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Kitobni o'qish: «La Belgique héroïque et martyre», sahifa 3

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En pays flamand, au contraire, les ravages sont irréparables. Là, la guerre n'a pas seulement causé des ruines et semé des deuils, elle a modifié tout l'aspect d'un pays. En quelques semaines, elle a détruit l'effort patient de plusieurs siècles.

Après la chute de Liége, tandis qu'une armée allemande, poursuivant ses avantages sur la rive droite de la Meuse, repoussait les Français jusque sur leur territoire, une autre entreprenait l'invasion de la Belgique sur un vaste front qui allait du Nord au Sud, poussant devant elle la petite armée belge qui, héroïquement, défendait le terrain pied à pied. Partout, elle commit les mêmes ravages, les mêmes horreurs. D'autres que moi raconteront le martyre d'Aerschot et de Louvain, de Tongres, de Diest, de quantité de bourgs et de villages, de ce gras pays brabançon qui semblait aménagé pour les fêtes, les ripailles et les kermesses, et non pour la guerre. Malines, sœur pensive de Bruges et de Louvain, fut prise et reprise. Plusieurs fois, les Allemands la bombardèrent, visant toujours avec obstination cette noble tour de Saint-Rombaut, qui se dresse dans la plaine flamande comme un flambeau. Mais une fois la ville prise, elle ne fut pas incendiée, ni systématiquement détruite, et si l'opulent pays qui s'étend entre Bruxelles et Anvers a été converti en désert, du moins les Allemands peuvent-ils alléguer qu'on s'y est durement battu, que l'armée belge, retirée dans Anvers, a fait plusieurs sorties qui inquiétaient gravement les derrières de l'armée d'invasion. Mais pour la destruction de Termonde, ils ne sauraient invoquer aucune excuse. C'est après qu'elle eût été évacuée par les dernières troupes belges, que la ville fut systématiquement détruite. Comme elle avait déjà souffert d'un premier bombardement, et qu'elle semblait définitivement acquise à l'armée d'invasion, le bourgmestre vient trouver en suppliant le général von Sommerfeld – tous ces noms sont à retenir – tranquillement assis sur une chaise, devant un café sur la Grand'Place. Il parle, il prie, il pleure, il est au moment de s'agenouiller devant le bourreau de sa ville; mais celui-ci le regarde froidement, répond ces simples mots: «Nein! razieren», et fait signe aux pionniers de commencer.

Il ne reste plus aujourd'hui de Termonde que quelques petits tas de décombres au bord de l'Escaut.

La jolie ville que c'était! De pittoresques remparts à la Vauban l'entouraient, de larges douves communiquant avec l'Escaut, lui faisaient une gracieuse ceinture d'eau qui ajoutait à son charme intime et accueillant. C'était comme un vieux petit port accroupi le long du grand fleuve, et soigneusement gardé à la façon d'autrefois contre les intrus et les indésirables. Pour entrer à Termonde, on passait des ponts et des ponts encore, et tout à coup, l'on arrivait dans quelque rue multicolore dont les maisons luisantes de peinture alignaient leurs façades comme des jouets de Nuremberg. Un bout de canal, un bras de rivière reflétait les fenêtres garnies de rideaux à guipure et décorées de vases remplis de fleurs artificielles. Aucune animation, du reste, sauf sur les quais, du côté des fabriques. Aucun bruit, sauf l'aigre sonnerie des clairons de la garnison. Sur la Grand'Place, à certaines heures, il ne passait pas trois personnes. Par moments, la porte d'un café s'abattait avec un bruit sourd. Un officier traînait lentement ses pas vers le cercle militaire, puis tout retombait à la solitude, au silence. Mais cette solitude n'avait rien d'hostile ni de triste. Elle était souriante et confortable. Les gens de Termonde y étaient habitués depuis si longtemps qu'ils semblaient ne pas supposer qu'il pût y avoir une autre vie. Ils s'ennuyaient confortablement et paraissaient heureux de s'ennuyer.

