Kitobni o'qish: «La maison d'un artiste, Tome 2»
CABINET DE TRAVAIL
(Suite)
Après la cheminée, le mur reprend avec la littérature, avec la poésie.
Avouons-le franchement, la poésie du temps ne vaut quelque chose que par les estampes des dessinateurs qui l'ont illustrée. Parlons donc des poètes à images.
C'est en première ligne Dorat et ses Baisers et ses Fables, et ses petits poèmes, avec ses illustrateurs ordinaires, Eisen et Marillier.
Puis, prenant au hasard dans la rangée de livres, il nous tombe sous la main la «Pucelle d'Orléans», avec les figures de Gravelot; les insipides «Héroïdes» de Blin de Sainmore à la pompeuse illustration; les trois volumes des «A-propos de société», où Moreau a fait tenir de si charmantes sociétés dans des carrés, grands comme une carte de visite; les «Saisons» de Saint-Lambert, avec les figures de Leprince et les en-tête de Choffart; «Mon Odyssée», décorée de dessins de Desfriches, gravés par Cochin, qui a dessiné incontestablement les figures des dessins; le rare petit poème, intitulé: «les Bienfaits du Sommeil», dont les Moreau sont si finement gravés par De Launay; les «Historiettes ou nouvelles en vers», par M. Imbert, dont le titre est à la fois dessiné et gravé par Moreau; les «Idylles» de Berquin, aux mièvres petites images, se payant aujourd'hui un prix si déraisonnable; le «Temple de Gnide» mis en vers par Colardeau, avec les estampes d'après Monnet; les «Amusements d'un Convalescent», dont le frontispice de Gravelot est la merveille des frontispices passés, présents et à venir; les «Quatre Heures de la toilette des Dames», poème dédié à la princesse de Lamballe, et princièrement illustré de vignettes et de culs-de-lampe de Leclerc; enfin un exemplaire des «Chansons de la Borde», en veau, il est vrai, mais payé 25 francs, et chez Sieurain, – il y a trente ans.
Gardons-nous de passer sous silence, parmi ces livres, l'édition de 1760, des «Poésies de M. Sedaine», qui renferme le rare et artistique portrait du poète et de l'ami, gravé par Gabriel de Saint-Aubin.
Et n'oublions pas encore les méchants vers badins du Joujou des demoiselles, aux deux titres dessinés par Eisen, et dont chaque page a un en-tête gravé; et les méchants vers polissons du Bijou de Société ou l'Amusement des Grâces, A Paphos, l'An des plaisirs: petits volumes au texte gravé, aux eaux-fortes maladroites.
Mais il faut encore donner place ici à ces almanachs chantants, qui font rage aujourd'hui, à ces almanachs illustrés de minuscules vignettes anonymes, mais souvent spirituelles, et qui s'appellent de ce titre: Calendrier de Paphos, ou bien de cet autre: la Fleur des plaisirs, «Étrennes chantantes à la mode, dédiées aux Grâces, enrichies de figures, et suivies du gazetier chantant avec tablettes économiques, Perte et Gain, petit secrétaire à l'usage des dames. Chez le sieur Desnos.» L'un de ces petits volumes intitulé: les Délices de Cérès, contient des vues de promenades, des bals de Paris, du Salon de peinture.
Après les poésies, les romans. Ils sont nombreux, les romans, et nombreux dans tous les genres. J'en cite, un peu au hasard, quelques-uns:
«La Vie de Marianne, ou les Aventures de madame la comtesse de *** par M. de Marivaux»: un roman publié en 1731, en ces années où la critique professait que, seules, les aventures de la noblesse pouvaient intéresser le lecteur, et où l'auteur avait le courage de dire dans sa préface: «Il y a des gens qui croient au-dessous d'eux de jeter un regard sur ce que l'opinion a traité d'ignoble, mais ceux qui sont un peu plus philosophes, qui sont un peu moins dupes des distinctions, que l'orgueil a mis dans les choses de ce monde, ces gens-là ne seront pas fâchés de voir ce que c'est que l'Homme dans un cocher, et ce que c'est que la Femme dans une petite marchande.»
