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O`qimoqda Elisabeth Lagelee
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Chapitre 3

Riley hésita quelques instants avant d’entrer dans le bâtiment de l’Unité d’Analyse Comportementale. Etait-elle prête à affronter le regard des autres ? Elle n’avait pas dormi de la nuit. Elle était épuisée. La terreur et l’adrénaline l’avaient empêchée de fermer l’œil. Elle se sentait vidée de toute énergie.

Riley prit une grande inspiration.

Le seul moyen de sortir, c’est de passer au travers.

Elle rassembla sa détermination et pénétra dans la masse vivante des agents du FBI, des spécialistes et des employés. Alors qu’elle traversait l’open space, des visages familiers la dévisagèrent par-dessus les écrans d’ordinateur. La plupart lui adressèrent un sourire ou levèrent le pouce d’un air appréciateur. Riley se félicita d’être venue. Elle avait besoin de se changer les idées.

– Bien joué pour le tueur de poupées, lança un jeune agent.

Riley mit quelques secondes avant de comprendre. Elle réalisa que ce devait être le nouveau surnom de Dirk Monroe, le psychopathe qu’elle avait arrêté quelques jours plus tôt. Ce surnom lui allait bien.

Elle remarqua que certains visages la dévisageaient avec plus de circonspection. Ils avaient dû entendre parler de l’incident de la veille, quand une équipe entière du FBI s’était précipitée chez elle après son appel hystérique. Ils se demandent si j’ai encore toute ma tête, pensa-t-elle. Pour ce qu’elle en savait, personne d’autre au Bureau ne croyait une seconde que Peterson était encore vivant.

Riley s’arrêta devant le bureau de Sam Flores, un technicien du labo aux lunettes cerclées de noir, penché sur son ordinateur.

– Vous avez du nouveau, Sam ? demanda Riley.

Sam leva les yeux de son écran.

– Vous parlez de votre intrus d’hier, n’est-ce pas ? Je suis en train de consulter les rapports préliminaires. Il n’y a pas grand-chose, malheureusement. Les gars du labo n’ont rien trouvé sur le gravier – pas de fibres, pas d’ADN. Pas d’empreintes digitales non plus.

Riley poussa un soupir de découragement.

– Tenez-moi au courant, si ça change, dit-elle en tapotant l’épaule de Flores.

– Je n’y compterais pas, à votre place, dit Flores.

Riley poursuivit dans la zone du bâtiment réservée aux agents vétérans. En longeant les bureaux délimités par de grandes vitres, elle constata que Bill n’était pas là. C’était un soulagement, mais elle savait qu’un jour ou l’autre, elle serait obligée de dissiper le malaise qui traînait entre eux.

En pénétrant dans son propre bureau, toujours bien organisé et en ordre, Riley remarqua immédiatement qu’un message téléphonique l’attendait. Mike Nevins, le psychiatre de l’unité de Washington D.C., qu’elle contactait parfois au cours d’une enquête, l’avait appelée. Au fil des années, elle avait pu constater qu’il était une source intarissable de perspicacité et de réflexion – et pas seulement pour résoudre une affaire. Mike avait aidé Riley à dompter son stress post-traumatique, après son séjour sinistre aux mains de Peterson. Il avait dû l’appeler pour prendre de ses nouvelles, comme il le faisait souvent.

Elle était sur le point de le rappeler quand la large carrure de l’agent spécial Brent Meredith apparut dans l’encadrement de la porte. Les traits anguleux et sombres du chef de l’unité laissaient deviner sa personnalité déterminée et pragmatique. Riley se sentit immédiatement soulagée et rassurée par sa présence.

– Bon retour chez nous, Agent Paige, dit-il.

Riley lui serra la main.

– Merci, Agent Meredith.

– J’ai entendu dire que vous aviez vécu une autre de vos aventures hier soir. J’espère que vous allez bien.

– Je vais bien, merci.

Meredith la couva d’un regard inquiet et Riley comprit qu’il tentait d’évaluer sa capacité à reprendre le travail.

– Voudriez-vous m’accompagner dans la salle de repos pour prendre un café ? demanda-t-il.

– Merci, mais je dois consulter quelques dossiers. A un autre moment.

Meredith hocha la tête sans mot dire. Riley savait qu’il attendait qu’elle parle de son aventure. Il avait sans doute entendu dire que Riley était convaincue d’avoir eu affaire à Peterson. Il lui laissait une chance d’exprimer son opinion. Cependant, Meredith n’était pas plus susceptible qu’un autre de croire à l’hypothèse de Riley.

