

CORIOLAN. – Salut, mon gracieux silence! Quoi! aurais-tu donc ri si tu m'avais vu rapporté dans un cercueil, toi qui pleures à mon triomphe? Ah! ma chère, ce sont les veuves de Corioles, et les mères qui ont perdu leurs enfants qui pleurent ainsi…

MÉNÉNIUS. – Que les dieux te couronnent!

CORIOLAN. – Ah! vous vivez encore? (A Valérie.) Aimable dame, pardonnez.

VOLUMNIE. – Je ne sais de quel côté me tourner. – O mon fils! sois le bienvenu dans ta patrie; et vous aussi, général, soyez tous les bienvenus.

MÉNÉNIUS. – Sois mille et mille fois le bienvenu! Je suis prêt à pleurer et à rire. Mon coeur est tout à la fois triste et gai. – Sois le bienvenu! Qu'une malédiction dévore le coeur de celui qui n'est pas joyeux de te voir! Vous êtes trois que Rome doit adorer: mais j'en atteste tous les yeux, nous avons ici quelques vieux troncs ingrats sur lesquels on ne peut greffer la moindre affection pour vous. N'importe: soyez les bienvenus, ô guerriers! Une ortie ne sera jamais qu'une ortie, et les travers des fous seront toujours folie.

COMINIUS. – Il a toujours raison.

CORIOLAN. – Toujours Ménénius, toujours le même.

LE HÉRAUT. – Faites place: avancez.

CORIOLAN, à sa mère et à sa femme. – Donnez-moi votre main, et vous la vôtre. Avant que je puisse abriter ma tête sous notre propre toit, mon devoir m'oblige à visiter nos bons patriciens, de qui j'ai reçu mille félicitations, accompagnées d'une foule d'honneurs.

 

VOLUMNIE. – J'ai assez vécu pour voir mes voeux accomplis, et réaliser les songes de mon imagination. Une seule chose te manque, et je ne doute pas que Rome ne te l'accorde.

CORIOLAN. – Sachez, ô tendre mère, que j'aime mieux les servir à mon gré, que de leur commander selon leur goût.

COMINIUS. – Allons au Capitole.

(Fanfares: ils sortent en pompe comme ils sont entrés; les tribuns restent.)

BRUTUS. – Toutes les langues parlent de lui; les yeux affaiblis de la vieillesse empruntent le secours des lunettes pour le voir: la nourrice babillarde, toute occupée de jaser de lui, n'entend plus les cris de son nourrisson; le dernier souillon de cuisine songe à sa parure, arrange son plus beau mouchoir sur sa gorge enfumée, et court gravir sur les murs pour le regarder. On se presse sur les échoppes, dans les boutiques, aux fenêtres; les plombs sont couverts de peuple; on voit les figures les plus diverses à cheval sur les toits, tous empressés de le voir. Les prêtres, qui se montrent si rarement, se confondent avec la multitude, et se pressent pour arriver tout essoufflés à une place vulgaire. Les dames exposent les lis et les roses de leurs joues délicates, et livrent nus les charmes de leur visage aux brûlants baisers de Phoebus. C'est un bruit, un tumulte autour de lui! on dirait qu'un dieu est recelé dans sa personne mortelle, et lui donne un aspect plein de grâce.

SICINIUS. – Je vous le garantis consul dans l'instant même.

BRUTUS. – Notre charge, en ce cas, tant que durera son autorité, peut se reposer à loisir.

SICINIUS. – Il ne connaîtra jamais, dans les honneurs, cette modération qui sait le terme d'où il faut partir, et celui où il faut s'arrêter: il perdra tout ce qu'il a gagné.

BRUTUS. – C'est là l'espérance qui nous console.

SICINIUS. – N'en doutez pas. Le peuple, dont nous sommes l'appui, conservera son ancienne aversion pour lui, et oubliera, à la plus légère occasion, tous les nouveaux honneurs qu'on lui rend aujourd'hui; et, lui-même, il les rejettera, je n'en doute pas, car il s'en fera gloire.

BRUTUS. – Je l'ai entendu jurer que, s'il briguait le consulat, jamais il ne consentirait à paraître sur la place publique revêtu du vêtement râpé de l'humilité; qu'il dédaignerait l'usage de montrer aux plébéiens ses blessures, pour mendier (disait-il) leurs voix empestées.

SICINIUS. – C'est la vérité.

BRUTUS. – Ce sont ses propres termes. Oh! il renoncera plutôt à cette dignité, que de ne la pas devoir uniquement aux suffrages des chevaliers, et aux voeux des nobles.

SICINIUS. – Qu'il persiste dans cette résolution! qu'il l'exécute! et je n'en désire pas davantage.

BRUTUS. – Il est vraisemblable qu'il le fera.

SICINIUS. – Alors ce sera, comme nous le voulons, sa ruine certaine.

BRUTUS. – Il faut le perdre, ou nous perdons notre autorité. Pour arriver à nos fins, ne nous lassons pas de représenter aux plébéiens quelle haine Marcius a toujours nourrie contre eux; comment il a fait tous ses efforts pour en faire des bêtes de somme, imposer silence à leurs défenseurs, et les dépouiller de leurs plus chers privilèges; comment il les regarde, sous le rapport des facultés, de la capacité, de la grandeur d'âme, et de l'aptitude à la vie du monde, comme des chameaux employés à la guerre, qui ne reçoivent leur nourriture que pour porter des fardeaux, et qui sont accablés de coups, quand ils succombent sous le poids.

SICINIUS. – Ces idées suggérées, comme vous dites, dans une occasion favorable, lorsque sa prodigieuse insolence offensera le peuple, enflammeront le courroux de la multitude comme une étincelle embrase le chaume desséché, et allumeront un incendie qui obscurcira pour jamais Marcius. L'occasion ne nous manquera pas, pourvu qu'on l'irrite: c'est une chose aussi aisée que de lancer des chiens contre les moutons.

(Un messager paraît.)

BRUTUS. – Que venez-vous nous apprendre?

LE MESSAGER. – On désire votre présence au Capitole. On croit que Marcius sera consul. J'ai vu les muets se presser en foule pour le voir, et les aveugles attentifs à ses paroles. Les matrones jetaient leurs gants sur son passage. Les jeunes filles faisaient voler vers lui leurs écharpes, leurs gants et leurs mouchoirs; les nobles s'inclinaient comme devant la statue de Jupiter, les plébéiens faisaient une grêle de leurs bonnets; leurs acclamations étaient comme la voix du tonnerre. Jamais je n'ai rien vu de semblable.

BRUTUS. – Allons au Capitole; portons-y pour le moment des yeux et des oreilles: mais tenons nos coeurs prêts pour l'événement.

SICINIUS. – Allons.

(Ils sortent.)
2Microcosme (ou petit monde). Ce nom a été donné à l'homme par beaucoup de médecins et de philosophes anciens, qui ont considéré notre corps comme l'abrégé de l'univers.