De Crébillon fils, les éditions originales du Hasard du coin du feu et de la Nuit et le Moment, ces analyses parlées, et dans la langue la plus subtile qui soit, des mouvements de l'âme de l'homme et de la femme du temps, ces jolies et spirituelles révélations de l'infiniment secret des tentations des sens et des caprices de cervelle de la créature des vieilles civilisations, ces petits romans de génie qui, un jour, prévaudront sur tout le fatras officiel du temps, et auxquels M. Villemain n'a pas même accordé l'honneur de nommer leur auteur, dans son «Cours de littérature du dix-huitième siècle».
Et les romans philosophiques, parmi lesquels est un exemplaire d'Imirce, ou la Fille de la Nature, 1764, par Dulaurens, un exemplaire aux armes et aux initiales de Groubentall, l'ami et le collaborateur de Dulaurens, avec une grande note de sa main, nous apprenant que l'auteur du livre était encore en prison le 5 juillet 1790, et que sa captivité l'avait rendu fou.
Et les romans historiques ou plutôt demi-historiques, dont un des plus curieux est: «Mémoires du chevalier de Ravanne, page de S. A. le duc régent et mousquetaire, Londres 1781», quatre petits volumes Cazin, reliés en maroquin rouge.
Et les romans militaires nous renseignant sur la vie des garnisons et des camps, et nous initiant aux conquêtes du soldat en France et à l'étranger, comme les: «Exploits militaires et galants des officiers de l'armée de France, en Allemagne… Amsterdam, 1742», ou comme: «l'Académie militaire, ou les Héros subalternes, Amsterdam 1777», quatre volumes ornés de vignettes, que je crois de Lepaon.
Et les romans de mœurs, où dans le tas je retire: «le Noviciat du marquis de ***, ou l'Apprentif devenu maître à Cythère, avec l'approbation de Vénus, 1747», petit roman rare qui raconte joliment les timidités et les embarras ingénus d'un premier amour; l'Amour décent et délicat, ou le Beau de la galanterie. A la Tendresse, chez les Amans, 1760; les Spectacles nocturnes, Londres 1756, donnant des détails sur la vie des petites maisons; «le Soupé, ouvrage moral. Londres», roman qui a toute la charmante désinvolture d'un style aujourd'hui perdu; «les Dialogues moraux d'un petit maître philosophe et d'une femme raisonnable, Londres 1774», dialogues descendant des dialogues de Crébillon fils; les Succès d'un fat, 1764, pourtraiturant l'homme auquel les femmes font la cour, et auquel elles sont reconnaissantes de l'honneur qu'il leur fait de publier, qu'il les a conquises; la Jolie Femme, ou la Femme du jour, 1769, avec son coquet titre, dont l'encadrement enferme une table à toilette; la Parisienne en province, 1769, petit livre rendant l'étonnement naïf de la femme de la capitale devant cette nature de campagne, où il n'y a pas le moindre boulingrin, et qui dit, à l'aspect de paysans conduisant une charrue: «Ah! ils labourent, je m'en étais un peu doutée; voilà donc le labourage! Il y a si longtemps que j'étais curieuse de voir labourer!» les Lauriers ecclésiastiques, ou Campagnes de l'abbé T***. «A Luxuropolis. De l'Imprimerie du clergé, 1777», récit voluptueux et espiègle par un petit-collet, de la défaite de soubrettes possédant de l'éducation et l'ensemble de visage le plus frais, de marquises au pied de la délicatesse la plus achevée, de présidentes bien en chair, d'adorables duchesses ayant le diable au corps; «l'Année galante, ou les Intrigues secrètes du marquis de L***, 1785», roman fabriqué avec les aventures de l'Étorière, officier aux gardes; «la Morale des Sens, ou l'Homme du siècle. Extrait des Mémoires de M. le Chevalier de Bar***, rédigés par MM… D. M., Londres, 1792», avec une préface que Béranger semble avoir lue: «Un palais succède à ton taudis: te souviendras-tu alors de nos petits soupers tête à tête, de notre amour, de nos plaisirs. Je dirai, en voyant ta nouvelle métamorphose: Quand j'aimais Babet, nul mortel n'était plus heureux que moi: nous ne possédions que notre amour, et nous n'avions rien à désirer. Quand sa bouche me disait: Je t'aime, son cœur en palpitant me le jurait d'une manière plus touchante. Comme tout est changé!.. quel luxe! quel fracas! Dis-moi, friponne, quand tu seras Émilie, oublieras-tu l'amant de Babet?»