– Eh bien, je vous laisse, dit-il. Faites-moi savoir si vous souhaitez prendre un café ou déjeuner.

– Promis.

Meredith s’interrompit et se tourna une dernière fois vers Riley.

Lentement et posément, il lui dit :

– Soyez prudente, Agent Paige.

Il y avait un monde d’inquiétude et de sens derrière ces mots. Peu de temps auparavant, un autre gros bonnet de l’agence l’avait suspendue pour insubordination. Elle avait été réintégrée, mais sa position demeurait instable. Riley sentit que Meredith lui donnait un avertissement amical. Il ne voulait pas la voir saboter sa propre carrière. Et créer un tapage autour de Peterson pouvait la mettre dans une situation délicate, notamment vis-à-vis des agents qui avaient bouclé l’enquête.

Dès qu’elle fut seule, Riley tira de son cabinet le dossier épais de l’affaire Peterson. Elle l’ouvrit sur son bureau et le feuilleta rapidement, pour se rafraîchir la mémoire. Ce qui se trouvait là-dedans n’était guère utile.

L’homme demeurait une énigme. Il n’existait aucune trace de son existence avant que Bill et Riley ne se lancent sur sa piste. Peterson n’était peut-être même pas son vrai nom, et de nombreux prénoms divers lui avaient été attachés.

Alors que Riley feuilletait le dossier, elle tomba sur des photographies de ses victimes – des femmes retrouvées au fond de tombes étroites et creuses. Toutes portaient des marques de brûlures et avaient été étranglées. Riley frissonna en repensant aux larges et puissantes mains qui l’avaient enfermée dans une cage comme un animal.

Personne ne savait combien de femmes il avait tuées. Certains corps n’avaient peut-être pas été découverts. Avant que Marie et Riley ne s’échappent et ne racontent l’horreur de leur expérience, personne n’avait jamais su combien il aimait torturer les femmes dans l’obscurité avec un chalumeau au propane. Et, aujourd’hui, personne ne voulait croire que cet homme était encore en vie.

Cette histoire pesait de tout son poids sur le moral de Riley. Elle était connue pour sa capacité à pénétrer les esprits malades – une capacité qui l’effrayait parfois. Mais elle n’avait jamais su pénétrer l’esprit de Peterson. Aujourd’hui, elle avait le sentiment de le comprendre de moins en moins.

Il n’avait jamais eu le profil d’un psychopathe organisé. Le fait qu’il eût laissé des victimes dans des tombes ouvertes suggérait même le contraire. Ce n’était pas un perfectionniste. Cependant, il était assez méticuleux pour ne pas laisser traîner des indices. L’homme était un véritable paradoxe.

Riley se rappela des mots que Marie avait employés, peu avant son suicide.

« Peut-être que c’est un fantôme, Riley. Peut-être que c’est ce qui s’est passé quand tu l’as fait exploser. Tu as tué son corps, mais tu n’as pas tué sa méchanceté. »

Ce n’était pas un fantôme, et Riley le savait. Elle était certaine – plus certaine que jamais – qu’il se trouvait quelque part, encore bien vivant, et qu’il avait fait de Riley sa prochaine victime. Bien sûr, il aurait pu tout aussi bien être un fantôme : après tout, personne ne croyait en son existence.

– Où es-tu, espèce de connard ? murmura-t-elle entre ses dents.

Elle n’en savait rien et elle n’avait aucun moyen de le savoir. Elle était pieds et poings liés. Elle n’avait pas d’autre choix que mettre cette affaire de côté pour le moment. Elle referma le dossier et le reposa à sa place dans le cabinet.

Son téléphone sonna. Elle vit que l’appel était destiné à tous les agents spéciaux : l’accueil utilisait cette ligne quand une personne demandait à parler à n’importe quel agent. Selon une règle tacite, celui qui décrochait le téléphone en premier prenait l’affaire.

– Agent spécial Riley Paige. Que puis-je faire pour vous ?

La voix qui lui répondit parut préoccupée.

– Agent Paige, ici Raymond Alford, chef de police à Reedsport, dans l’état de New York. Nous avons un sérieux problème. Vous accepteriez de prendre l’appel en vidéo conférence ? Ce serait plus facile pour vous expliquer. Et j’aimerais vous montrer quelques images.

La curiosité de Riley était piquée.

