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Kitobni o'qish: «Le Rhin, Tome III», sahifa 7

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LETTRE XXVII
SPIRE

Étymologie et histoire. – Le blé. – Le vin pied-d'oison. – La cathédrale. – Quelle pensée y saisit le voyageur. – Détail des empereurs enterrés à Spire. – Lueurs qui traversent les ténèbres de l'histoire. – 1693. – 1793. – Souviens-toi de Conrad.

Bords du Nectar, octobre.

Que vous dirai-je de Spire, ou Speyer, comme la nomment les Allemands, ou Spira, comme la nommaient les Romains? Neomagus, dit la légende. Augusta Nemetum, dit l'histoire. C'est une ville illustre. César y a campé, Drusus l'a fortifiée, Tacite en a parlé, les Huns l'ont brûlée, Constantin l'a rebâtie, Julien l'a agrandie, Dagobert y a fait d'un temple de Mercure un couvent de Saint-Germain, Othon Ier y a donné à la chrétienté le premier tournoi, Conrad le Salien en a fait la capitale de l'empire, Conrad II en a fait le sépulcre des empereurs. Les templiers, qui y ont laissé une belle ruine, ont rempli là leur fonction de sentinelles aux Frontières. Tous les torrents d'hommes qui ont dévasté et fécondé l'Europe ont traversé Spire: pendant les premiers siècles, les Vandales et les Alemans (tous les hommes, hommes de toutes races, dit l'étymologie); pendant les derniers, les Français. Durant le moyen âge, de 1125 à 1422, en trois cents ans, Spire a essuyé onze siéges. Aussi la vieille ville carlovingienne est-elle profondément frappée. Ses priviléges sont tombés, son sang et sa population ont coulé de toutes parts. Elle a eu la chambre impériale dont Wetzlar a hérité, les diètes dont le fantôme est maintenant à Francfort. Elle a eu trente mille habitants, elle n'en a plus que huit mille.

Qui se souvient aujourd'hui du saint évêque Rudiger? Où coule le ruisseau Spira? Où est le village Spira? Qu'a-t-on fait de l'église haute de Saint-Jean? Dans quel état est cette chapelle d'Olivet que les anciens registres appellent l'incomparable? Qu'est devenue l'admirable tour carrée à tourelles angulaires qui dominait la porte de la route du Bac? Quels vestiges reste-t-il de Saint-Vildnberg? Où est la maison de la chambre impériale? Où est l'hôtel des assesseurs-avocats, lesquels, dit une vieille charte, sont faisans et administrans justice au nom de la majesté impériale, des électeurs et autres princes de l'Empire, au consistoire publiq de tout l'Empire établi par Charles-le-Quint? de cette haute juridiction, à laquelle toutes les autres étaient dévolues et ressortissantes en dernier ressort, que reste-t-il? Rien, pas même le gibet de pierre à quatre piliers dans la prairie qui borde le Rhin. Le soleil seul continue de traiter Spire avec autant de magnificence que si elle était encore la reine des villes impériales. Le blé proverbial de Spire est toujours aussi beau et aussi doré que du temps de Charles-Quint, et l'excellent vin rouge pied-d'oison est toujours digne d'être bu par des princes-évêques en bas écarlates et des électeurs à chapeau d'hermine.

La cathédrale, commencée par Conrad Ier, continuée par Conrad II et Henri III, terminée par Henri IV en 1097, est un des plus superbes édifices qu'ait faits le onzième siècle. Conrad Ier l'avait dédiée, disent les chartes, à la «benoîte Vierge Marie.» Elle est encore aujourd'hui d'une majesté incomparable. Elle a résisté au temps, aux hommes, aux guerres, aux assauts, aux incendies, aux émeutes, aux révolutions, et même aux embellissements des princes-évêques de Spire et Bruchsal. Je l'ai visitée; je ne vous la détaillerai pas pourtant. Ici, comme dans la maison Ybach, je ne peux pas dire que j'aie vu l'église, tant j'étais absorbé par la pensée qui pour moi la remplissait. Non, je n'ai pas vu l'édifice, j'ai vu cette pensée. Laissez-moi vous la dire. Je ne sais plus rien du reste; tout a passé devant mes yeux comme une ombre. Cherchez, si vous le voulez, dans les itinéraires et les monographies, la description de la cathédrale de Spire; vous ne l'aurez pas de moi. Quelque chose de plus haut et de plus magnifique encore m'a saisi au milieu de la contemplation de cette sombre architecture. Jusqu'ici j'ai eu bien souvent déjà j'aurai bien souvent encore l'occasion de vous montrer des églises; cette fois laissez-moi vous montrer Dieu.

De 1024 à 1308, trois siècles durant, la pensée de Conrad II s'est exécutée. Sur dix-huit empereurs qui ont régné dans cet intervalle, neuf ont été enterrés dans la crypte qui est sous la cathédrale de Spire. Quant aux neuf autres, Lothaire II, Frédéric Barberousse, Henri VI, Othon IV, Frédéric II, Conrad IV, Guillaume, Richard de Cornouailles et Alphonse de Castille, la destinée ne leur a pas accordé cette auguste sépulture. Le vent qui souffle sur les hommes à l'heure de leur mort les a portés ailleurs.