Deux romans se distinguent de tous ces romans. Le premier, c'est Angola, qui fait deux si ravissants petits volumes, dans l'édition de 1751, ornée des vignettes d'Eisen. Indépendamment de son style alerte et comme pirouettant sur un talon rouge, de sa jolie petite observation ironique à la façon d'un sourire de grande dame, indépendamment de ses croquetons sémillants, ce livre est un document curieux pour l'histoire de la langue; le soulignement de son italique nous conserve tous les néologismes, toutes les phrases que les puristes de 1750 ne voulaient pas accepter, et qui font aujourd'hui partie de la langue courante, parlée par tous. Les puristes de notre temps croiront-ils qu'on regardait alors, comme une audace de dire: chercher chicane, raconter d'un ton lamentable, l'air consterné, chanter à faire peur, caresser son jabot, être exactement informé, une attitude singulière, des devoirs pénibles, railler sans miséricorde, les fondements d'un édifice, les contes dont on berce les petits enfants, tourner la cervelle, crever des chevaux de poste, toucher cette corde, langage entortillé, cavalièrement, rompre la glace, rien de si absurde, lutiner, mauvaise plaisanterie, passion malheureuse, prendre comme à tâche, ces sortes de conjectures, affaire arrangée, faire la bégueule, manège habile, quel enfantillage, suer à grosses gouttes, etc.
Le second roman a pour titre: «Thémidore; à la Haye, aux dépens de la Compagnie, 1745», attribué à Godard d'Aucour, le fermier général: une peinture vraie du caractère général de la fille d'alors, peinture bien plus vraie que celle de l'abbé Prévost dans «Manon Lescaut» qui a dû sa fortune sans exemple à un côté de sentimentalité moderne, n'existant pas le moins du monde chez les impures du dix-huitième siècle.
Puis ce sont presque tous les romans de Rétif de la Bretonne, au milieu desquels se trouve un exemplaire broché de la Paysanne pervertie avec les figures, avant les noms des dessinateurs et graveurs; et un exemplaire du Nouvel Abailard, sur papier de Hollande, qui serait, d'après M. Paul Lacroix, le seul exemplaire connu d'un roman complet sur ce papier, du romancier.
Et encore le rarissime roman de Sénac de Meilhan, qui a pour titre: l'Émigré publié par M. de Meilhan, ci-devant intendant du pays d'Aunis de Provence, Avignon et du Hainaut, et intendant général de la guerre et des armées du Roi de France. A Brunswick: Chez P. Fauche et compagnie, 1797, roman in-12 en quatre volumes, ornés d'estampes dessinées par Du Pré, et gravées par Benet, Salomon, Wagner, Dornsted.
Terminons cette bibliographie romancière à vol d'oiseau par la liste des célèbres romans du dix-huitième siècle, avec l'illustration qu'en ont faite les dessinateurs et graveurs contemporains: l'édition de 1756, de «Manon Lescaut» avec les vignettes d'Eisen; l'édition de 1764, de la «Nouvelle Héloïse», avec les vignettes de Gravelot; l'édition de 1772 du «Diable amoureux» de Cazotte, avec les figures où l'habile Moreau a si bien contrefait le dessin enfantin de l'homme de génie, trouvé dans une auberge par l'auteur; l'édition grand in-octavo de 1776, des Confessions du comte de *** par Duclos, avec les figures de Desrais; l'édition de 1796 des «Liaisons dangereuses»; le terrible roman de Laclos, avec les estampes de Monnet, de Fragonard fils, de mademoiselle Gérard; l'édition de l'an VI des «Amours de Faublas» avec les vignettes de Marillier, de Monnet, de Monsiau, de Dutertre, de Demarne, de mademoiselle Gérard; l'édition de l'an XIII de «la Religieuse» avec les cinq figures de Le Barbier.
