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O`qimoqda Elisabeth Lagelee
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Chapitre 8

Dès que Riley et Lucy descendirent de l’avion du FBI, un jeune policier en uniforme trottina vers elles sur le tarmac.

– Ce que je suis content de vous voir enfin ! dit-il. Le commissaire Alford est au bord de la crise de nerfs. Si quelqu’un ne descend pas le corps de Rosemary dans la seconde, il va faire une attaque. Les journalistes sont à fond sur l’affaire. Je m’appelle Tim Boyden.

Envahie par une soudaine contrariété, Riley se présenta, ainsi que Lucy. La presse était arrivée tôt et cela n’était pas bon signe. L’enquête commençait mal.

– Puis-je vous aider à porter quelque chose ? demanda Boyden.

– Non, ça ira, dit Riley.

Elle et Lucy n’avaient que deux petites valises.

Boyden pointa le doigt vers l’autre bout de la piste d’atterrissage.

– La voiture est là-bas, dit-il.

Le groupe marcha vivement dans la direction indiquée. Riley s’engouffra sur le siège passager, tandis que Lucy prenait place sur la banquette arrière.

– Nous ne sommes pas loin de la ville, dit Boyden en tournant la clef de contact. Putain, je le crois pas, ce qui s’est passé. Pauvre Rosemary. Tout le monde l’aime tant. Elle est toujours en train d’aider et de rendre service. Quand elle a disparu il y a une ou deux semaines, on s’est inquiétés. Mais personne n’aurait imaginé…

Sa voix traîna avant d’achever la phrase. Boyden secoua la tête d’un air à la fois horrifié et incrédule.

Lucy se pencha en avant.

– J’ai cru comprendre que vous aviez déjà connu un meurtre comme celui-ci, dit-elle.

– Oui, quand j’étais encore au lycée, dit Boyden. Mais pas à Reedsport. C’était du côté de Eubanks, plus loin vers le sud. Un corps enchaîné, comme celui de Rosemary. Et vêtu d’une camisole de force. Le commissaire a raison ? On a un tueur en série sur les bras ?

– C’est encore trop tôt pour le dire, dit Riley.

En vérité, elle pensait que Alford devait avoir raison. Mais ce jeune policier semblait suffisamment bouleversé. Nul besoin de l’alarmer davantage.

– J’y crois pas, dit Boyden en secouant à nouveau la tête. Une petite ville sympa comme la nôtre. Une gentille dame comme Rosemary. J’y crois pas.

Alors qu’ils traversaient la ville, Riley aperçut quelques vans de chaînes de télévision sur l’avenue principale. Un hélicoptère survolait également la zone.

Boyden ralentit devant un barrage où s’amassaient des journalistes. Un policier fit signe à la voiture de passer. Quelques secondes plus tard, ils se garèrent le long des voies ferrées. Le corps pendait là, suspendu à un poteau électrique. Quelques policiers en uniformes se tenaient non loin.

Quand Riley descendit de la voiture, elle reconnut le commissaire Raymond Alford. Il trottina vers elle, visiblement mécontent.

– J’espère que vous avez une bonne raison de laisser ce corps suspendu comme ça, dans les airs, dit-il. C’est un cauchemar. Le maire menace de me retirer mon badge.

Riley et Lucy le suivirent. Dans la lumière de l’après-midi, le corps paraissait encore plus intrigant que sur les photos prises au petit matin – celles que Riley avait examinées sur l’écran de son ordinateur. Les chaînes en acier inoxydable brillaient sous les rayons du soleil.

– Je suppose que vous avez délimité la scène, dit Riley à Alford.

– On a fait ce qu’on a pu, dit Alford. On a barricadé de façon à ce que personne ne puisse voir le corps, sauf depuis le fleuve. Nous avons obligé les trains à faire un détour autour de la ville, mais ça les ralentit et ça fout en l’air leur emploi du temps. C’est sans doute comme ça que la chaîne d’info de Albany a compris qu’il se tramait quelque chose. Parce que ce ne sont pas mes hommes qui leur ont dit.