De ceux-là, deux seulement, qui n'étaient pas Allemands, ont eu leur tombeau dans leur pays natal: Richard de Cornouailles en Angleterre, Alphonse de Castille en Espagne. Les autres ont été jetés aux quatre points cardinaux: Lothaire II au monastère de Kœnigslutter, Othon IV à Brunswick, Guillaume à Middelbourg, Henri VI et Frédéric II à Palerme, Conrad IV à Poggi, Barberousse au Cydnus.

Barberousse en particulier, ce grand Barberousse, où est-il? dans le Cydnus, dit l'histoire; à Antioche, dit la chronique; dans la caverne de Kiffhœüser, dit la légende de Wurtemberg; dans la grotte de Kaiserslautern, dit la légende du Rhin.

Les neuf césars couchés sous les dalles de l'abside de Spire étaient presque tous de glorieux empereurs. C'était le fondateur de la cathédrale, le contemporain de Canut le Grand, Conrad II, celui qui divisa la vieille Teutonie en six classes, dites Boucliers Militaires, Clypei Militares, hiérarchie que bouleversa la Bulle d'Or, mais que la Pologne adopta et refléta: si bien que, même dans ces derniers siècles, la constitution républicaine de la Pologne, reproduisant la vieille constitution féodale de l'Allemagne, était comme un miroir qui garderait l'image après que l'objet aurait disparu. C'étaient Henri III, qui proclama et maintint trois ans la paix universelle, préférant à une guerre de peuple à peuple ce duel de roi à roi qu'il offrait à Henri Ier de France; puis Henri IV, le vainqueur des Saxons et le vaincu de Grégoire VII; Henri V, l'allié de Venise; Conrad III, l'ami des diètes, qui se qualifiait empereur des Romains; Philippe de Souabe, le redoutable adversaire d'Innocent III. C'était le triomphateur d'Ottocar, l'exterminateur des burgraves, le fondateur de dynasties, le comte père des empereurs, Rodolphe de Habsbourg. C'était Adolphe de Nassau, le vaillant homme tué d'un coup de hache sur le champ de bataille. C'était enfin son ennemi, son compétiteur, son meurtrier, Albert d'Autriche, qui se faisait servir à table par le roi de Bohême, la couronne en tête, qui supprimait les péages, et domptait, la châtaigne de fer au poing, les quatre formidables électeurs du Rhin; prince démesuré en tout, dans son ambition comme dans sa puissance, auquel Boniface VIII donnait un matin le royaume de France: si bien que, devant un pareil présent, on ne sait qui l'on doit admirer le plus, du pape qui avait l'audace d'offrir ou de l'empereur qui avait l'audace d'accepter.

Hélas! quoi de plus pareil à des rêves que ces grandeurs? et comme elles se ressemblent toutes par les misères qui sont au bout! Albert d'Autriche, à Gellheim, près Mayence, avait tué de sa main son cousin et son empereur, Adolphe de Nassau; dix ans plus tard, Jean de Habsbourg tue, à Vindisch-sur-la-Reuss, son oncle et son empereur, Albert d'Autriche. Albert, qui était borgne et laid, et conseillé, disait Boniface VIII, par une femme au sang de vipère, sanguine viperali, avait été surnommé le Régicide; Jean fut surnommé le Parricide.

Quoi qu'il en soit, tous ces princes, les bons, les médiocres et les mauvais, enterrés côte à côte, confondaient, pour ainsi dire, la diversité de leurs destinées dans la gloire des armes, propre à quelques-uns, et dans la splendeur de l'empire, commune à tous, et gisaient dans le caveau de Spire, enveloppés delà mystérieuse majesté de la mort. Pour toute l'Allemagne, une sorte de superstition nationale environnait ces empereurs endormis. Les peuples, qui ont tous les instincts querelleurs et mutins des enfants, haïssent volontiers la puissance debout et vivante, parce qu'elle est la puissance, parce qu'elle est debout, parce qu'elle est vivante. Ceux de Flandres, dit Philippe de Commines, aiment toujours le fils de leur prince; leur prince, jamais. L'évêque d'Olmütz écrivait au pape Grégoire X: Volunt imperatorem, sed potentiam abhorrent. Mais, dès que la puissance est tombée, on l'aime; dès qu'elle est vaincue, on l'admire; dès qu'elle est morte, on la respecte. Rien n'était donc plus grand, plus auguste et plus sacré en Allemagne et en Europe que ces neuf tombes impériales couvertes, comme d'un triple voile, de silence, de nuit et de vénération.

Qui rompit ce silence? qui troubla cette nuit? qui profana cette vénération? Ecoutez.