– Certainement, dit-elle.

Elle communiqua à Alford ses coordonnées. Quelques minutes plus tard, elle lui parlait par Webcams interposées. L’homme était élancé et perdait ses cheveux – il semblait relativement âgé. L’expression sur son visage trahissait son anxiété et sa fatigue.

– Nous avons eu un meurtre ici, la nuit dernière, dit Alford. Un meurtre assez moche. Je vous montre…

Une photographie apparut sur l’écran de Riley. Elle représentait le corps d’une femme pendu par des chaînes au-dessus d’une voie de chemin de fer. Le corps était bizarrement vêtu.

– Que porte la victime ? demanda Riley.

– Une camisole de force, dit Alford.

Riley sursauta. En y regardant de plus près, elle vit qu’il avait raison. La photographie disparut, remplacée par le visage de Alford.

– Monsieur Alford, je vous remercie de nous avoir contactés, mais qu’est-ce qui vous fait croire que c’est une affaire pour l’Unité d’Analyse Comportementale du FBI ?

– Parce que la même chose nous est arrivée il y a cinq ans, dit Alford.

Un deuxième corps apparut sur l’écran. La jeune femme était également sanglée dans une camisole de force et enveloppée de chaînes.

– A l’époque, il s’agissait d’une femme qui travaillait à temps partiel dans la prison, Marla Blainey. C’était la même façon de procéder – sauf que Blainey avait été jetée dans la rivière, pas pendue.

Le visage de Alford réapparut.

 

– Cette fois, c’est Rosemary Pickens, une infirmière du coin, dit-il. Personne ne pourrait imaginer le motif, pour l’une ou l’autre. Elles étaient toutes les deux très aimées.

Alford s’avachit et secoua la tête.

– Agent Paige, moi et mes hommes, nous pataugeons. C’est peut-être un tueur en série, ou bien un imitateur. Le problème, c’est que ça n’a pas de sens. Nous n’avons pas ce genre de problèmes à Reedsport. Ce n’est qu’une petite bourgade pour les touristes le long du fleuve Hudson. Il n’y a que sept mille habitants.  Parfois, nous avons une bagarre ou nous repêchons un touriste tombé dans la rivière. Mais guère plus…

Riley réfléchit un instant. Cela ressemblait à une affaire pour le Bureau. Il faudrait qu’elle transmette l’appel de Alford à Meredith.

En levant les yeux, elle vit que Meredith n’était pas encore revenu de sa pause café. Elle lui parlerait de l’affaire plus tard dans la journée. En attendant, elle pouvait creuser le dossier.

– Les causes de la mort ? demanda-t-elle.

– La gorge tranchée, toutes les deux.

Riley dissimula sa surprise. Les étranglements et les coups étaient beaucoup plus courants.

Ce tueur opérait de façon inhabituelle. Cependant, il correspondait au profil que Riley connaissait le mieux et dont elle s’était faite la spécialiste. Elle serait déçue de ne pas pouvoir apporter son expérience au dossier : étant donné son traumatisme récent, on ne lui confierait pas l’affaire.

– Avez-vous descendu le corps ? demanda Riley.

– Pas encore, dit Alford. Elle est encore suspendue là-haut.

– Laissez-le là où il est pour le moment. Attendez l’arrivée de nos agents.

La perspective ne réjouissait pas Alford.

– Agent Paige, ça risque d’être difficile. Il est juste au-dessus de la voie ferrée et on peut le voir depuis le fleuve. La ville n’a pas besoin de ce genre de publicité. On me pousse à le descendre.

– Laissez-le, dit Riley. Je sais que ce n’est pas facile, mais c’est important. Ce ne sera pas long. Des agents viendront dans l’après-midi.

Alford hocha la tête en signe d’acceptation résignée.

– Avez-vous d’autres photos de la dernière victime ? demanda Riley. Des gros plans ?

– Bien sûr, je reviens.

Riley se retrouva à examiner une série de photos détaillées du corps. La police locale avait fait du bon travail. On voyait que les chaînes comprimaient le corps et s’enroulaient de façon élaborée.

Enfin, une photo lui montra le visage de la victime.

Le cœur de Riley bondit dans sa poitrine. Les yeux globuleux de la femme sortaient presque de ses orbites et une chaîne bâillonnait sa bouche. Mais ce fut autre chose qui choqua Riley.