Pendant que Alford parlait, l’hélicoptère de la chaîne de télé passa au-dessus de sa tête et le ronflement des pales couvrit sa voix. Il renonça à expliquer la situation. Riley lut sur ses lèvres une collection d’injures dirigées vers l’hélicoptère. L’engin décrivit alors un large cercle, avec l’intention évidente de revenir.

Alford sortit son téléphone portable. Quand il eut quelqu’un à l’autre bout du fil, il hurla :

– Je vous ai demandé de ne pas survoler la zone avec votre hélico. Maintenant, dites à votre pilote de voler plus haut. C’est la loi.

A l’expression de Alford, Riley devina que la personne au bout du fil faisait de la résistance.

Enfin, Alford dit :

– Si vous ne dégagez pas votre oiseau dans la seconde, vos journalistes n’auront pas le droit d’assister à la conférence de presse que je vais donner cet après-midi.

Son visage se détendit. Il leva les yeux et attendit. Quelques instants plus tard, l’hélicoptère s’éleva. Cependant, le ronflement sourd des pales ne faiblit pas.

– Putain, j’espère que ça ne va pas dégénérer, grogna Alford. Quand on aura descendu le corps, ils seront moins intéressés. Je suppose qu’il y a des bons côtés : les hôtels et les B&Bs font du business. Les restaurants aussi : ça mange, les journalistes. Mais à long terme ? C’est mauvais pour le tourisme.

– Vous avez fait du bon boulot, dit Riley.

– C’est déjà ça, dit Alford. Venez, finissons-en.

Alford guida Riley et Lucy vers le corps. Il était suspendu au moyen de chaînes et d’une corde solide, qui passait au travers d’une poulie en acier avant de retomber brutalement vers le sol en formant un angle.

Riley voyait le visage de la victime, à présent. Encore une fois, sa ressemblance avec Marie la transperça comme un choc électrique – son expression laissait deviner la même angoisse silencieuse que celle de son amie, quand Riley l’avait retrouvée pendue dans sa chambre. Les yeux exorbités et la chaîne qui bâillonnait sa bouche rendaient le spectacle particulièrement perturbant.

Riley jeta un regard vers sa nouvelle partenaire pour scruter sa réaction. Etonnamment, Lucy était déjà en train de prendre des notes.

– C’est votre première scène de crime ? lui demanda Riley.

Lucy se contenta de hocher la tête, sans cesser d’écrire. Elle prenait la chose particulièrement bien. A sa place, bien d’autres agents seraient déjà partis vomir dans les buissons.

Alford, de son côté, paraissait nauséeux. Même après plusieurs heures, il ne s’habituait pas. Riley espéra qu’il n’aurait jamais à s’habituer.

– Ça ne sent pas trop, dit Alford.

– Pas encore, répondit Riley. Le corps n’est qu’au stade de l’autolyse. Il ne fait pas assez chaud pour accélérer le processus de putréfaction. Quand le corps se décomposera de l’intérieur, c’est là que ça sentira vraiment mauvais.

Alford pâlit davantage.

– Et la rigueur cadavérique ? demanda Lucy.

– Elle est déjà rigide, j’en suis sûre, dit Riley. Elle le restera pour les douze prochaines heures.

Lucy ne semblait toujours pas troublée. Elle griffonna de plus belle sur son carnet.

– Vous avez compris comment le tueur l’a fait grimper là-haut, demanda Lucy à Alford.

– On a une assez bonne idée, dit Alford. Il est monté pour passer la corde dans la poulie, puis il a tiré. Ces poids la maintiennent en hauteur.

Il pointa du doigt des poids en acier posés près de la voie ferrée. La corde passait au travers de trous, nouée plusieurs fois afin de ne pas se détacher. C’était le genre de poids que l’on trouvait sur les machines dans les salles de sport.

Lucy se pencha pour les examiner de plus près.

– Il y en a assez pour compenser le poids du corps, observa-t-elle. C’est bizarre qu’il ait apporté tout ça avec lui. Il aurait pu attacher la corde autour du poteau.

– Et qu’est-ce que vous en déduisez ? demanda Riley.