En 1693, Louis XIV envoya brusquement dans le Palatinat une armée commandée par des hommes dont on peut lire encore les noms dans la Gazette des entresols du Louvre: ARMÉE D'ALLEMAGNE, 11 avril. – Maréchal de Boufflers, maréchal duc de Lorges, maréchal de Choiseul. —Lieutenants généraux: marquis de Chamilly, marquis de la Feuillée, marquis d'Uxelles, mylord Mountcassel, marquis de Revel, sieur de la Bretesche, marquis de Villars, sieur de Mélac. —Maréchaux de camp: duc de la Ferté, sieur de Barbezières, comte de Bourg, marquis d'Alègre, marquis de Vaubecourt, comte de Saint-Fremont.

La civilisation alors commençait à couvrir partout la barbarie; mais la couche était peu épaisse encore. A la moindre secousse, à la première guerre, elle se brisait, et la barbarie, trouvant un passage, se répandait de toutes parts. C'est ce qui arriva dans la guerre du Palatinat.

L'armée du grand roi entra dans Spire. Tout y était fermé, les maisons, l'église, les tombeaux. Les soldats ouvrirent les portes des maisons, ouvrirent les portes de l'église, et brisèrent la pierre des tombeaux.

Ils violèrent la famille, ils violèrent la religion, ils violèrent la mort.

Les deux premiers crimes étaient presque des crimes ordinaires. La guerre, dans ces temps que nous admirons trop quelquefois, y accoutumait les hommes. Le dernier était un attentat monstrueux.

La mort fut violée, et avec la mort, chose qu'on n'avait pas vue encore, la majesté royale, et avec la majesté royale toute l'histoire d'un grand peuple, tout le passé d'un grand empire. Les soldats fouillèrent les cercueils, arrachèrent les suaires, volèrent à des squelettes, majestés endormies, leurs sceptres d'or, leurs couronnes de pierreries, leurs anneaux qui avaient scellé la paix et la guerre, leurs bannières d'investiture, hastas vexilliferas. Ils vendirent à des juifs ce que des papes avaient béni. Ils brocantèrent cette pourpre en haillons et ces grandeurs couvertes de cendre. Ils trièrent avec soin l'or, les diamants et les perles; et, quand il n'y eut plus rien de précieux dans ces sépulcres, quand il n'y eut plus que de la poussière, ils balayèrent pêle-mêle dans un trou ces ossements qui avaient été des empereurs. Des caporaux ivres roulèrent avec le pied dans une fosse commune les crânes de neuf césars.

Voilà ce que fit Louis XIV en 1693. Juste cent ans après, en 1793, voici ce que fit Dieu:

Il y avait en France un tombeau royal comme il y avait un ossuaire impérial en Allemagne. Un jour, jour fatal où toute la barbarie de dix siècles reparut à la surface de la civilisation et la submergea, des hordes hideuses, horribles, armées, qui apportaient la guerre, non plus à un roi, mais à tous les rois, non plus à une cathédrale, mais à toute religion, non plus à une ville ou à tout un Etat, mais à tout le passé du genre humain: des hordes effrayantes, dis-je, sanglantes, déguenillées, féroces, se ruèrent sur l'antique sépulture des rois de France. Ces hommes, que rien n'arrêta dans leur œuvre redoutable, venaient aussi pour briser des tombes, déchirer des linceuls et profaner des ossements. Etranges et mystérieux ouvriers, ils venaient mettre de la poussière en poussière. Ecoutez ceci: – le premier spectre qu'ils éveillèrent, le premier roi qu'ils arrachèrent brutalement du cercueil, comme on secoue un valet qui a trop longtemps dormi, le premier squelette qu'ils saisirent dans sa robe de pourpre pour le jeter au charnier, ce fut Louis XIV.

O représailles de la destinée! 1693, 1793! équation sinistre! admirez cette précision formidable! Au bout d'un siècle pour nous, au bout d'une heure pour l'Eternel, ce que Louis XIV avait fait à Spire aux empereurs d'Allemagne, Dieu le lui rend à Saint-Denis.

Chose qu'il faut noter encore, le fondateur de la cathédrale de Spire, le plus ancien de ces vieux princes germaniques, Conrad II, avant d'être empereur d'Allemagne, avait été duc de la France rhénane. Ce duc de France fut outragé par un roi de France. Châtiment! châtiment! Si Louis XIV, dans ses campagnes d'Allemagne, avait passé à Otterberg, où j'étais il y a un mois, il aurait vu là, comme à Spire, une admirable cathédrale bâtie aussi par Conrad II, et cela peut-être n'eût pas été inutile au grand roi, car sur le portail principal de la sombre église il aurait pu lire cet avertissement mélancolique et sévère qu'on y lit encore aujourd'hui:

