Faqat Litresda o'qing

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Kitobni o'qish: «Un tuteur embarrassé», sahifa 8

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XXIX

La soirée battait son plein, l'entrain était à son comble.

A la journée brûlante avait succédé une nuit délicieuse, embaumée du parfum des fleurs qu'apportait un souffle rafraîchissant.

Les salons de M. de Merkar offraient un aspect réjouissant à l'oeil, avec la corbeille de jeunes femmes et de jeunes filles élégamment parées, dont la plus grande partie était vraiment jolie.

Au milieu d'elles, Odette d'Héristel évoluait souriante, quoiqu'on devinât un peu de préoccupation au fond de ses yeux.

Cette créature piquante n'était plus, comme jadis, le jouet des hommes qui s'amusaient à lui faire dire des naïvetés délicieuses; ni la fillette encore gamine qui, chez les Samozane, sautait les pouffs à pieds joints, riait à belles dents, déchirait, à force de danser, les dentelles de ses jupons.

Son petit visage fin avait un peu pâli, mais il restait spirituel; si sa causerie était plus grave, du moins avait-elle toujours des mots exquis et profonds sous un tour railleur.

Plus pondérée que naguère, elle avait acquis une grâce un peu hautaine, une distinction toute naturelle, et sa mise était harmonieuse en son élégante simplicité.

Comme il faisait trop chaud pour danser longtemps, les musiciens amateurs et les musiciennes étaient invités à se faire entendre au piano.

Quelques personnes chantèrent ou jouèrent des morceaux connus, puis, M. de Merkar appela sa jeune parente au clavier.

Mais, Odette réclama l'aide de Mlle Gratienne, car elles s'étaient accoutumées à jouer beaucoup à quatre mains, et à elles deux, Mlle d'Héristel faisant la première partie, elles tinrent leur auditoire sous le charme pendant près d'une heure.

Tandis qu'Odette, à la prière générale, ouvrait une partition avec l'assurance d'une musicienne qui sait qu'elle s'en tirera avec honneur, un trio d'hommes jeunes et distingués, causant et fumant au dehors par cette nuit splendide, vint s'appuyer au rebord d'une fenêtre ouverte sur le jardin.

– Qui donc a ce jeu à la fois souple et harmonieux? demanda l'un d'eux, homme d'une trentaine d'années, au visage martial et bien modelé sous une forte couche de hâle.

– Mlle d'Héristel, l'étoile de nos salons algérois, cette année; une charmante Parisienne que nous aurons le regret de perdre bientôt.

– Vous dites? fit vivement l'étranger à la figure brune.

– Mlle d'Héristel, Odette d'Héristel. Tenez, en vous haussant un peu, vous pourrez l'apercevoir, assise au piano, à droite… A moins que vous ne vous décidiez à rentrer dans les salons, homme sauvage que vous êtes!

Cette plaisanterie n'obtint point de réponse. Robert Samozane, que nous retrouvons à Alger, par la raison qu'il s'embarquait le surlendemain pour la France, sa mission remplie, demeura contre la fenêtre, silencieux et immobile, le regard rivé sur celle qu'on lui désignait.

Il ne la voyait que de profil, mais il buvait des yeux cette silhouette fine, étonné de la gravité qu'il lisait sur ce cher visage.

"Quoi! pensa-t-il, est-ce ma pupille qui a acquis ce talent musical? un talent dont je ne l'aurais jamais crue capable… Elle a conservé sa figure enfantine, mais il y a comme un rêve sur ses traits… depuis tant de mois que je ne l'ai vue!

Et c'est ainsi que je la retrouve! admirée de tous, leur versant, inconsciente, ce philtre de charmeuse dont ils sont tous avides.

Hélas! pourrai-je lire encore dans cette petite âme jadis pour moi claire comme le cristal?.. Il fut un temps où elle me disait tout, la chérie; à présent, sans doute, elle me sera mystérieuse et fermée. Autrefois, c'était nous qui la gâtions; nous, c'est-à-dire les miens et moi… Aujourd'hui, c'est le monde. Toutes ces déclarations bien tournées, chauffées au soleil africain, qui vont à elle, l'ont sans doute grisée.