Lucy réfléchit.

– Il est petit et pas très costaud, dit-elle. Il n’aurait pas pu hisser le corps tout seul. Il avait besoin des poids.

– Très bien, dit Riley.

Elle pointa le doigt dans la direction opposée. Des traces de pneu dépassaient de la zone goudronnée.

– Et, comme vous pouvez le voir, il a rapproché son véhicule au maximum. Il était obligé : il ne pouvait pas porter le corps tout seul.

Riley examina la terre non loin du poteau et finit par trouver des traces semblables à des encoches.

– On dirait qu’il a utilisé une échelle, dit-elle.

– Oui, et nous l’avons retrouvée, dit Alford. Venez. Je vais vous montrer.

Alford guida Riley et Lucy dans un hangar laminé couvert de tôle ondulée. Un verrou brisé pendait à la porte.

– Il est entré par effraction, comme vous le voyez, dit Alford. Ce n’était pas compliqué : une paire de tenailles a dû faire l’affaire. On n’utilise plus ce hangar, ou seulement pour stocker à long terme, et il n’est pas très bien sécurisé.

Alford ouvrit la porte et alluma l’interrupteur qui jeta une lumière fluorescente. L’endroit était, effectivement, presque désert. Seuls quelques cageots drapés dans les toiles d’araignée se dressaient ça et là. Alford pointa du doigt une échelle appuyée contre le mur, près de la porte.

– Là voilà, dit-il. Nous avons trouvé des traces de terre fraîche sur les pieds. Elle vient sans doute d’ici et le tueur connaissait son existence. Il est entré, a tiré l’échelle jusque là-bas et il est monté pour passer la corde dans la poulie. Ensuite, il a ramené l’échelle ici. Et il est reparti.

– Peut-être qu’il a trouvé la poulie dans le hangar également, suggéra Lucy.

– Le fronton de l’entrepôt est allumé la nuit, dit Alford. Il n’a pas froid aux yeux et il doit être rapide, même s’il n’est pas très costaud.

A cet instant, une détonation sèche retentit au-dehors.

– Putain, qu’est-ce que c’est !? hurla Alford.

Riley sut immédiatement que c’était un coup de feu.

Chapitre 9

Alford tira son arme de service et se précipita à l’extérieur. Riley et Lucy le suivirent, armes au poing, elles aussi. Quelque chose volait au-dessus du corps en émettant un ronflement régulier.

 

Le jeune policier Boyden avait sorti son arme et tiré sur le drone. Il s’apprêtait à recommencer.

– Boyden, rangez-moi ce putain de flingue ! cria Alford.

Il glissa le sien dans son étui.

Boyden tourna un regard surpris vers son supérieur. Alors qu’il rangeait son arme, le drone s’éleva dans les airs et s’éloigna.

Le commissaire fulminait de rage.

– Qu’est-ce que vous foutiez, à tirer des coups de feu, comme ça ? grogna-t-il.

– Je protège la scène du crime, dit Boyden. C’est sans doute un blogueur qui prend des photos.

– Sans doute, dit Alford, et ça ne me plait pas plus qu’à vous. Mais c’est illégal de tirer sur ces trucs. Et puis, il y a du monde dans le coin. Ce n’est pas ce qu’on vous apprend en formation.

Boyden baissa la tête d’un air contrit.

– Désolé, Monsieur, dit-il.

Alford se tourna vers Riley.

– Des drones, maintenant ! dit-il. Je déteste le vingt-et-unième siècle. Agent Paige, s’il vous plait, dites-moi que je peux descendre le corps.

– Vous avez pris d’autres photos que celles que vous m’avez montrées ? demanda Riley.

– Plein, avec tous les détails, dit Alford. Vous pourrez les examiner dans mon bureau.

Riley hocha la tête.

– J’ai vu tout ce que j’avais à voir. Et vous avez fait du bon travail pour garder la zone sous contrôle. Vous pouvez la descendre.

Alford interpella Boyden :

– Appelez le coroner. Dites-lui qu’il a fini de se tourner les pouces.

