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SCÈNE II

La ville de Corioles. Le sénat
TULLUS AUFIDIUS et le sénat de Corioles assemblé

PREMIER SÉNATEUR. – Vous pensez donc, Aufidius, que les Romains ont pénétré nos conseils, et qu'ils sont instruits de nos plans?

AUFIDIUS. – Ne le pensez-vous pas comme moi? A-t-on jamais projeté dans cet État un acte qui ait pu s'accomplir avant que Rome en eût avis? J'ai eu des nouvelles de Rome il n'y a pas quatre jours; voici ce qu'on disait: Je crois l'avoir ici, cette lettre. Oui, la voilà, (Il lit) «Ils ont une armée toute prête: mais on ignore «si elle sera dirigée vers l'Orient, ou vers l'Occident; la disette est grande, le peuple mutin. On dit que Cominius, Marcius, votre ancien ennemi, mais plus haï dans Rome qu'il ne l'est de vous, et Titus Lartius, un des plus vaillants Romains, sont tous trois chargés de conduire cette armée à sa destination, quelle qu'elle soit; il est vraisemblable que c'est contre vous. Tenez-vous sur vos gardes.»

PREMIER SÉNATEUR. – Notre armée est en campagne. Nous n'avons jamais douté que Rome ne fût prête à nous répondre.

AUFIDIUS. – Mais vous avez jugé prudent de tenir secrets vos grands desseins, jusqu'au jour qui devait nécessairement les dévoiler. A peine conçus, ils sont connus à Rome. – Nos projets ainsi découverts n'atteindront plus leur but, qui était de prendre plusieurs villes avant même que Rome sût que nous étions sur pied.

SECOND SÉNATEUR. – Noble Aufidius, recevez votre commission et volez à vos troupes. Laissez-nous seuls garder Corioles: si les Romains viennent camper sous ses murs, ramenez votre armée pour faire lever le siège; mais vous versez, je crois, que ces grands préparatifs n'ont pas été faits contre nous.

AUFIDIUS. – Ne doutez pas de ce que je vous dis: je ne parle que d'après des informations certaines. Je dirai plus, déjà plusieurs corps de l'armée romaine sont en campagne, et marchent droit sur nous. Je laisse vos seigneuries. Si nous venons à nous rencontrer, Marcius et moi, nous avons juré de combattre jusqu'à ce que l'un de nous deux fût hors d'état de continuer.

TOUS LES SÉNATEURS. – Que les dieux vous secondent!

AUFIDIUS. – Qu'ils veillent sur vos seigneuries!

PREMIER SÉNATEUR. – Adieu!

SECOND SÉNATEUR. – Adieu!

TOUS ENSEMBLE. – Adieu!

(Ils sortent.)

SCÈNE III

Rome. Appartement de la maison de Marcius
VOLUMNIE ET VIRGILIE entrent; elles s'assoient sur deux tabourets

VOLUMNIE. – Je vous prie, ma fille, chantez, ou du moins exprimez-vous d'une manière moins décourageante. Si mon fils était mon époux, je serais plus joyeuse de cette absence qui va lui rapporter de la gloire, que des marques les plus tendres de son amour sur la couche nuptiale. – Alors qu'il était encore un enfant délicat et l'unique fils de mes entrailles, alors que les grâces de son âge lui attiraient tous les regards, alors qu'une autre mère n'aurait pas voulu se priver une heure du plaisir de le contempler, quand même un roi l'aurait suppliée un jour entier, moi je pensais combien la gloire lui siérait bien; je me disais qu'il ne vaudrait guère mieux qu'un portrait à pendre à un mur si la soif de la renommée ne le mettait en mouvement, et mon plaisir fut de l'envoyer chercher le danger partout où il pourrait trouver l'honneur: je l'envoyai à une guerre sanglante. Il en revint le front ceint de la couronne de chêne. Je vous le dis, ma fille, non, je ne tressaillis pas plus joyeusement à sa naissance lorsqu'on me dit que j'avais un fils, que le jour où pour la première fois il prouva qu'il était un homme.