La femme ressemblait à Marie. Elle était plus âgée et plus ronde, mais tout de même, Marie lui aurait ressemblé si elle avait vécu quelques décennies de plus. L’image heurtait Riley de plein fouet. C’était comme si Marie tendait la main vers elle et lui demandait d’attraper ce tueur.

Elle sut qu’elle était obligée de prendre l’affaire.

Chapitre 4

Peterson roulait doucement, pas trop vite mais pas trop lentement non plus, satisfait d’avoir enfin repéré la gamine. Il avait fini par la trouver. Elle était là, la fille de Riley, seule, sur le chemin du lycée. Elle ne se doutait pas qu’il la suivait. Elle ne se doutait pas qu’il prévoyait de la tuer.

Elle s’arrêta brusquement de marcher et se retourna, comme se sentant observée. Indécise, elle resta un instant les bras ballants. Quelques élèves la dépassèrent et montèrent les marches qui menaient au lycée.

Peterson la dépassa à son tour au volant de sa voiture, dans l’attente d’une réaction.

La fille importait peu. Sa mère était la véritable cible de sa vengeance. Sa mère avait déjoué ses plans et elle allait devoir payer. Elle avait déjà payé, d’une certaine façon, quand Marie Sayles s’était suicidée. Mais, à présent, elle allait perdre la personne qui comptait le plus à ses yeux.

A sa grande satisfaction, la fille se remit en marche, en s’éloignant du lycée. Elle avait visiblement décidé de ne pas aller en cours aujourd’hui. Le cœur de Peterson battit plus vite dans sa poitrine – il était impatient d’agir. Mais il ne pouvait pas. Pas encore. Il allait devoir se montrer patient. Il y avait des témoins.

Peterson contourna un pâté de maison, en s’obligeant à la patience. Il réprima un sourire joyeux. Avec tout ce qu’il prévoyait de faire à sa fille, Riley souffrirait plus qu’elle ne l’aurait jamais cru possible. Quoique dégingandée et maladroite comme toutes les adolescentes, la fille ressemblait beaucoup à sa mère. Cela rendrait les choses d’autant plus satisfaisantes.

La fille marchait dans la rue à pas vifs. Il se gara sur le bas-côté et l’observa pendant quelques minutes. Il réalisa qu’elle suivait la route qui quittait le centre-ville. Si elle comptait rentrer à la maison à pied, ce serait peut-être le moment idéal pour l’attraper.

Le cœur battant à tout rompre, pressé de savourer sa victoire, Peterson contourna un autre pâté de maison.

Il fallait apprendre la patience, Peterson le savait. Il fallait apprendre à attendre le bon moment. Retarder le plaisir le rendait parfois plus intense. C’était une chose que Peterson avait apprise au cours de ses longues années de cruauté délicieuse.

Et il y a tant à attendre, pensa-t-il avec satisfaction.

En débouchant à nouveau sur la route principale, Peterson éclata de rire. La gamine essayait de faire du stop ! Dieu lui donnait un coup de pouce, aujourd’hui. A croire qu’il était destiné à la tuer.

Il se gara devant elle et lui adressa un sourire charmant.

– Je te dépose ?

La fille sourit à son tour.

– Merci. Ce serait génial.

– Où vas-tu ? demanda-t-il.

– Un peu plus loin, hors de la ville, dit-elle.

Elle lui donna l’adresse. Il répondit :

– J’y vais, justement. Monte !

La fille se glissa sur le siège passager. Avec une satisfaction grandissante, il s’aperçut qu’elle avait les yeux noisette de sa mère.

Peterson pressa la commande pour verrouiller les portes et fenêtres. Les oreilles pleines du ronflement de l’air conditionné, la fille ne remarqua pas son geste.

*

Un frisson d’adrénaline parcourut April quand elle attacha sa ceinture. C’était la première fois qu’elle faisait du stop. Sa mère aurait eu une crise cardiaque, si elle avait su.

Tant pis pour elle, songea April. Ce n’était pas très cool de sa part de l’avoir envoyé chez Papa, la nuit dernière. Tout ça parce qu’elle s’était mise dans la tête que Peterson était rentré chez elles par effraction. Ce n’était pas vrai et April le savait. Les deux agents qui l’avaient conduite chez Papa l’avaient dit. A les entendre, tout le Bureau pensait que Maman avait pété les plombs.

L’homme dit :

– Alors, qu’est-ce qui t’amène dans Fredericksburg ?