– Compris, Chef, répondit Boyden en sortant son téléphone portable.

– Venez, dit Alford à Riley et Lucy.

Il les conduisit jusqu’à sa voiture de police. Après les avoir invitées à entrer, il passa le barrage en direction de l’avenue principale.

Riley prit soin de retenir le chemin. Le tueur s’était approché de la zone en prenant la même route que Alford et Boyden avant lui. Il n’existait pas d’autre moyen de rejoindre la voie ferrée et l’entrepôt. Un témoin avait peut-être vu passer le véhicule du tueur, même s’il ne l’avait pas trouvé suspect sur le moment.

Le commissariat de Reedsport se réduisait à une façade de briques sur l’avenue principale. Alford, Riley et Lucy y pénétrèrent et s’assirent dans le bureau du commissaire.

Alford déposa plusieurs dossiers sur la table.

– Voilà tout ce que j’ai, dit-il. Le dossier complet sur l’affaire d’il y a cinq ans et tout ce qu’on a pour le moment sur le meurtre de cette nuit.

Riley et Lucy s’emparèrent chacune d’un dossier et entreprirent d’examiner les documents. Les photos du meurtre précédent attirèrent immédiatement l’attention de Riley.

Les deux femmes avaient eu sensiblement le même âge au moment de leurs décès. La première avait travaillé dans une prison, ce qui l’avait probablement exposée au danger. Cependant, la seconde aurait dû courir moins de risque. Et rien n’indiquait que les deux femmes avaient fréquenté des bars ou des endroits dangereux. Dans les deux cas, les proches les décrivaient comme des personnes agréables, promptes à rendre service et menant une existence ordinaire. Pourtant, quelque chose avait attiré un tueur.

– Vous avez fait des progrès sur le meurtre de Marla Blainey ? demanda Riley à Alford.

– C’était sous la juridiction de la police de Eubanks. Le capitaine Lawson. Mais j’ai travaillé avec lui. Nous n’avons rien trouvé. Les chaînes étaient parfaitement ordinaires. Le tueur aurait pu les acheter dans n’importe quelle quincaillerie.

Lucy se pencha vers Riley pour examiner les photos par-dessus son bras.

– Il en a quand même acheté beaucoup, dit-elle. Un employé du magasin aurait pu le remarquer et s’en souvenir.

Alford hocha la tête.

– Oui, c’est aussi ce qu’on a pensé à l’époque. On a contacté tous les magasins aux alentours. Personne n’a remarqué une vente inhabituelle comme celle-ci. Il a dû les acheter petit à petit, sans attirer l’attention. Au moment du meurtre, il en avait une pile toute prête. C’est peut-être toujours le cas.

Riley plissa les yeux pour scruter la camisole de force. Le modèle semblait identique à celui que portait la victime de la veille.

– Et la camisole ? demanda Riley.

Alford haussa les épaules.

– On pourrait penser qu’il est facile d’en trouver la provenance. Mais nous n’avons rien. C’est un modèle standard des hôpitaux psychiatriques. Nous avons contacté tous les hôpitaux de l’état, notamment celui qui n’est pas loin. Personne n’a remarqué le vol ou l’absence de camisoles.

Un silence tomba, pendant que Riley et Lucy examinait les rapports écrits et les photos. Les corps avaient été découverts à dix miles l’un de l’autre. Le tueur vivait probablement non loin. Mais le corps de la première avait été jeté sans cérémonial dans le fleuve. Pendant les cinq ans qui avaient séparé le nouveau meurtre du précédent, le comportement du tueur avait beaucoup évolué.

– Alors, que pensez-vous de ce type ? demanda Alford. Pourquoi la camisole et les chaînes ? Ce n’est pas un peu excessif, comme attirail ?

Riley y réfléchit.

– Pas pour lui, dit-elle. C’est une question de pouvoir. Il veut restreindre ses victimes, pas seulement d’un point de vue physique, mais également d’un point de vue symbolique. Il est au-delà du pratique. Il veut retirer aux victimes leur pouvoir. Il insiste là-dessus.