Mais Termonde, outre le charme de ses rues multicolores, intéressait le voyageur par la coquetterie caractéristique de son hôtel de ville. Il avait subi, au cours des siècles, beaucoup de retouches, mais toutes les variations de son architecture s'étaient très heureusement harmonisées. Une partie avait été restaurée selon les dessins de Maestertuis dans un gothique très pur et très simple, tandis que l'aile gauche s'ornait d'un pignon contourné dans le goût de la Renaissance. Au milieu de l'édifice, la tour se dressait d'un jet hardi, couronnée de quatre tourelles qui s'effilaient autour d'une lanterne finissant en flèche bulbeuse. Certes, ce monument n'avait rien de l'imposante solennité du beffroi de Bruges, ni de la fière énergie du beffroi d'Ypres, ni de la grâce légère de l'hôtel de ville d'Audenarde, mais sa silhouette avait de la grâce et de la fierté et il faisait, somme toute, très bonne figure parmi les édifices civils de la Flandre. A l'intérieur, la municipalité avait réuni les tableaux qu'elle possédait, et qui, presque tous, étaient dûs à des peintres du terroir, car Termonde a marqué dans l'histoire artistique de la Belgique contemporaine: c'est le lieu de naissance du grand paysagiste Courtens. On y trouvait, du reste, aussi quelques tableaux anciens de grande valeur. A Notre-Dame, la vieille collégiale sombre dont la masse trapue s'élevait au-dessus de l'ancien cimetière, on voyait, parmi l'or et le marbre des chapelles, un remarquable tableau de Gaspard de Crayer et deux Van Dyck excellents: une Adoration des Bergers et un Crucifiement.

Ces précieuses toiles ont-elles été sauvées? je ne sais; mais les charmants édifices qui leur servaient de cadre ont disparu à jamais. Sans doute Termonde se relèvera de ses ruines, mais ce sera une autre ville, une ville neuve sans rien du charme discret et recueilli de la cité détruite.

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Hélas! il en est ainsi de presque toute la Flandre. Rien ne nous rendra son tranquille et placide visage. Elle pansera ses blessures, elle réparera ses désastres avec cette patiente énergie qu'elle a toujours montrée au cours des siècles, mais ses paysages silencieux et pensifs comme des jardins de béguines, ses villages riants, paisibles et vieillots ont disparu à jamais.

Peut-être reverrons-nous la tour des halles d'Ypres se dresser fièrement au milieu de la plaine reconquise, car on pourra la reconstruire pieusement, telle qu'elle était, mais nous ne reverrons jamais la vieille petite place, la charmante église de Loo, si artistement patinée par le temps; nous ne reverrons jamais le tendre béguinage de Dixmude, son vieux pont de l'Yser, ses maisonnettes multicolores, on ne refera pas ces quais ombragés de vieux arbres. Et de même Nieuport. Aucun archéologue, aucun architecte, ne nous restituera la vieille église de brique et son clocher bulbeux, le modeste hôtel de ville, avec son perron solennel, ni la Halle-aux-Drapiers, avec sa gracieuse tour carrée.

A quoi bon chercher à reconstituer ces humbles monuments? Ce n'étaient rien moins que des modèles d'architecture et leur beauté était faite de leur parfaite convenance au cadre qui les entourait, de la couleur dont les siècles les avaient revêtus, de l'harmonie qui s'était établie entre eux, et les arbres et le ciel. Les arbres de Nieuport ont été rasés par les obus, et le vétusté petit port qui s'endormait si voluptueusement dans ses souvenirs, le long de l'Yser vaseux, n'est plus qu'un tas de briques et de plâtras.

Nieuport, Ypres, Dixmude, Termonde, rien ne me donne comme ces noms l'affreuse sensation de l'irréparable…

L. Dumont-Wilden.

LE CRIME DE LOUVAIN

LE crime de Louvain, n'est pas seulement un crime contre la Vie: c'est un crime contre l'Esprit, écrivait récemment Pierre Nothomb. Et de fait on ne pouvait évoquer le nom de Louvain, sans songer au centre intellectuel, de réputation célèbre, dont la fondation remonte à 1425; on ne pouvait traverser les rues étroites et tortueuses de la vieille cité brabançonne, sans admirer l'une ou l'autre façade artistique des quarante-trois collèges de l'ancienne université! Depuis quelques années des monuments nouveaux, laboratoires, instituts, pédagogies, s'élevaient un peu partout, garants de la prospérité féconde de l'école.

Louvain était au moyen âge une ville commerciale, puissante et prospère. Les draps écarlates, les tapis, les futaines, les bougrans, les passements d'or, d'argent et de soie, tissés à Louvain, étaient renommés dans toute l'Europe. Pour abriter les métiers et les échoppes des drapiers, les magistrats firent construire en 1317 une Halle, d'aspect sombre et sévère, d'une grande sobriété et d'une parfaite pureté de style.