VIRGILIE. – Et s'il eût été tué dans cette guerre, madame?..

VOLUMNIE. – Alors son grand renom serait devenu mon fils, et m'aurait tenu lieu de postérité. – Laissez-moi vous parler sincèrement. Si j'avais eu douze fils, tous également chéris, tous aussi passionnément aimés que votre Marcius, que mon Marcius, j'aurais mieux aimé en voir onze mourir généreusement pour leur pays, qu'un seul se rassasier de volupté loin des batailles.

(Une suivante se présente.)

LA SUIVANTE. – Madame, la noble Valérie vient vous faire une visite.

VIRGILIE. – Permettez-moi de me retirer; je vous en conjure.

VOLUMNIE. – Non, ma fille, je ne vous le permettrai point. – Je crois entendre le tambour de votre époux: je le vois traîner Aufidius par les cheveux, et les Volsques fuir effrayés comme des enfants poursuivis par un ours; je le vois frapper ainsi du pied; – je l'entends s'écrier: «En avant, lâches! quoi! nés dans le sein de Rome, vous fûtes engendrés dans la peur?» Essuyant de ses mains couvertes de fer son front ensanglanté, il marche en avant comme un moissonneur qui s'est engagé, ou à tout faucher ou à perdre son salaire.

VIRGILIE. – Son front ensanglanté? ô Jupiter, point de sang!

VOLUMNIE. – Taisez-vous, folle, le sang sur le front d'un guerrier sied mieux que l'or sur les trophées! Le sein d'Hécube, allaitant Hector, n'était pas plus charmant que le front d'Hector ensanglanté par les épées des Grecs luttant contre lui. Dites à Valérie que nous sommes prêtes à la recevoir.

(La suivante sort.)

VIRGILIE. – Le ciel protège mon seigneur contre le féroce Aufidius!

VOLUMNIE. – Il abattra sous son genou la tête d'Aufidius, et foulera aux pieds son cou.

(La suivante rentre avec Valérie et l'esclave qui l'accompagne.)

VALÉRIE. – Mesdames, je vous donne le bonjour à toutes deux.

VOLUMNIE. – Aimable personne!

VIRGILIE. – Je suis bien heureuse de vous voir, madame.

VALÉRIE. – Comment vous portez-vous, toutes deux? – Mais vous êtes d'excellentes ménagères: quel ouvrage faites-vous là? Une belle broderie, en vérité! Et comment va votre petit garçon?

VIRGILIE. – Je vous remercie, madame, il est bien.

VOLUMNIE. – Il aimerait bien mieux voir des épées, et entendre un tambour, que de regarder son maître.

VALÉRIE. – Oh! sur ma parole, il est en tout le fils de son père! je jure que c'est un joli enfant. – En vérité, mercredi dernier je pris plaisir à le regarder une demi-heure entière. – Il a une physionomie si décidée! – Je m'amusais à le voir poursuivre un papillon aux ailes dorées: il le prit, le lâcha, le reprit, et le voilà de nouveau parti, allant, venant, sautant, le rattrapant; puis, soit qu'il fût tombé et que sa chute l'eût enragé, soit je ne sais pourquoi, il le mit entre ses dents et le déchira: il fallait voir comme il le mit en pièces!

VOLUMNIE. – C'est une des manières de son père.

VALÉRIE. – En vérité, c'est un noble enfant.

VIRGILIE. – Un petit fou, madame.

VALÉRIE. – Allons, quittez votre aiguille, il faut absolument que vous veniez avec moi faire la paresseuse cet après-midi.

VIRGILIE. – Non, madame, je ne sortirai pas.

VALÉRIE. – Vous ne sortirez pas?

VOLUMNIE. – Elle sortira, elle sortira.

VIRGILIE. – Non, en vérité, si vous le permettez, je ne passerai pas le seuil, jusqu'à ce que mon seigneur soit revenu de la guerre.

VALÉRIE. – Fi donc! vous vous renfermez sans aucune raison. – Allons, venez faire une visite à cette dame qui est en couche.

VIRGILIE. – Je lui souhaite le prompt retour de ses forces, et je la visiterai dans mes prières; mais je ne puis aller la voir.