– Mais pourquoi des femmes ? demanda Lucy. S’il veut réduire ses victimes à l’impuissance, l’effet serait plus dramatique s’il s’attaquait à des hommes, non ?

– Bonne question, répondit Riley.

Elle repensa à la scène du crime – et à la façon dont le corps avait été stabilisé au moyen de poids.

– Souvenez-vous qu’il n’est pas très costaud, reprit-elle. Il est peut-être obligé de choisir des victimes qui lui rendent la tâche plus facile. Des femmes d’âge moyen sont moins susceptibles de se défendre. Et elles représentent peut-être quelque chose à ses yeux. Il ne choisit pas des individus, mais des femmes – quoi qu’elles représentent.

Alford éclata d’un ricanement cynique.

– Alors vous croyez que ça n’a rien de personnel, dit-il. Ce n’est pas comme si ces femmes avaient fait quelque chose pour être enlevées et tuées. Ce n’est pas comme si elles l’avaient mérité.

– C’est souvent ce qui se passe, dit Riley. Le tueur en série de ma dernière affaire ciblait des femmes qui achetaient des poupées. Il ne s’intéressait pas à leurs personnalités. Tout ce qui comptait, c’était qu’elles aient acheté une poupée.

Un silence passa. Alford jeta un coup d’œil à sa montre.

– J’ai une conférence de presse dans une demi-heure, dit-il. Y a-t-il autre chose que vous aimeriez savoir avant cela ?

Riley dit :

– Eh bien, il faudrait que l’agent Vargas et moi-même puissions interroger la famille de la victime le plus vite possible. Ce soir ?

Les sourcils de Alford se rejoignirent dans une expression d’inquiétude.

– Je ne pense pas, dit-il. Son mari est mort jeune, il y a une cinquantaine d’années. Elle n’a que deux enfants déjà adultes, un fils et une fille, qui ont fondé leurs propres familles. Ils vivent en ville. Mes hommes les ont interrogés toute la journée. Ils sont sous le choc. Laissez-leur une nuit de repos avant de recommencer.

Riley vit que Lucy s’apprêtait à protester et elle l’arrêta d’un geste silencieux. Lucy avait raison de vouloir interroger la famille immédiatement, mais Riley préférait ne pas se fâcher avec l’autorité locale, surtout avec des policiers aussi compétents que Alford et son équipe.

– Je comprends, dit Riley. Nous essayerons demain matin. Et la famille de la première victime ?

– Je pense que certains d’entre eux habitent encore Eubanks, dit Alford. Je vais vérifier. Ne précipitons pas les choses. Le tueur n’est pas pressé, après tout. Son dernier meurtre remontait à cinq ans. Il ne va pas s’y remettre tout de suite. Prenons le temps de faire les choses bien.

Alford se leva de son siège.

– Je ferais mieux d’aller à cette conférence de presse, dit-il. Vous voulez venir ? Vous avez un communiqué à faire ?

Riley y réfléchit.

– Non, je ne crois pas, dit-elle. Il vaut mieux que le FBI garde profil bas pour le moment, et que le tueur n’ait pas trop de publicité. Il a plus de chance de se montrer s’il a l’impression de ne pas recevoir assez d’attention. Pour le moment, c’est vous le porte-parole.

– Bien, alors installez-vous, dit Alford. J’ai réservé deux chambres au B&B du coin pour vous. Et je vous ai laissé une voiture de fonction garée devant.

Il fit glisser vers elles le formulaire de réservation et un jeu de clefs. Riley et Lucy quittèrent le commissariat.

*

Plus tard dans la soirée, Riley contemplait l’avenue principale de Reedsport par la porte-fenêtre de sa chambre. La nuit tombait et les lampadaires s’allumaient. L’air était tiède et plaisant. Tout était calme : il n’y avait pas un journaliste en vue.

Alford leur avait réservé deux chambres charmantes au premier étage du B&B. La propriétaire leur avait servi un délicieux souper, puis Riley et Lucy avaient passé une heure dans le lobby pour discuter de la marche à suivre.