Quant aux nouvelles et aux contes, je ne citerai que les «Contes moraux» de Marmontel, dont l'édition de 1765, est peut-être, à l'heure présente, le moins cher des livres illustrés, quoique ce soit celui qui contienne les plus charmants et les plus amusants Gravelot, pris sur la vie contemporaine.
Ici, laissant de côté un certain nombre de séries, je vais droit aux livres sur les mœurs.
Tout d'abord les ouvrages sérieux comme le livre de Toussaint, intitulé: les Mœurs, 1768, ou comme: «l'École de l'homme, ou Parallèle des portraits du siècle et des tableaux de l'Écriture sainte, 1752», une espèce de La Bruyère très inconnu du dix-huitième siècle, et qui a, en tête de sa première partie, une clef de ses portraits.
A la suite de ces deux traités dogmatiques, les ouvrages suivants: «les Mœurs de Paris, par M. L. P. Y. E. Amsterdam, 1747»; «le Tableau du siècle, par un auteur connu. Genève, 1759»; «Essai sur le caractère et les mœurs des François comparées à celles des Anglois. Londres, 1776.»
Puis les petits livres, où la peinture des mœurs est relevée d'une forte pointe d'ironie, petits livres un peu trop méprisés de notre siècle, et qui contiennent cependant pas mal de l'alerte et vif esprit français du temps: «l'Apologie de la frivolité, 1750»; «les Ridicules du siècle, 1752»; «le Livre à la mode, 1760», et les autres livres de Carraccioli; «la Berlue, 1760»; «l'Inoculation du bon sens, 1761»; «la Philosophie à la grecque, 1772»; le Livre à la mode, dont son auteur, le chevalier Des Essarts, fait ce piquant portrait de l'officier petit-maître: «Un simple uniforme de drap propre, de grosses bottes soutenues par un talon de trois bons pouces, des éperons aussi clairs que la garde de l'épée, une chemise à manchettes unies, un chapeau retapé à la militaire, les cheveux en queue et une simple boucle; ajoutez à tout cela un col noir, et une épée dont la lame est de défense. Est-ce là l'habillement, la façon de se mettre d'un officier? Eh fi! on a l'air trop soldat. Un officier petit-maître a bien plus de goût. Il lui faut autant de papillotes qu'il a de cheveux, une bourse à la françoise, ou au moins une petite queue ensevelie dans trois livres de poudre appliquées avec art, des manchettes à dentelles, des bas de soye, des souliers à talon rouge et surtout une épée à la françoise; le chapeau…! cet article m'embarrasse un peu… ce n'est pas un chapeau, il n'en a pas la forme; ce n'est pas un bonnet, il n'en a pas la matière; c'est un zest, un soupçon, une idée, un rien fait en forme de ce je ne sais quoi sur lequel est attaché trois petits morceaux de plumet, et on porte sous le bras cette singulière invention.»
Mais parmi tous ces livres et bien d'autres encore, les deux chefs-d'œuvre du genre sont: le Papillotage, 1767, et la Bibliothèque des Petits-Maitres, ou Mémoires pour servir à l'histoire du bon ton et de l'extrêmement bonne compagnie. Au Palais-Royal, chez la petite Lolo, marchande de galanteries, à la Frivolité, 1762.
Dans cet ordre d'écrits au persiflage quintessencié, au joli babil littéraire, tout plein de tours et de voltes de phrases, exécutés avec une prestesse singulière, un abbé, l'abbé Coyer, a écrit un livre qui mérite sa place parmi les plus délicates et les plus incisives ironies: ce sont les Bagatelles morales, et je ne connais rien, dans notre langue, d'une impertinence de style plus grand seigneur, que sa «Lettre à une dame anglaise» qui, dans l'édition originale publiée séparément, porte le titre: Lettre à une jeune dame nouvellement mariée.