VALÉRIE. – Et pourquoi, je vous prie?

VIRGILIE. – Ce n'est de ma part ni paresse, ni indifférence pour elle.

VALÉRIE. – Vous voulez donc être une autre Pénélope? Mais on dit que toute la laine qu'elle fila pendant l'absence d'Ulysse ne servit qu'à mettre la teigne dans Ithaque. Venez donc. Je voudrais que votre toile fût sensible comme votre doigt: par pitié, vous vous lasseriez de la piquer. Venez donc avec nous.

VIRGILIE. – Non, ma chère dame, excusez-moi; en vérité, je ne sortirai pas.

VALÉRIE. – En vérité, vous viendrez avec moi: je vous apprendrai d'heureuses nouvelles de votre époux.

VIRGILIE. – Oh! madame, vous ne pouvez pas encore en avoir.

VALÉRIE. – Je ne plaisante pas: on en a reçu hier au soir.

VIRGILIE. – Est-il bien vrai, madame?

VALÉRIE, – Sérieusement: je ne vous trompe pas. Ce que je sais, je le tiens d'un sénateur: voici la nouvelle. Les Volsques ont une armée en campagne; le général Cominius est allé l'attaquer avec une partie de nos forces. Votre époux et Titus Lartius sont campés sous les murs de Corioles: ils ne doutent pas du succès de ce siège, qui terminera bientôt la guerre. Je vous dis la vérité, sur mon honneur. – Venez donc avec nous, je vous en conjure.

VIRGILIE. – Excusez-moi pour aujourd'hui, madame, et dans la suite je ne vous refuserai jamais rien.

VOLUMNIE. – Laissez-la seule, madame: de l'humeur qu'elle est, elle ne ferait que troubler notre gaieté.

VALÉRIE. – Je commence à le croire: adieu donc! – Ah! plutôt venez, aimable et chère amie; venez avec nous, Virgilie: mettez votre gravité à la porte, et suivez-nous.

VIRGILIE. – Non, madame; non, en un mot. Je ne dois pas sortir. – Je vous souhaite beaucoup de plaisir.

VALÉRIE. – Eh bien donc!.. Adieu.

(Elles sortent.)

SCÈNE IV

La scène se passe devant Corioles
MARCIUS, TITUS LARTIUS entrent suivis d'officiers et de soldats, au son des tambours et avec bannières déployées. Un messager vient à eux

MARCIUS. – Voici des nouvelles: je gage qu'ils en sont venus aux mains.

LARTIUS. – Je parie que non, mon cheval contre le vôtre.

MARCIUS. – J'accepte la gageure.

LARTIUS. – Je la tiendrai.

MARCIUS, au messager. – Dis-moi, notre général a-t-il joint l'ennemi?

LE MESSAGER. – Les deux armées sont en présence: mais elles ne se sont encore rien dit.

 

LARTIUS. – Ainsi votre superbe cheval est à moi.

MARCIUS. – Je vous l'achèterai.

LARTIUS. – Moi, je ne veux ni le vendre, ni le donner, mais je vous le prête pour cinquante ans. – Sommez la ville.

MARCIUS. – À quelle distance de nous sont les deux armées?

LE MESSAGER. – A un mille et demi.

MARCIUS. – Nous pourrons donc entendre leur alarme et eux la nôtre? – C'est dans ce moment, ô Mars, que je te conjure de hâter ici notre ouvrage, afin que nous puissions, avec nos épées fumantes, voler au secours de nos amis. – Allons, sonne de ta trompette!

(Le son de la trompette appelle les ennemis à une conférence. – Quelques sénateurs volsques paraissent sur les murs au milieu des soldats.)

MARCIUS. – Tullus Aufidius est-il dans vos murs?

PREMIER SÉNATEUR. – Non, ni lui, ni aucun homme qui vous craigne moins que lui, c'est-à-dire, moins que peu. Écoutez: nos tambours rassemblent notre jeunesse! (Alarme dans le lointain.) Nous renverserons nos murs, plutôt que de nous y laisser emprisonner: nos portes, qui vous semblent fermées, n'ont pour loquets que des roseaux; elles vont s'ouvrir d'elles-mêmes. Entendez-vous dans le lointain (Nouvelle alarme.) C'est Aufidius. Écoutez quel ravage il fait dans votre armée en déroute.