MEMENTO CONRADI

LETTRE XXVIII
HEIDELBERG

L'auteur se fait des ennemis de tous les habitants de Mannheim. – Heidelberg. – L'auteur donne beaucoup d'explications sur lui-même. – La maison du chevalier de Saint-Georges. – Un verset de la Bible protége mieux une maison contre l'incendie que la plaque de fer-blanc M. A. C. L. – Détails peu connus sur le siége de Heidelberg par les troupes de Louis XIV. L'auteur dans la forêt. – Rêverie. – Enigme sculptée dans la muraille d'une masure. – Le Chemin des philosophes. – Soleil couchant. – Paysage. – Choses crépusculaires et mystérieuses qui commencent. – Nuit. – L'auteur au haut de la montagne. – Horrible fosse entrevue. – Aventure surnaturelle du buisson qui marche. —Heidenloch!– Traces des païens partout sur les bords du Rhin. – Quelques-unes des visions du soir dans ces vallées. – Neckarsteinach. – Les quatre châteaux. – Le Schwalbennest. – Légende de Bligger le Fléau. – L'auteur laisse éclater sa profonde admiration pour les contes de bonnes femmes. – Passage curieux de Buchanan sur Macbeth. – Ce que l'auteur écrit sur la porte Schwalbennest. – Intérieur de la ruine. – Magnificences que l'auteur y trouve. – Le burg sans nom. – L'auteur y pénètre. – Le dedans d'une grosse tour. – Mystères. – Ce que l'auteur y voit et y entend d'effrayant à la nuit tombée. – Il se hâte de sortir du burg sans nom. – Le Neckar au crépuscule. – Le Petit-Geissberg. – Paysage qui raconte l'histoire. – Regard jeté sur les choses et sur les ombres. – Le château de Heidelberg. – Ce que c'était que le comte palatin. – Sens guelfe et factieux des inscriptions du palais d'Othon-Henri. – Les électeurs palatins avaient le goût des arts et des lettres. – Frédéric le Victorieux. – Le château de Heidelberg à vol d'oiseau. – Tous les genres de beauté y sont. – Traces des guerres. – Ce que faisait madame la palatine afin de devenir homme. – L'auteur regrette de n'avoir pas été là en 1693 pour diriger un peu la dévastation. – La cour intérieure. – La façade de Frédéric IV. – La façade d'Othon-Henri. – La façade de Louis le Barbu. – Les colonnes de Charlemagne. – Comparaisons de ces façades. – Tristesse. – Une remarque singulière. – Les rois et les dieux. – L'auteur se figure le château à la clarté du bombardement. – De quelle façon chaque statue de prince et d'empereur a été mutilée. – Statue de Frédéric V. – Statue de Louis V. – La tour de Frédéric le Victorieux. – Palais d'Othon-Henri. – L'intérieur. – Enumération de tous les édifices et de tous les palais que contenait le château de Heidelberg. – Les tours. – Le gros tonneau. – Détails inconnus et curieux. – Combien le gros tonneau tient de bouteilles de vin. – Ce que le vin y devient. – Les petits tonneaux. – Un des petits tonneaux a vaincu les grenadiers français. – Ce qu'on aperçoit dans l'obscurité. – PERKEO. – Moralité de toutes ces sombres histoires. – Les fantômes et les revenants de Heidelberg. – Jutha. – Les deux francs-juges. – Les musiciens bossus. – La dame blanche. – Irrévérence de la dame blanche pour la signature de M. de Cobentzel. – Les deux diables que l'auteur voit en plein midi. – Détail des petites dévastations. – Les architectes. – Les invalides. – Les Anglais. – La grille du perron a eu ses barbares comme notre grille de la place Royale a eu ses vandales. – Sinistre aspect de la tour Fendue au clair de lune. – Visite nocturne à la ruine de Heidelberg. – Effets vertigineux des rayons lunaires. – Serrement de cœur dans les chambres désertes. – Incident. – A quel hideux fantôme l'auteur est contraint de songer. – L'incident se comporte d'une façon lugubre et inexplicable. – Colère des cariatides et des statues contre l'auteur. – Il s'enfuit dans la cour. – La lune sur les deux façades. – Retour à la ville. – Post-Scriptum. – Imprécation contre les poêles.

Heidelberg, octobre.

Cher Louis, prenez garde à vous, je suis en humeur de vous écrire une lettre interminable. Vous me demandez quatre pages; je t'en veux donner cent, comme dit Orosmane. Ma foi! tant pis, tirez-vous-en comme vous pourrez; les vieilles amitiés sont bavardes.

Je suis arrivé dans celle ville depuis dix jours, cher ami, et je ne puis m'en arracher. Dans votre excursion en Allemagne, il y a douze ans, êtes-vous venu à Heidelberg? surtout vous y êtes-vous arrêté? car il ne faut pas passer à Heidelberg, il faut y séjourner, il faudrait y vivre. Je ne vous en dirai certes pas autant de cette espèce de faux Versailles badois qu'on appelle Mannheim, insipide ville, dont les rues semblent coupées à l'équerre dans un bloc de plâtre, et dont les clochers, comme ceux de Namur, ne sont pas des clochers, mais des bilboquets réussis. En descendant du bateau à vapeur du Rhin, je suis resté à Mannheim le temps de faire atteler ma voiture, et je me suis enfui en hâte à Heidelberg. Faites-en autant si jamais vous venez ici.