Des deux salles du rez-de-chaussée, une seule subsistait de nos jours à peu près intacte, divisée en deux nefs par une longue épine de colonnes, à chapiteaux ornés de feuillages et de fruits; d'harmonieuses arcades en plein cintre, vigoureusement moulurées, s'appuyaient sur les colonnes. De magnifiques culs-de-lampe soutenaient les poutres en chêne du plafond; les sujets qu'ils représentaient étaient des plus variés: feuillages, scènes burlesques, êtres fantastiques ou hybrides. Plusieurs de ces culs-de-lampe constituaient des spécimens originaux, qu'on rencontre rarement à la même époque dans le reste de notre pays; tous étaient d'un modelé ferme et rude, formant contraste avec les ciselures plus fines et plus gracieuses de l'époque postérieure. On a reproduit souvent les deux bustes de chevaliers, revêtus de la cotte de maille et séparés par deux écus. «Ce morceau d'un modelé très ferme et d'un très bon style, dit J. Destrée, démontrerait à défaut d'autre témoignage la place distinguée que la sculpture occupait déjà dans nos contrées dès le début du XIVe siècle.»

La Halle aux draps de Louvain ne connut pas longtemps la grouillante animation des marchés et des célèbres foires de septembre; dès la seconde moitié du XIVe siècle une lutte féroce entre patriciens et plébéiens ruina le commerce et força les drapiers à émigrer en Hollande et en Angleterre.

La grande cité brabançonne allait déchoir de son rang, elle était vouée à la ruine, lorsque, au commencement du XVe siècle, une occasion unique s'offrit à elle de connaître à nouveau des jours prospères. Les conseillers du duc de Brabant venaient de décider la fondation dans les Pays-Bas d'un établissement d'études supérieures, afin de retenir dans nos frontières la jeunesse avide de savoir et obligée de fréquenter les universités étrangères. Les magistrats de la ville de Louvain ne ménagèrent ni les démarches, ni les plaidoyers habiles pour déterminer le duc à fixer chez eux le siège de la nouvelle académie; ils obtinrent gain de cause.

Aucune autre ville de nos provinces ne pouvait se prévaloir des avantages précieux que possédait Louvain pour devenir un centre d'études: de vastes locaux abandonnés par le commerce ruiné, des habitants dont le contact continu avec l'étranger et les habitudes commerciales avaient façonné et adouci les mœurs, un climat salubre, doux et tempéré, tant vanté par les historiens, de vastes jardins prêtant leurs ombrages aux promenades solitaires des savants, des rues silencieuses et tranquilles, une paix éternelle où rien ne devait troubler les travaux de l'esprit, les méditations profondes et abstraites: nusquam studetur quietius, écrivait Erasme.

Avec la jeune Alma Mater, la ville de Louvain se reprit à la vie et à l'espérance. Consciente de sa dignité et du rôle important qu'elle était appelée à jouer, elle voulut se parer de joyaux artistiques incomparables. L'année même de la fondation de l'université on commençait, sous la direction de l'architecte Sulpice Van Vorst, de Diest, la construction de la collégiale Saint-Pierre; le chœur était achevé en 1434, mais les travaux de l'église durèrent jusqu'au commencement du XVIe siècle. De magnifiques tours de style flamboyant devaient couronner l'édifice et lui donner l'envolée des plus belles cathédrales; des écroulements successifs firent abandonner ces projets et le monument conserva toujours l'aspect d'une œuvre inachevée. L'intérieur présentait un ensemble impressionnant par l'élancement des voûtes, l'élégance des proportions, la pureté des lignes; sept chapelles polygonales entouraient l'abside du chœur.

La collégiale de Louvain renfermait des trésors artistiques. D'après un dessin de Mathieu de Layens, on exécuta, en 1450, pour l'église Saint-Pierre, un tabernacle en pierres d'Avennes: c'était une gracieuse et légère tourelle pyramidale, fourmillant des sculptures les plus fines. A l'entrée du chœur on admirait un jubé dont les trois arcades ogivales, portées par de sveltes colonnes, soutenaient des myriades de statuettes. Citons encore la chaire en bois sculpté et le remarquable porche de la Renaissance, tout orné de dentelles, de festons, de guirlandes, de médaillons.

Deux chefs-d'œuvre célèbres de Thierry Bouts éclipsaient les autres toiles, remarquables cependant, qui ornaient l'église Saint-Pierre. C'étaient la Cène, une des perles les plus pures de l'école flamande, où parmi les spectateurs on remarquait le portrait du peintre, et le Martyre de saint Erasme, tryptique dont les volets représentaient saint Jérôme et saint Bernard, œuvre au coloris brillant et poli.

Les barbares ont livré aux flammes la superbe Collégiale de Louvain; il n'en reste qu'une carcasse vide et décharnée… Les vieilles tapisseries flamandes ont été brûlées; le magnifique tabernacle est en ruines. Par miracle les chapelles qui entourent le chœur où se trouvaient les chefs-d'œuvre de Thierry Bouts ont été préservées de l'incendie. Les deux toiles ont échappé aux flammes qui les ont frôlées; les mains pieuses d'un de mes collègues de l'Université les ont placées en lieu sûr.