MARCIUS. – Oh! ils sont aux prises.

LARTIUS – Que leurs cris nous servent de leçon: vite, des échelles.

(Les Volsques font une sortie.)

MARCIUS. – Ils ne nous craignent pas! Ils osent sortir de leur ville! – Allons, soldats, serrez vos boucliers contre votre coeur, et combattez avec des coeurs qui soient encore plus à l'épreuve du fer que vos boucliers. Avancez, vaillant Titus. Ils nous dédaignent fort au delà de ce que nous pensions. J'en sue de rage. – Venez, braves compagnons. Celui de vous qui reculera, je le traiterai comme un Volsque. Il périra sous mon glaive.

(Le signal est donné, les Romains et les Volsques se rencontrent. – Les Romains sont battus et repoussés jusque dans leurs tranchées.)

MARCIUS. – Que toute la contagion du sud descende sur vous, vous la honte de Rome!.. vous troupeau de… – Que les clous et la peste vous couvrent de plaies, afin que vous soyez abhorrés avant d'être vus et que vous vous infestiez les uns les autres à un mille de distance. Ames d'oies qui portez des figures humaines, comment avez-vous pu fuir devant des esclaves que battraient des singes? Par Pluton et l'enfer! ils sont tous frappés par derrière, le dos rougi de leur sang et le front blême, fuyant et transis de peur. – Réparez votre faute, chargez de nouveau, ou, par les feux du ciel, je laisse là l'ennemi, et je tourne mes armes contre vous; prenez-y garde. En avant! Si vous voulez tenir ferme, nous allons les repousser jusque dans les bras de leurs femmes, comme ils nous ont poursuivis jusque dans nos tranchées. —

(Les clameurs guerrières recommencent: Marcius charge les Volsques et les poursuit jusqu'aux portes de la ville.)

– Voilà les portes qui s'ouvrent. – Maintenant secondez-moi en braves. C'est pour les vainqueurs que la fortune élargit l'entrée de la ville, et non pour les fuyards: regardez-moi, imitez-moi.

(Il passe les portes et elles se ferment sur lui.)

UN PREMIER SOLDAT. – Audace de fou! Ce ne sera pas moi!

–UN SECOND SOLDAT. – Ni moi.

TROISIÈME SOLDAT. – Vois, les portes se ferment sur lui.

(Les cris continuent.)

TOUS. – Le voilà pris, je le garantis.

TITUS LARTIUS parait. – Marcius! qu'est-il devenu?

TOUS. – Il est mort, seigneur; il n'en faut pas douter.

PREMIER SOLDAT. – Il était sur les talons des fuyards et il est entré dans la ville avec eux. Aussitôt les portes se sont refermées; et il est dans Corioles, seul contre tous ses habitants.

LARTIUS. – O mon brave compagnon! plus brave que l'insensible acier de son épée; quand elle plie, il tient bon. Il n'ont pas osé te suivre, Marcius! – Un diamant de ta grosseur serait moins précieux que toi. Tu étais un guerrier accompli, égal aux voeux de Caton même. Terrible et redoutable, non-seulement dans les coups que tu portais; mais ton farouche regard et le son foudroyant de ta voix faisaient frissonner les ennemis comme si l'univers agité par la fièvre eût tremblé.

(Marcius paraît sanglant, et poursuivi par l'ennemi.)

PREMIER SOLDAT. – Voyez, seigneur. LARTIUS. – Oh! c'est Marcius: courons le sauver ou périr tous avec lui.

(Ils combattent et entrent tous dans la ville.)

SCÈNE V

L'intérieur de la ville
(Quelques Romains chargés de butin.)

PREMIER ROMAIN. – Je porterai ces dépouilles à Rome.

SECOND ROMAIN. – Et moi, celles-ci.