Heidelberg, située et comme réfugiée an milieu des arbres, à l'entrée de la vallée du Neckar, entre deux croupes boisées plus fières que des collines et moins âpres que des montagnes, a ses admirables ruines, ses deux églises du quinzième siècle, sa charmante maison de 1595, à façade rouge et à statues dorées, dite l'auberge du Chevalier de Saint-Georges, ses vieilles tours sur l'eau, son pont et surtout sa rivière, sa rivière limpide, tranquille et sauvage, où foisonnent les truites, où abondent les légendes, où se hérissent les rochers, où le flot, compliqué d'écueils, n'est qu'un inextricable réseau de tourbillons et de courants; ravissant fleuve-torrent où l'on peut être sûr que jamais un bateau à vapeur ne viendra patauger.

Je mène ici une vie occupée, occupée un peu au hasard, il est vrai, mais je ne perds pas un instant, je vous assure; je hante la forêt et la bibliothèque, cette autre forêt; et le soir, rentré dans ma chambre d'auberge, comme votre ami Benvenuto Cellini, j'écris sur des feuilles, qui s'en iront je ne sais où, mes aventures de la journée.

Questa mia vita travagliata io scrivo.

Seulement les travaux de Benvenuto, c'étaient des coups d'épée ou de stylet, des évasions du château Saint-Ange, des combats à fer émoulu pour le Rosso contre les disciples de Raphaël, des villes fortifiées, des colosses entrepris, des insolences au pape ou à la duchesse d'Etampes, des voyages de bohémien, avec ses deux élèves Paul et Ascagne, l'hôtel de Nesle pris d'assaut et vidé par les fenêtres, meubles et gens; et puis, çà et là, quelque chef-d'œuvre, qualchè bell' opera, comme il le dit lui-même, une Junon, une Léda, un Jupiter d'argent haut comme François Ier, ou une aiguière d'or pour laquelle le roi de France donnait au cardinal de Ferrare une abbaye de sept mille écus de rente.

Mes aventures et mes travaux, à moi, laborieux fainéant que vous connaissez bien, cher Louis, vous les savez par cœur, vous les avez assez longtemps partagés; c'est une promenade solitaire dans un sentier perdu, la contemplation d'un rayon de soleil sur la mousse, la visite d'une cathédrale ou d'une église de village, un vieux livre feuilleté à l'ombre d'un vieux arbre, un petit paysan que je questionne, un beau scarabée enterreur cuirassé d'or violet, qui est tombé par malheur sur le dos, qui se débat, et que je retourne en passant avec le bout de mon pied; des vers quelconques mêlés à tout cela; et puis, des rêveries de plusieurs heures devant la Roche-More sur le Rhône, le Château-Gaillard sur la Seine, le Rolandseck sur le Rhin, devant une ruine sur un fleuve, devant ce qui tombe sur ce qui se passe, ou, spectacle à mon sens non moins touchant, devant ce qui fleurit sur ce qui chante, devant un myosotis penchant sa grappe bleue sur un ruisseau d'eau vive.

Voilà ce que je fais, ou, pour mieux dire, voilà ce que je suis: car, pour moi, faire dérive fatalement et immédiatement d'être. Comme on est, on fait.

Ici, à Heidelberg, dans cette ville, dans cette vallée, dans ces décombres, la vie d'homme pensif est charmante. Je sens que je ne m'en irais pas de ce pays si vous y étiez, cher Louis, si j'y avais tous les miens, et si l'été durait un peu plus longtemps.

Le matin, je m'en vais, et d'abord (pardonnez-moi une expression effrontément risquée, mais qui rend ma pensée), je passe, pour faire déjeuner mon esprit, devant la maison du chevalier de Saint-Georges. C'est vraiment un ravissant édifice. Figurez-vous trois étages à croisées étroites supportant un fronton triangulaire à grosses volutes bouclées à jour; tout au travers de ces trois étages, deux tourelles-espions à faîtages fantasques, faisant saillie sur la rue; enfin, toute cette façade en grès rouge, sculptée, ciselée, fouillée, tantôt goguenarde, tantôt sévère, et couverte du haut en bas d'arabesques, de médaillons et de bustes dorés. Quand le poëte qui bâtissait cette maison l'eut terminée, il écrivit en lettres d'or, au milieu du frontispice, ce verset obéissant et religieux: Si Jehova non ædificet domum, frustra laborant ædificantes eam.

C'était en 1595. Vingt-cinq ans après, en 1620, la guerre de Trente-Ans commença par la bataille du Mont-Blanc, près de Prague, et se continua jusqu'à la paix de Westphalie, en 1648. Pendant cette longue iliade, dont Gustave-Adolphe fut l'Achille, Heidelberg, quatre fois assiégée, prise et reprise, deux fois bombardée, fut incendiée en 1635.

Une seule maison échappa à l'embrasement, celle de 1595.

Toutes les autres, qui avaient été bâties sans le Seigneur, brûlèrent de fond en comble.

A la paix, l'électeur palatin, Charles-Louis, qu'on a surnommé le Salomon de l'Allemagne, revint d'Angleterre et releva sa ville. A Salomon succéda Héliogabale, au comte Charles-Louis, le comte Charles; puis, à la branche palatine de Wittelsbach-Simmern, la branche palatine de Pfalz-Neubourg, et enfin à la guerre de Trente-Ans la guerre du Palatinat. En 1689, un homme dont le nom est utilisé aujourd'hui à Heidelberg pour faire peur aux petits enfants, Mélac, lieutenant général des armées du roi de France, mit à sac la ville palatine et n'en fit qu'un tas de décombres.