Vient le tour des petits croquis satiriques d'une maladie du jour, d'un éphémère goût de la nation, de n'importe quoi enfin, d'un jeu à la mode aussi bien que d'un jubilé, et aussi bien d'un jubilé que de l'approche d'une comète. Les vapeurs sont prises à partie dans la Philosophie des vapeurs, 1774, qui se raille agréablement de la sensibilité vaporeuse, née dans ce siècle de philosophie et de santé délabrée, où la Faculté vient de mettre un fort de la Halle au bouillon de poulet et à l'eau de tilleul. L'anglomanie de nos pères est moquée dans le Préservatif contre l'anglomanie, 1757, où l'auteur, après avoir plaisanté un moment, déclare que nos draps sont de meilleur user et plus maniables que les draps anglais, et établit la supériorité de nos teintures, de nos glaces, de notre argenterie, auprès de laquelle l'argenterie anglaise n'offre que des morceaux vilainement et archaïquement filigranés.
Y a-t-il un jubilé? Voici: les Embarras du jubilé à Paris, 1751, brochure qui nous fait assister au rétablissement dans tous les intérieurs des grands lits de ménage, et au relèguement des romans dans les cabinets, et au travail du convertisseur Doucin, rédigeant un agenda alphabétique des femmes de condition séparées de leurs maris et de celles qui ont des intrigues réglées sous leurs yeux.
Une comète montre-t-elle un rien de sa queue dans le ciel? Aussitôt la brochure la Comète qui entre en matière en ces termes: Aradmé, jolie femme, tenait cercle, et déjà l'on avait épuisé la chronique du jour, tout le persiflage du temps, tous les si et les mais de la calomnie, la liste entière des nouveautés du Petit Dunkerque, etc., lorsqu'on vit arriver subitement certain lettré, pâle, essoufflé, oppressé, haletant, et ayant l'air de vouloir dire bien des choses, sans pouvoir en dire une. Ah! Madame, s'écria-t-il enfin; avez-vous ouï parler de la comète? – Monsieur, j'y ai joué quelquefois. – Ceci n'est point un jeu, Madame, vous ne savez donc pas qu'il nous arrive une comète? – Elle ne m'a point fait part de son arrivée. – Trêve de raillerie, Madame! Apprenez que cette comète est environ dix fois plus grande que notre terre…
Un jeu, le pauvre quadrille a contre lui le Dépit du jeu de quadrille.
Et sur le jour de l'an, il n'y a pas moins de quatre brochures: les Incommodités du Jour de l'an, 1743; le Jour de l'an, en vers; les Visites du Jour de l'an, petite comédie; et les Visites du Jour de l'an ou Étrennes de 1788, toutes brochures tournant en ridicule les visites, et dont la dernière fait ce joli tableau de la visite au Directeur:
Laquais, vite; à la porte. On frappe. Alerte. Ouvrez.
Des sœurs du Sacré-Cœur ce sont les tourières.
Monsieur, permet-il? C'est… de la part de nos Mères
Toutes en général lui font des complimens.
Et toutes pour Monsieur forment des vœux ardens.
«A son petit papa», notre mère Saint-Ange
Adresse six gâteaux. Ils sont de fleurs d'orange.
Voici des macarons de sœur Saint-Augustin
Et voilà du sirop de Bonne Saint-Justin.
Recevez de nos sœurs Barbe, Claire et Marton
Ces biscuits à la rose et ces cœurs au citron.
Et nous voilà aux livres sur les Femmes, l'Amour, le Mariage, dont je vais donner quelques titres: «Réflexions nouvelles sur les femmes par une dame de la cour de France, 1730»; «Lettre de M. l'abbé d'A*** à une demoiselle de condition, au sujet de la politesse et des devoirs des jeunes personnes de son sexe, 1737»; «Lettre sur l'Éducation des femmes et leur caractère en général, par le chevalier de Rauto le Laborie, Saint-Omer 1757»; «l'Ami des Filles, 1762»; «les Testes folles, 1753»; «Tableau de la Bonne Compagnie, 1787»; «Tableau de la Vie, ou des Mœurs du dix-huitième siècle», etc., etc., et encore «la Confession d'une femme qui s'aime uniquement», une assez vraie confession de la femme du temps.