Reedsport était une petite ville pittoresque. En d’autres circonstances, Riley aurait aimé y passer des vacances. Comme son esprit s’éloignait du meurtre de la veille, des questions plus familières revinrent la préoccuper.

Elle n’avait pas pensé à Peterson jusqu’à maintenant. Il était là, quelque part, et elle le savait, mais personne ne voulait y croire. Avait-elle eu raison d’abandonner le navire comme elle l’avait fait ? Aurait-elle dû essayer de convaincre quelqu’un ?

Elle frissonnait en pensant que deux meurtriers – Peterson et celui qui avait tué deux femmes ici – vivaient tranquillement leurs vies en ce moment même. Combien d’autres dans l’état, dans le pays tout entier ? Pourquoi la culture américaine – l’humanité en général – devait-elle souffrir ce genre d’individus ?

Que pouvaient-ils bien faire en ce moment ? Complotaient-ils quelque part, dans un endroit isolé, ou passaient-ils du temps avec de la famille et des amis – avec des gens innocents qui ne se doutaient pas de leur noirceur ?

Riley n’avait aucun moyen de le savoir, et c’était son boulot de le découvrir.

Elle pensa également à April, avec inquiétude. Elle n’avait pas aimé la laisser chez son père, mais qu’aurait-elle pu faire d’autre ? Riley savait qu’elle aurait fini par reprendre une affaire, même si cela n’avait pas été celle-ci. Son travail était trop important pour lui laisser le temps de s’occuper d’une adolescente rebelle. Riley n’était pas assez souvent à la maison.

Sur un coup de tête, elle sortit son téléphone et lui envoya un sms :

Salut April. Ça va ?

La réponse ne se fit pas attendre.

Je vais bien Maman. Et toi ? T’as résolu le mystère ?

Riley mit du temps à comprendre que April parlait de sa nouvelle affaire.

Pas encore, tapa-t-elle.

April répondit.

T’y arriveras bientôt.

Riley sourit devant la confiance de sa fille. Elle tapa :

Tu veux parler ? Je peux t’appeler.

Elle attendit quelques secondes la réponse de April.

Pas maintenant. Ça va.

Riley ne fut pas sûre de savoir ce que cela signifiait. Son cœur se serra un peu.

OK, tapa-t-elle. Bonne nuit. Je t’aime.

Elle reposa son téléphone et tourna son regard vers la nuit qui s’assombrissait. Elle sourit avec nostalgie en pensant à la question de April…

« T’as résolu le mystère ? »

Le mot « mystère » aurait pu décrire bien des choses dans la vie de Riley. Et elle n’était pas prête de les résoudre.

Elle scruta l’avenue, imaginant la voiture du tueur traverser la ville en direction de la voie ferrée. Il s’était montré téméraire, encore plus quand il avait pris le temps de suspendre le corps au poteau électrique, sous les spots de l’entrepôt.

Son mode opératoire avait beaucoup changé en cinq ans. Après avoir jeté sans cérémonie le premier corps dans le fleuve, il avait accroché le deuxième à la vue de tous. Il ne semblait pas particulièrement organisé, mais il devenait plus obsessif. Quelque chose dans sa vie avait dû changer. Mais quoi ?

Riley savait qu’une telle escalade d’audace représentait souvent un désir croissant pour la publicité et la gloire. C’était d’ailleurs le cas du dernier tueur que Riley avait traqué. Mais, cette fois, l’analyse ne paraissait pas juste. Quelque chose soufflait à Riley que ce tueur n’était pas seulement petit et faible, il devait être également effacé, voire humble.

Il n’aimait pas tuer, Riley en était presque sûre. Et ce n’était pas la gloire qui avait motivé sa témérité. C’était un désespoir profond. Peut-être même le remords ou un désir à demi conscient d’être retrouvé.

 

Riley savait d’expérience que les tueurs étaient le plus dangereux quand ils commençaient à se rebeller contre eux-mêmes.

Riley repensa aux mots du commissaire Alford :

« Le tueur n’est pas pressé, après tout. »

Riley fut persuadée qu’il se trompait.

Bepul matn qismi tugadi. Ko'proq o'qishini xohlaysizmi?