Une seule maison survécut, la maison de 1595.

On se hâta de reconstruire Heidelberg. Quatre ans plus tard, en 16931, les Français revinrent; les soldats de Louis XIV violèrent à Spire les sépultures impériales, et à Heidelberg les tombeaux palatins. Le maréchal de Lorges mit le feu aux quatre coins de la résidence électorale, l'incendie fut horrible, tout Heidelberg brûla. Quand le tourbillon de flamme et de fumée qui enveloppait la ville fut dissipé, on vit une maison, une seule debout, dans ce monceau de cendres.

C'était encore, c'était toujours la maison de 1595.

Aujourd'hui, la charmante façade vermeille, damasquinée d'or, toujours vierge, intacte et fière, et seule digne de se rattacher au château dans cet insignifiant entassement de maisons blanches qui compose à présent Heidelberg, se dresse superbement sur la ville et fait étinceler au soleil la triomphante inscription où je lis tous les matins en passant que Jéhova a été l'ouvrier et que Jéhova a été le sauveur.

Il est vrai, car il faut tout dire, et la dévotion de la renaissance s'assaisonnait de fantaisies païennes, il est vrai que l'effet de ce grave psaume est un peu modifié par cette ligne profane que l'architecte a gravée au-dessus: Præstat invicta Venus, laquelle doit elle-même se sentir un peu gênée par cette troisième légende dont se couronne le fronton: Soli. Deo. Gloria.

La miraculeuse maison saluée, je passe le pont et je m'en vais dans la montagne.

Là, je m'enfonce, je me perds, je marche devant moi, je prends le chemin qui se présente; je regarde, chapiteau par chapiteau, les arbres, ces piliers de la grande cathédrale mystérieuse; et, plongé dans la lecture de la nature, comme les vieux puritains dans la méditation de la Bible, je cherche Dieu.

Ami, chacun a son livre, et, voyez-vous, dans l'Evangile comme dans le paysage, la même main a écrit les mêmes choses. Quant à moi, je pense que toutes les faces de Jéhova veulent et doivent être contemplées, et cette idée règle et remplit toutes mes rêveries depuis vingt ans; vous le savez, vous, Louis, qui m'aimez et que j'aime. Je pense aussi que l'étude de la nature ne nuit en aucune façon à la pratique de la vie, et que l'esprit qui sait être libre et ailé parmi les oiseaux, parfumé parmi les fleurs, mobile et vibrant parmi les flots et les arbres, haut, serein et paisible parmi les montagnes, sait aussi, quand vient l'heure, et mieux peut-être que personne, être intelligent et éloquent parmi les hommes. Je ne suis rien, je le sais, mais je compose mon rien avec un petit morceau de tout.

Je vais ainsi toute la journée sans trop savoir où je suis, l'œil le plus souvent fixé à terre, la tête courbée vers le sentier, les bras derrière le dos, laissant tomber les heures et ramassant les pensées quand j'en trouve. Je m'assieds dans ces excellents fauteuils revêtus de mousse, c'est-à-dire de velours vert, que l'antique Palès creuse au pied de tous les vieux chênes pour le voyageur fatigué; je mets en liberté, pour ma bienvenue, comme un souverain débonnaire, toutes les mouches et tous les papillons que je trouve pris dans des filets auteur de moi; petite amnistie obscure, qui, comme toutes les amnisties, ne fâche que les araignées. Et puis je regarde couler au-dessous de mon trône, dans le ravin, quelque admirable ruisseau semé de roches pointues où se fronce à mille plis la tunique d'argent de la naïade; ou bien, si le mont n'a pas de torrent, si le vent, les feuilles et l'herbe se taisent, si le lieu est bien calme, bien désert, bien éloigné de toute ville, de toute maison, de toute cabane même, je fais faire silence en moi-même à tout ce qui murmure sans cesse en nous, et j'ouvre l'oreille aux chansons de quelque jeune montagnard perdu dans les branches avec son troupeau de chèvres, là-bas, bien loin, au-dessus ou au-dessous de moi. Rien n'est mélancolique et doux comme la tyrolienne sauvage chantée dans l'ombre par un pauvre petit chevrier invisible, pour la solitude qui l'écoute. Quelquefois, dans toute une grande montagne, il n'y a que la voix d'un enfant.

Les montagnards de ces forêts voisines de la forêt Noire ont une espèce de chant clair-obscur qui est charmant.