Dans tout ce fatras qui est énorme, deux livres seuls sont dignes d'attention. Le premier: «l'Essai sur le caractère, les mœurs et l'esprit des femmes», par Thomas, est un traité, un peu académique et pas assez spécial de la femme du dix-huitième siècle. Le second, porteur du titre si méchant: «Petit Traité de l'amour des femmes pour les sots; A Bagatelle, 1788», doit être accueilli comme une étude sérieusement psychologique de la femme du siècle, étude entremêlée de portraits, sous des noms supposés, de Mmes de la Suze, de Matignon, de Castellane, de Staël, de la Châtre et de la duchesse de Brancas. Et, avant d'arriver à «la Condition des femmes dans les Républiques, par le citoyen Théremin», arrêtons-nous à la «Pétition des femmes du tiers état», publiée en janvier 1789, qui résume en quelques lignes le triste tableau de leurs destinées:
«Les femmes du tiers état naissent presque toutes sans fortune; leur éducation est très négligée ou très vicieuse: elle consiste à les envoyer à l'école chez un maître, qui lui-même ne sait pas le premier mot de la langue qu'il enseigne; elles continuent à y aller jusqu'à ce qu'elles sachent lire l'office de la Messe en français et les Vêpres en latin. Les premiers devoirs de la religion remplis, on leur apprend à travailler; parvenues à l'âge de quinze à seize ans, elles peuvent gagner cinq ou six sous par jour. Si la nature leur a refusé la beauté, elles épousent sans dot de malheureux artisans, végètent péniblement dans les provinces, et donnent la vie à des enfants qu'elles sont hors d'état d'élever. Si, au contraire, elles naissent jolies, sans culture, sans principes, sans idée de morale, elles deviennent la proie du premier séducteur, font une première faute, viennent à Paris ensevelir leur honte, finissent par s'y perdre entièrement et meurent victimes du libertinage.
Aujourd'hui que la difficulté de subsister force des milliers d'entre elles de se mettre à l'encan, que les hommes trouvent plus commode de les acheter pour un temps que de les conquérir pour toujours, celles qu'un heureux penchant porte à la vertu, que le désir de s'instruire dévore, qui se sentent entraînées par un goût naturel, qui ont surmonté les défauts de leur éducation, et savent un peu de tout sans avoir rien appris, celles enfin qu'un âme haute, un cœur noble, une fierté de sentiment fait appeler bégueules, sont obligées de se jeter dans les cloîtres où l'on n'exige qu'une dot médiocre, ou forcées de se mettre au service; quand elles n'ont pas assez de courage, assez d'héroïsme pour partager le généreux dévouement des filles de saint Vincent de Paul.»
Quant aux femmes de la société, parmi tous les documents qui peignent le désordre de la vie de la plupart de ces femmes, le relâchement des liens du mariage, la facilité des liaisons éphémères, je me bornerai à donner les titres de ces trois pièces réunies dans un volume: l'Isle de la Félicité, Histoire de la Félicité, Formulaire et cérémonial en usage dans l'ordre de la Félicité avec un dictionnaire des termes de marine, usités dans les escadres et leur signification en François, 1745: trois pièces qui sont l'historique, les statuts et le vocabulaire d'une Société du moment, dont les affiliés faisaient brusquement l'amour, quand ils se rencontraient.
Et tant de maris trompés pendant tout le siècle, et tant d'enfants adultérins, amenaient, aux premières années de la Révolution, ces terribles et bien souvent calomnieux dénombrements, imprimés et criés dans la rue, et qui s'appellent: Assemblée de tous les bâtards du royaume, – Procès-verbal et protestations de l'assemblée de l'ordre le plus nombreux du royaume, – Second Procès-verbal de l'assemblée de l'ordre le plus nombreux du royaume tenue à la plaine de Longs-Boyaux. A Concornibus, de l'imprimerie Kornemanique, rue des Cornards, 1789, – et enfin, Nouvelle Assemblée des notables cocus du royaume, en présence des favoris de leurs épouses. A Paris, l'an premier de la Liberté, brochure dans laquelle le rédacteur donne la liste de tous les prétendus amants de la femme, et où, il lui faut rendre cette justice, il ne ménage pas plus l'honneur du tiers état que celui de la noblesse.
A la suite des livres sur la femme et l'amour, les livres sur la prostitution, dont j'ai fait une collection assez difficile à réunir aujourd'hui.