L'hôtel de ville de Bruxelles venait d'être achevé, lorsque les magistrats de Louvain, pris d'une ardente émulation, décidèrent de construire un édifice, qui le surpasserait en richesse et en élégance. Ils s'adressèrent à un jeune architecte, dont le chef-d'œuvre a immortalisé le nom: Mathieu de Layens. La première pierre de l'hôtel de ville fut posée en 1448; les travaux étaient achevés en 1463. Tout le monde connaît ce monument incomparable, ses ciselures fines et délicates comme la plus belle des dentelles, ses façades au millier de sculptures légères; une harmonie parfaite préside à l'enchevêtrement des balustrades, des pinacles, des colonnettes, des clochetons et des tourelles qui s'élancent et se dessinent dans l'azur avec une hardiesse étonnante. L'hôtel de ville de Louvain semble l'œuvre d'un imagier du moyen âge, quelque tabernacle précieux, démesurément grandi, à placer dans un sanctuaire à l'abri des intempéries trop rudes de notre climat.

Les lourds et épais buveurs de bière ont-ils ressenti tout à coup un frisson d'émotion artistique devant ce «Palais de fées» si délicieusement orné? Ils prétendent l'avoir sauvé des flammes au péril de leur vie! Hélas! Le «Palais de fées» reste seul debout au milieu de la dévastation générale; il semble pleurer les joyaux précieux qui l'entouraient comme d'une couronne: la Collégiale, née du même élan artistique et pour ainsi dire du même souffle créateur, et toutes les maisons anciennes aux pignons étroits, aux façades ornées d'inscriptions, de médaillons, de moulures dorées!

Si l'hôtel de ville de Louvain obtint grâce devant les barbares, la Halle ne fut pas jugée digne de semblable faveur; devenue depuis des siècles un foyer d'études et de patriotisme, elle méritait en première ligne les coups des disciples de la haute culture.

Dès 1432, la ville de Louvain offrait à l'université un local dans la Halle aux draps pour l'enseignement de la Théologie et l'année suivante on y aménageait des locaux pour les Facultés de droit et de médecine. En 1676, l'Université acheta la Halle à la ville; quelques années plus tard on suréleva tout l'édifice d'un vaste étage et en 1723 on y ajouta un bâtiment perpendiculaire.

De nos jours, toute la Halle était occupée par la bibliothèque universitaire.

L'immense salle de lecture, dite «salle des portraits», renfermait une collection unique, dont la perte est irréparable. On y avait réuni les toiles représentant les traits des professeurs les plus illustres et des bienfaiteurs insignes de l'ancienne université, toiles d'une valeur artistique bien différente, mais toutes d'un puissant intérêt historique. Devant cette galerie de penseurs, aux traits durs et austères, on se sentait pénétré d'un sentiment profond de respect envers l'étude et la science; l'activité fiévreuse et toujours hâtive, dont une salle de lecture et de recherches est un ardent foyer, formait un contraste frappant avec l'attitude calme et méditative de nos anciens maîtres.

Dans la principale salle de livres, aux dimensions énormes, une magnifique boiserie en chêne, disposée en portiques à colonnes, supportait des dais qui renfermaient les statues des grands philosophes et écrivains de l'antiquité.

La salle de travail des professeurs était un bijou de la plus belle architecture de la Renaissance; nous venions d'y mettre à jour, il y a un an, des voûtes délicates, des boiseries en chêne d'une exécution très fine.

Les séances solennelles des promotions et des doctorats se déroulaient, avec toute la splendeur du protocole académique, dans l'ancien auditoire de médecine, conservé avec ses bancs, ses stalles, ses tribunes, ses tableaux.

La fondation de la Bibliothèque universitaire de Louvain remonte à 1636; de nombreux fonds de vieux livres et manuscrits, légués par des particuliers, vinrent enrichir considérablement le dépôt et lui donner une importance de premier ordre. Le nombre de nos manuscrits s'élevait environ à 500; le plus célèbre était un petit manuscrit écrit de la main de Thomas a Kempis. Nous possédions également plusieurs livres d'heures ornés d'enluminures très riches et de belles miniatures.

Parmi les trésors innombrables, renfermés dans de grandes armoires d'exposition, on pouvait remarquer: la bulle d'érection du Studium de Louvain, concédée par le pontife Martin V en 1425; le fameux ouvrage d'André Vésale, De humani corporis fabrica, exemplaire sur vélin donné par Charles-Quint à l'Université; un très beau choix de reliures flamandes du XVIe et du XVIIe siècles; les souvenirs de l'ancienne Université, sceaux des Facultés, médailles, diplômes, etc.; des curiosités typographiques, des raretés bibliographiques de tout genre.