Comme je me promène tous les jours, je commence à être connu et accepté dans les villages. Les enfants qui jouent aux soldats se dérangent pour me laisser passer; le roulier de la vallée du Neckar me sourit sous son feutre orné de galons d'argent à franges pendantes et de roses artificielles; les paysans me saluent gravement avec leur grand chapeau à la Henri IV, les jeunes filles et les vieilles femmes me considèrent comme un passant familier, et me disent: «Goodtag.» A propos, ici, plus que partout, je me demande, chaque fois que je traverse une rue de bourg ou de hameau, comment d'aussi jolies jeunes filles peuvent faire d'aussi laides vieilles femmes. – Je dessine ça et là les baraques qui ont du style. Dans ce pays dévasté par les guerres féodales, les guerres monarchiques et les guerres révolutionnaires, les cabanes sont construites avec des ruines de châteaux; cela fait d'étranges édifices. L'autre jour j'ai rencontré une masure de paysan ainsi composée: quatre murs de torchis, blanchis à la chaux, une porte et une fenêtre sur la façade; à droite de la porte, le lion de Bavière couronné, portant le globe et le sceptre, sculpté presque en ronde bosse sur une large dalle de grès rouge. A gauche de la fenêtre, une autre lame de grès rouge, grand bas-relief représentant un poing crispé sur un billot et à demi entaillé par une hache. Au-dessus de la hache, cette date effacée, 16..; au-dessous du billot, cette autre date, 1731; entre les deux dates, ce mot RENOVATUM. Rien de plus mystérieux et de plus sinistre que ce bas-relief. On ne voit pas l'homme dont on voit le poing; on ne voit pas le bourreau dont on voit la hache. Cette affreuse chose semble sortir d'un nuage. Les deux bas-reliefs sont incrustés dans le mur un peu au-dessous de vieilles lattes du toit. Le lion palatin se tourne comme irrité et furieux vers ce poing à moitié coupé. Maintenant, qui a apporté là ce lion? que signifie ce hideux bas-relief? quel crime y a-t-il sous ce supplice? Quel est ce hasard singulier qui a eu le caprice de compléter une chaumière avec ce lion rugissant et cette main sanglante? Un cep de vigne, chargé de raisins, grimpe joyeusement à travers cette sombre énigme.

A force de regarder, j'ai trouvé quelques caractères gravés sur le haut du bas-relief au poing coupé; et, en dérangeant les grappes et les feuilles, j'ai déchiffré le mot Burg Freyheit.

Le même jour, c'était vers le soir, j'avais quitté à midi la ville par le chemin dit des Philosophes, lequel chemin s'en va je ne sais où, comme il sied à un chemin de philosophes, et j'étais dans un vallon quelconque. Je me mis à gravir l'escarpement d'une haute colline par un de ces sentiers antiques qu'on trouve souvent dans ce pays, sentiers-escaliers, pavés de grosses roches brutes, qui ont l'air d'un mur cyclopéen posé à plat sur le sol, attribués d'ailleurs par les ignorants aux géants et par les savants aux Romains, c'est-à-dire toujours aux géants.