TROISIÈME ROMAIN. – Peste soit de ce vil métal! je l'avais pris pour de l'argent.

(On entend toujours dans l'éloignement les cris des combattants. – Marcius et Titus Lartius s'avancent, précédés d'un héraut.)

MARCIUS. – Voyez ces maraudeurs! qui estiment leur temps au prix d'une mauvaise drachme! coussins, cuillers de plomb, morceaux de fers d'un liard, pourpoints que des bourreaux enterreraient avec ceux qui les ont portés; voilà ce que ramassent ces lâches esclaves, avant que le combat soit fini. – Tombons sur eux. – Mais écoutez, quel fracas autour du général ennemi? – Volon à lui! – C'est là qu'est l'homme que mon coeur hait; c'est Aufidius qui massacre nos Romains. Allons, vaillant Titus, prenez un nombre de soldats suffisant pour garder la ville, tandis que moi, avec ceux qui ont du coeur, je vole au secours de Cominius.

LARTIUS. – Digne seigneur, ton sang coule; tu es trop épuisé-par ce premier exercice pour entreprendre un second combat.

MARCIUS. – Seigneur, ne me louez point, l'ouvrage que j'ai fait ne m'a pas encore échauffé. Adieu. Ce sang que je perds me soulage, au lieu de m'affaiblir. C'est dans cet état que je veux paraître devant Aufidius, et le combattre.

LARTIUS. – Que la belle déesse de la fortune t'accorde son amour; et que ses charmes puissants détournent l'épée de tes ennemis, vaillant Marcius; que la prospérité te suive comme un page.

MARCIUS. – Ton ami n'est pas au-dessous de ceux qu'elle a placés au plus haut rang. Adieu!

LARTIUS. – Intrépide Marcius! Toi, va sonner ta trompette dans la place publique, et rassemble tous les officiers de la ville: c'est là que je leur ferai connaître mes intentions. Partez.

(Ils sortent.)

SCÈNE VI

Les environs du camp de Cominius
COMINIUS faisant retraite avec un nombre de soldats

COMINIUS. – Respirez, mes amis; bien combattu! Nous quittons le champ de bataille en vrais Romains, sans folle témérité dans notre résistance, sans lâcheté dans notre retraite. – Croyez-moi, mes amis, nous serons encore attaqués. – Dans la chaleur de l'action, nous avons entendu par intervalles les charges de nos amis apportées par le vent. Dieux de Rome, accordez-leur le succès que nous désirons pour nous-mêmes! Faites que nos deux armées se rejoignent, le front souriant, et puissent vous offrir ensemble un sacrifice d'actions de grâces! (Un messager paraît.) – Quelles nouvelles?

LE MESSAGER. – Les habitants de Corioles ont fait une sortie et livré bataille à Lartius et Marcius. J'ai vu nos troupes repoussées jusque dans les tranchées et aussitôt je suis parti.

COMINIUS. – Quoique tu dises la vérité, je crois, tu ne parles pas bien. Combien y a-t-il que tu es parti?

LE MESSAGER. – Plus d'une heure, seigneur.

COMINIUS. – Quoi! il n'y a pas un mille de distance. A l'instant nous entendions encore leur tambour. Comment as-tu pu mettre une heure à parcourir un mille, et m'apporter des nouvelles si tardives?

LE MESSAGER. – Les espions des Volsques m'ont donné la chasse, et j'ai été forcé de faire un détour de trois ou quatre milles: sans quoi, seigneur, je vous aurais apporté cette nouvelle une demie-heure plus tôt.

(Marcius arrive.)

COMINIUS. – Quel est ce guerrier là-bas, qui a l'air d'avoir été écorché tout vif. O Dieu! il a bien le port de Marcius; ce n'est pas la première fois que je l'ai vu dans cet état!

MARCIUS. – Suis-je venu trop tard?

COMINIUS. – Le berger ne distingue pas mieux le tonnerre du son d'un tambourin, que moi la voix de Marcius de celle de tout homme.

MARCIUS. – Suis-je venu trop tard?

COMINIUS. – Oui, si vous ne revenez pas couvert du sang des ennemis, mais baigné dans votre propre sang.