D'abord les traités du temps, contenant une historique de la prostitution, comme le Code de Cythère ou lit de justice d'amour, 1746, comme le Code ou nouveau règlement sur les lieux de prostitution, 1775, se terminant par une réglementation utopique que reprendra Rétif de la Bretonne dans son «Pornographe». Dans cette catégorie de livres, il n'y a que les «Doléances d'un ami des mœurs, qui émettent des idées réalisables, pratiques, mais c'est un ensemble de mesures draconiennes, dont ne pouvait et ne pourra jamais vouloir la corruption d'une vieille civilisation.
Les ordonnances de police concernant les femmes de débauche, dont une à la date du 6 novembre 1778, leur fait «très expresses inhibitions et défenses de raccrocher dans les rues, sur les quais, places et promenades publiques, et sur les boulevards de cette ville de Paris, même par les fenêtres: le tout sous peine d'être rasées et enfermées à l'Hôpital, même en cas de récidive, de punition corporelle.»
Les livres documentaires sur la matière, dans des genres différents, tels que: les Causes du désordre public, par un vrai citoyen, 1784, qui comptent à Paris 60,000 filles de prostitution, auxquelles il faut ajouter 10,000 privilégiées, et tels que: Représentations à Monsieur le Lieutenant-Général de Police de Paris, sur les courtisanes à la mode et les demoiselles du bon ton à Paris. De l'Imprimerie d'une société de gens ruinés par les femmes, 1762, représentations qui disent qu'au commencement de l'année 1760, il y avait, chez les notaires de Paris, vingt-deux mille contrats de rentes constituées, tant petits que grands, assurant un revenu annuel d'au moins dix millions aux courtisanes de la capitale.
Les rapports de police, ces morceaux de biographie si exacts, dont on trouve des fragments dans la «Police Dévoilée» de Manuel, dans la «Chronique Scandaleuse», dans les «Souvenirs et Mélanges» de M. de Rochefort, dans la «Revue Rétrospective», et dont une partie a été publiée dans le volume ayant pour titre: «Journal des Inspecteurs de M. de Sartine», et encore dans la «Revue Anecdotique»; ces rapports de police ont pour complément les deux rares volumes in-octavo, publiés en 1790: la Chasteté du clergé dévoilée, ou Procès-verbaux des séances du clergé chez les filles de Paris, trouvés à la Bastille.
Il y a encore un peu de biographie vraie de ces femmes dans la Chronique Arétine, Caprée 1789, cette collection de scandaleuses monographies galantes, qui devait comprendre toutes les femmes de la grande et de la petite prostitution, mais dont seulement une livraison a paru, contenant les vies de Dervieux, Sainte-Amaranthe, Chouchou, Leblanc, etc.
Un recueil manuscrit de «Lettres secrètes, année 1783», que je possède, et sur la première page duquel il y a écrit: «Monsieur Naigeon, ami de Diderot, tenait ce manuscrit de Grimm», renferme nombre de détails sur les filles des maisons de prostitution, et particulièrement de la Liébaut. Et sous la rubrique «Histoire des passions», le gazetier raconte les singulières amours du fermier général Mercier avec Agathe, de l'architecte Bourgeois avec Euphrosine et Jeannette, et il indique la maison, rue Maubuée, où Rousseau se faisait «fouetter pour son petit écu», et il parle de la manie amoureuse du vieux Beaujon, qui prenait son plaisir à être emmaillotté, et à prendre la bouillie des mains de nymphes au jupon court.
Viennent ici les ouvrages spirituels, qu'il faut lire cependant: les Lettres de la Fillon, 1751, la Correspondance de madame Gourdan, 1784, et les Canevas de la Paris ou Mémoires pour servir à l'histoire de l'hôtel du Roulle. Ce dernier in-douze mérite qu'on s'y arrête un moment. Il nous montre la maison de prostitution de l'aristocratie et de la finance, avec sa file de carrosses à la porte, sa cour d'honneur, ses remises, ses écuries, son grand salon aux fenêtres ouvertes sur un parterre de fleurs, ses boudoirs aux peintures voluptueuses, ses dégagements, et là dedans la maigre et couperosée Paris1, ayant à ses côtés la Fatime et la Richemont. Il nous donne aussi une liste curieuse, la liste authentique, «des filles roulantes au Palais-Royal» en plein dix-huitième siècle, et qui étaient: la Boismilon, la Dalais, la Mortagne, la Petit, les deux Raton, la Jacquet, la Boufreville, la Dupont, la Delécluse, la Vitry, la Blanchard, la Delaunay, la Pichard, la Duvergier, la Deschamps, la Langlois, la Beaumont, la Désiré, la Dupuis, la Carville, la Rochebrune, la Valois.