1.A l'occasion de ce siége, où la ville fut enlevée en douze heures de tranchée ouverte, et qui a laissé en Allemagne un fatal souvenir que dix siècles peut-être n'effaceront pas, il n'est pas sans intérêt de transcrire ici quelques détails inconnus et quelques pages curieuses extraites de la Gazette des entresols du Louvre, déjà citée dans la lettre XVII. Il va sans dire que ces extraits sont textuels, et que, quant aux rapprochements qu'ils peuvent faire naître dans l'esprit du lecteur, l'auteur de ce livre n'a eu l'intention ni de les chercher, ni de les éviter.
Gazette du 28 may.  «Le sieur de Mélac, lieutenant général, occupe les hauteurs au-dessus du chasteau avec douze bataillons et cinquante dragons. Il a chassé les ennemis d'une redoute d'où l'on peut battre à revers les ouvrages de la place.
  «On a fait une batterie de six pièces de canon de l'autre costé du Nekre. La tranchée doit être ouverte ce soir par le marquis de Chamilly, lieutenant général: du costé du front des ouvrages de terre du fauxbourg, par la brigade de Picardie.»
  (Du camp devant Heidelberg, le 21 may 1693.)
  «Six cents hommes des troupes de Hesse-Cassel vinrent pour ravitailler la place.
  «Le sieur de Mélac les fit attaquer de la manière suivante:
  «Cent hommes du régiment de Picardie, commandez par les sieurs de Coste et Despic, marchèrent par les vignes dans la montagne. Ils estoient suivis par cent trente du régiment de la Reyne, et cinquante cavaliers du régiment colonel général de Mélac, et de Lalande, qui portoient des grenadiers en croupes. La seconde compagnie des grenadiers de la Reyne s'avança par un grand chemin entre la montagne et la rivière, avec une pièce de canon à leur teste, pour attaquer une traverse que les ennemis avoient faite dans le même chemin. Cent cinquante hommes du régiment de la Reyne soutenoient la compagnie de grenadiers: la cavalerie et les dragons soutenoient toute l'infanterie. Et on attaqua les ennemis de toutes parts. Ils abandonnèrent d'abord la première et la seconde traverse. Mais ils firent ferme à la dernière. Le sieur de Mélac alors fit avancer les grenadiers, qui attaquèrent les ennemis en flanc, en sorte qu'ils commencèrent à lascher pié. Ils firent encore ferme quelque temps derrière des hayes et des vignes: mais la cavalerie les contraignit enfin à prendre la füite. Les uns taschèrent à remonter le costeau par dedans les vignes, et les autres se sauvèrent dans le village de Vebelingen qui est au pié de la montagne. Néantmoins, ayant esté renforcés par un nombre de païsans armés, ils se mirent en devoir de revenir à la charge, mais les grenadiers les poussèrent si vivement, qu'ils les obligèrent à prendre derechef la füite après leur avoir tué plus de cent cinquante hommes et fait plusieurs prisonniers. Les François n'ont eu dans cette affaire que trois hommes blessés, – qui sont un grenadier du régiment de la Reyne, un soldat de Picardie et un cavalier du régiment de Mélac.»
Gazette du 1er juin.  «22 au matin. Les ennemis, se voyant pressés et enveloppés par les batteries, voulurent abandonner le reste du fauxbourg en plein jour. On les poussa jusqu à la porte de la ville, qu'ils fermèrent; les grenadiers de Picardie l'enfoncèrent à coups de hache, et, nonobstant leur grand feu, les poussèrent jusqu'à la porte du chasteau, que les assiégés fermèrent, et laissèrent dehors plus de cinq cents des leurs qui furent tués ou pris.
  «… Les troupes entrèrent de toutes parts dans la ville, qu'ils pillèrent, sans que les officiers généraux pussent l'empescher. Le chasteau demanda à capituler. Le maréchal duc de Lorges ne voulut pas accorder de condition. Ils se rendirent à discrétion, et sortirent le 23, au nombre de dix-huit cents hommes. Trois cents soldats prisonniers qui avoient esté mis dans la grande église, mirent le feu aux deux clochers, qui se communiqua à la ville, et quoi qu'on pût faire pour l'éteindre, en brûla la grande partie. On a trouvé quarante milliers de poudre, quantité de grenades, de bombes, douze pièces de canons en fonte et dix de fer. Ou s'est aussi rendu maître du pont de bateaux qu'ont fait les ennemis.»
  «Paris, 30 may 1693. Le roi partit de Compiègne le 22 du mois pour aller coucher à Roye: le 23 il coucha à Péronne, le 24 à Cambray, et le 25 au Quesnoy.
  «Le roy et la reyne de la Grande-Bretagne vinrent ici le 27 voir Leurs Altesses Royales, et ils entendirent le salut au monastère des Capucines.»
Gazette du 6 juin.  «… La ville estoit prise, les soldats, les cavaliers et les dragons y entrèrent de toutes parts et commencèrent à la piller… Les soldats ne purent estre arrestés, quelque peine que se donnassent les officiers pour empescher les süites du désordre et l'embrasement de la ville; quoy qu'ayant esté prise d'assaut, elle eust pu n'être pas épargnée. Le marquis de Chamilly avoit fait d'abord mettre les prisonniers et plusieurs bourgeois avec leurs femmes et leurs enfants dans la grande église, comme en un lieu de seurté. Mais ces prisonniers mirent le feu aux deux clochers, d'où il se communiqua aux maisons de la ville et des fauxbourgs: où il avoit esté encore mis par hasard en quelques endroits, et s'estoit répandu presque partout, quelque soin qu'on prist pour l'éteindre. Le sieur de Heidersdorf, qui commandoit dans le chasteau, envoya cependant demander à capituler. Un capucin alla plusieurs fois de part et d'autre, accompagné d'un lieutenant-colonel et d'un magistrat. La capitulation fut conclue. On a trouvé dix milliers de plomb en saumon, sept en balles, cinq mille grenades chargées, cent bombes, un grand nombre d'outils. Les troupes ont commencé depuis à démolir les fortifications du chasteau.»
Même numéroDu Quesnoy, le 2 juin 1693.  «Le 28 du mois dernier, un courrier dépesché par le maréchal duc de Lorges apporta au roy la nouvelle de la prise de Heidelberg. Le 31, le roy fit ses dévotions et toucha les malades. Sa Majesté nomma l'abbé de la Luzerne à l'évesché du Cahors, et l'abbé de Denonville à l'évesché de Comminges. Sa Majesté a donné un canonicat de la Sainte-Chapelle au sieur Boileau, doyen de l'église de Sens, et un autre au sieur Basire.»
De Paris, le 6 may 1693.(Sic. Erreur, le 6 juin.)  «Le premier de ce mois, on chanta en l'église de Notre-Dame, par l'ordre du roy, le Te Deum en actions de grâces de la réduction de Heidelberg. Les Compagnies y assistèrent avec les cérémonies accoutumées, et le soir, il y eut des feux dans toutes les rues.»
  Outre le sac de la ville, cette prise de Heidelberg eut un lugubre résultat. En arrivant au camp des Impériaux à Heilbron, le général Heidersdorf, qui avait capitulé avec le maréchal de Lorges, fut traduit devant des juges militaires et condamné à mort. Il eut la tête tranchée. Un capitaine et un lieutenant furent enveloppés dans le procès qu'on lui fit, et partagèrent son sort.
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