April se tourna vers lui. Il était agréable à regarder – un homme à la mâchoire volontaire, aux cheveux décoiffés et avec une barbe de trois jours. Il souriait.

– L’école, dit April.

– Un cours d’été ? demanda l’homme.

– Oui, dit April.

Elle n’allait pas lui dire qu’elle avait décidé de sécher les cours. Non pas qu’elle croyait que le type était du genre à la dénoncer à sa mère. Il avait l’air plutôt cool. Peut-être même que ça lui plairait de savoir qu’il aidait April à défier l’autorité parentale. Tout de même, il valait mieux rester discrète.

Le sourire de l’homme se fit malicieux.

– Et qu’est-ce ta mère pense du fait que tu fais du stop ? demanda-t-il.

April s’empourpra, embarrassée.

– Oh, ça ne la dérange pas, dit-elle.

L’homme ricana. Ce n’était pas un rire très agréable. Un détail frappa alors April : il lui avait demandé ce que pensait sa mère, pas ce que pensaient ses parents. Comment avait-il deviné ?

La circulation était assez dense à cette heure de la journée, surtout aux abords de l’école. Cela prendrait un bon moment pour rentrer. April espérait que l’homme ne chercherait pas à faire la conversation. Cela pourrait devenir gênant.

Au bout de quelques pâtés de maison parcourus en silence, l’inconfort de April ne fit que croître. L’homme ne souriait plus. Son expression s’était même franchement assombrie. Elle remarqua que les portes étaient verrouillées. Elle tenta discrètement de presser le bouton de la fenêtre du côté passager. En vain.

La voiture s’engagea derrière une file de véhicules qui attendaient le feu vert pour tourner à gauche. L’homme enclencha à son tour son clignotant. Une soudaine bouffée d’angoisse saisit April.

– Heu… On doit aller tout droit, dit-elle.

L’homme ne répondit pas. Ne l’avait-il pas entendue, tout simplement ? Mais April n’eut pas le courage de répéter. Peut-être qu’il voulait prendre une autre route. Non : April ne pouvait imaginer rejoindre la maison par cette route-là.

Que faire ? Crier à l’aide ? Quelqu’un l’entendrait ? Et si l’homme n’avait réellement pas entendu ce qu’elle lui avait dit ? Et s’il ne lui voulait aucun mal ? Ce serait très embarrassant.

Elle vit alors une silhouette familière remonter le trottoir, son sac renversé sur l’épaule. C’était Brian, son petit ami – enfin, plus ou moins son petit ami. Elle toqua vivement contre la vitre.

A son grand soulagement, Brian tourna la tête et la vit.

– Tu veux monter ? articula-t-elle.

Brian sourit et hocha la tête.

– Oh, c’est mon copain, dit April. On peut s’arrêter pour l’emmener, s’il vous plait ? Il va chez moi, de toute façon.

C’était un mensonge. April ne savait pas où se rendait Brian. L’homme fronça les sourcils et grogna. Cela ne lui faisait pas plaisir. Allait-il s’arrêter ? Le cœur de April battait la chamade.

Brian parlait avec animation au téléphone et attendait. Il regardait la voiture et April fut certaine qu’il avait une bonne image du conducteur. Elle se réjouit d’avoir un témoin potentiel, juste au cas où l’homme aurait eu des projets effroyables.

L’homme scruta Brian. Il vit qu’il parlait au téléphone. Et il vit que Brian le regardait droit dans les yeux.

Sans dire un mot, il déverrouilla les portières. April fit signe à Brian de s’asseoir sur le siège arrière. Celui-ci se glissa à son tour dans le véhicule, refermant la portière au moment où le feu passait au vert. La file de voitures se mit en branle.

– Merci, M’sieur, dit Brian vivement.

La mine renfrognée, l’homme ne répondit pas.

– Il nous ramène chez moi, Brian, dit April.

– Super, répondit Brian.

April se sentit mieux. Si l’homme avait réellement eu de mauvaises intentions, il n’allait quand même pas les kidnapper tous les deux, elle et Brian. A présent, il était obligé de les déposer chez elle.

April se demanda si elle allait devoir parler à sa mère de l’homme et de ses soupçons. Non : cela voudrait dire admettre qu’elle avait séché les cours et qu’elle avait fait du stop. Maman la priverait de sortie.

En plus, pensa-t-elle, le conducteur ne pouvait pas être Peterson.

Peterson était un tueur psychopathe, pas un type normal dans une voiture.

Et puis, après tout, Peterson était mort.