C'est maintenant le tour des petits poèmes spéciaux, des «Réclusières de Vénus, 1750», des «Très Humbles Remontrances adressées à Monseigneur le Contrôleur Général, par les Filles du monde», du «Brevet d'apprentissage d'une fille de mode, 1769», du «Testament d'une fille d'amour mourante, 1769», des «Sultanes nocturnes contre les reverbères, 1788», des «Ambulantes à la brune contre la dureté des temps, 1789»: méchants poèmes, détestables vers, qui fournissent une touche de couleur locale, un détail, une expression: c'est ainsi que les «Ambulantes» ont conservé la jolie phrase, avec laquelle les filles attaquaient dans la rue le passant: Petit cœur, petit roi.
Et nous voici arrivés aux romans qui sont tous le même: le saut d'une fille de la bergame et de la coiffeuse au damas et au coiffeur, et dont les moins mauvais sont: «Mademoiselle Javote, histoire morale et véritable», «Histoire nouvelle de Margot des Pelotons, 1775,», l'exemplaire de Pixérécourt, «Margot la Ravaudeuse, 1777», et enfin l'introuvable «Histoire de mademoiselle Brion, dite Comtesse de Launay, honnête P… Imprimée aux dépens de la Société des filles du bon ton, 1783»2.
La Révolution favorise la publication d'une brochure vraiment intéressante pour l'histoire du personnel du Palais-Royal, et de la génération des filles qui succèdent aux filles citées dans «les Canevas de la Paris». C'est la Requête adressée à Monseigneur le duc d'Orléans par les demoiselles de Launay, Latierce, Labacante et autres pour obtenir l'entrée du Palais-Royal qui leur a été interdite. Cette brochure nous donne les noms des abbesses en renom, la Langlois, la Masson, la Labady, le Destival, la Macarre, et, avec les matrones, les signalements des prostituées populaires. La Latierce: figure fine, lèvres rosées, taille svelte, pied pointu, cheveux bruns, front large, main délicate. La Bacchante, baptisée ainsi à cause de sa ressemblance avec une figure de bacchante, exposée au Salon: figure agaçante, jambe leste, chute de taille admirable. La Saint-Maurice: ton badin, figure vive, œil étincelant, voix charmante, démarche fière. Thévenin, dit l'As de Pique: œil bleu, figure large, nez long, gorge plate; et à la suite de ces coryphées de la prostitution, la Blondy, la Delorme à la tête de Maure, la Delorme à la tête de mouton, la Duhamel, Victoire Gobet, la du Have, la Blonde Élancée.
Et, en ces années révolutionnaires, avec l'accroissement de la prostitution amené par la misère, par la ruine de beaucoup de travaux de femmes, et même par la fermeture des couvents, Paris est inondé de brochurettes et de feuilles volantes relatives aux filles. Ce sont les: «Doléances des femmes publiques», les «Lettres de ces dames à monsieur Necker», «l'Arrêté des demoiselles du Palais-Royal, confédérées pour le bien de leur chose publique», la «Ressource qui reste aux demoiselles du Palais-Royal», «l'Œuf de Pâques des demoiselles du Palais-Royal au Clergé», les «Très sérieuses Remontrances des filles à Messieurs de la Noblesse»; petits factums plaisants, où le monde du Camp des Tartares pleure la diminution des revenus de la noblesse et du clergé. La brochurette la plus rare est: La G… en pleurs, ornée d'une figure libre, et classée comme un pamphlet contre Marie-Antoinette3, et qui n'est, dans une langue à la Grécourt, que la lamentation du chœur des filles du Palais-Royal sur leur détresse.