MARCIUS. – Oh! laissez-moi vous embrasser avec des bras aussi robustes que lorsque je faisais la cour à ma femme, et avec un coeur aussi joyeux qu'à la fin de mes noces, lorsque les flambeaux de l'hymen me guidèrent à la couche nuptiale.

COMINIUS. – Fleur des guerriers, que fait Titus Lartius?

MARCIUS. – Il est occupé à porter des décrets: il condamne les uns à mort, les autres à l'exil; rançonne celui-ci, fait grâce à celui-là ou le menace: il régit Corioles au nom de Rome, et la gouverne comme un docile lévrier caressant la main qui le tient en lesse.

COMINIUS. – Où est ce malheureux qui est venu m'annoncer que les Volsques vous avaient repoussés jusque dans vos tranchées? Où est-il? Qu'on le fasse venir.

MARCIUS. – Laissez-le en paix; il vous a dit la vérité. Mais quant à nos seigneurs les plébéiens… (Peste soit des coquins… des tribuns, voilà tout ce qu'ils méritent), la souris n'a jamais fui le chat comme ils fuyaient devant une canaille encore plus méprisable qu'eux.

COMINIUS. – Mais comment avez-vous pu triompher?

MARCIUS. – Ce temps est-il fait pour l'employer en récits? Je ne crois pas… Où est l'ennemi? Êtes-vous maîtres du champ de bataille? Si vous ne l'êtes pas, pourquoi rester dans l'inaction avant que vous le soyez devenus?

COMINIUS. – Marcius, nous avons combattu avec désavantage; et nous nous sommes repliés, pour assurer l'exécution de nos desseins.

MARCIUS. – Quel est leur ordre de bataille? Savez-vous de quel côté sont placées leurs troupes d'élite?

COMINIUS. – Suivant mes conjectures, leur avant-garde est formée des Antiates, qui sont leurs meilleurs soldats: à leur tête est Aufidius, le centre de toutes leurs espérances.

MARCIUS. – Je vous conjure, au nom de toutes les batailles où nous avons combattu et de tout le sang que nous avons versé ensemble, au nom des serments que nous avons faits de rester toujours amis, envoyez-moi sur-le-champ contre Aufidius et ses Antiates, et ne perdons pas l'occasion. Remplissons l'air de traits et d'épées nues: tentons la fortune à cette heure même…

COMINIUS. – J'aimerais mieux vous voir conduire à un bain salutaire, et panser vos blessures: mais jamais je n'ose vous refuser ce que vous demandez. Choisissez vous-même parmi ces soldats ceux qui peuvent le mieux seconder votre entreprise.

MARCIUS. – Je choisis ceux qui voudront me suivre. S'il y a parmi vous quelqu'un (et ce serait un crime d'en douter) qui aime sur son visage le fard dont il voit le mien coloré, qui craigne moins pour ses jours que pour son honneur, qui pense qu'une belle mort est préférable à une vie honteuse, et qui chérisse plus sa patrie que lui-même; qu'il vienne, seul ou suivi de ceux qui pensent de même: qu'il étende comme moi la main (il lève la main) en témoignage de ses dispositions, et qu'il suive Marcius. —

(Tous ensemble poussent un cri, agitent leurs épées, élèvent Marcius sur leurs bras, et font voler leurs bonnets en l'air.)

– Oh! laissez-moi! Voulez-vous faire de moi un glaive? Si ces démonstrations ne sont pas une vaine apparence, qui de vous ne vaut pas quatre Volsques? Pas un de vous qui ne puisse opposer au vaillant Aufidius un bouclier aussi ferme que le sien. Je vous rends grâces à tous; mais je n'en dois choisir qu'un certain nombre. Les autres réserveront leur courage pour quelque autre combat que l'occasion amènera. Allons marchons. Quatre des plus braves recevront immédiatement mes ordres.

COMINIUS. – Marchez, mes amis: tenez ce que promet cette démonstration; et vous partagerez avec nous tous les fruits de la guerre.

(Ils sortent et suivent Coriolan.)