Et moi qui avais tant hâte de la revoir, peut-être souffrirai-je en la retrouvant sur ma route. Si, pour la seconde fois, elle allait me briser le coeur?.."

Odette était une intuitive; en quittant le piano, elle avait cru apercevoir des têtes masculines derrière le balcon de pierre et surtout entendre une voix mâle et très chère qui s'était gravée à jamais dans son coeur et dans son cerveau.

Elle se haussa légèrement sur la pointe de ses souliers vernis; une joie intense éclaira une seconde sa petite figure grave, puis elle reconquit son calme accoutumé.

Assurément, elle se trompait; si Robert n'était plus en expédition au coeur de l'Afrique, il naviguait vers la France; peut-être même y était-il déjà, installé rue Spontini auprès du vieux père convalescent.

Ce soir-là, en se couchant dans un lit qui lui parut moelleux, après les couchettes hasardeuses des campements improvisés, Robert revit en esprit sa pupille, contre laquelle, il le sentait aujourd'hui, il ne conservait plus l'ombre de ressentiment.

En l'écoutant à son insu, tandis qu'elle caressait le piano, il s'était senti pris sous le charme suave de la mélodie; il s'était pénétré du chant qu'elle y développait et avait deviné les rêves qu'elle y exprimait sans doute.

Et, encore un peu à son corps défendant, il se disait qu'il devait être très doux de vivre avec une gentille compagne comme elle à ses côtés; très doux de voir son sourire si franc, ses yeux si aimants et tendres, d'ouïr sa petite voix claire aux saillies si fines…

Ainsi, Robert se sentait maintenant plus satisfait de quitter l'Afrique; puisque Odette y retournait aussi, il aurait double joie à retrouver le home, Paris et surtout la famille aimée qui l'attendait avec tant d'impatience.

Des fatigues passées, et il en avait essuyé de rudes, il ne se souvenait plus, et l'avenir lui apparaissait rose et lumineux.

Aussi, remercia-t-il Dieu qui, non seulement, l'avait gardé de tout mal, sauvé de tout péril pendant sa longue absence, mais qui encore lui rendait sa petite amie assagie, aimable, dévouée sans doute.

XXX

"La première personne qui m'a saluée à mon débarquement, lorsque, il y a huit mois environ, je suis arrivée en Algérie, a été une guenon de la plus belle venue, qui m'a adressé une grimace magistrale.

La dernière personne qui me salua, ce matin, à mon embarquement pour Marseille, sur le Duc de Bragance, est une perruche multicolore que Yannette portait, juchée sur son épaule, et qui criait, en voyant pleurer sa petite maîtresse:

"Qu'Allah te protège! Qu'Allah te conduise!"

Or, je ne sais si c'est Allah qui guide notre bateau, mais il commence à danser joliment et j'ai de la peine à écrire dans la cabine d'intérieur où je sens davantage le roulis, mais où j'ai obtenu d'être seule.

Ainsi, je voyage sans chaperon pour la première fois de ma vie, comme une personne raisonnable, ou plutôt comme une pauvre fille sans parents proches, qui n'a pas les moyens de se faire escorter par une femme de chambre ou une demoiselle de compagnie.

On m'a recommandée au capitaine avec une telle chaleur, qu'il doit me prendre pour une princesse du sang ou pour un objet extrêmement précieux qui craint la casse.

Une fois à Marseille, je serai pilotée et hébergée par des amis des Merkar, qui me remettront ensuite en wagon pour Paris, après m'avoir recommandée cette fois (je m'y attends), au chef de train.

Il me tarde d'être plus âgée pour aller et venir avec plus d'aisance.

Nous avons quitté Alger par une brise favorable et un ciel radieux.

.....

Je ne sais ce que la nuit nous prépare, mais je trouve que nous commençons à rouler terriblement; des nuages moutonnés se montrent à l'horizon, et j'ai vu des matelots se les désigner en secouant la tête sans rire.

Les adieux avec les Merkar ont été heureusement abrégés par la hâte de l'embarquement, car les enfants menaçaient de se changer en fontaine. Mme de Merkar semblait prête à s'évanouir et une petite larme perlait même à l'oeil de mon cousin.

Ils ont tous été si bons, si affectueux à mon égard, que moi aussi je me sentais émue; mais je ne puis, au fond, m'empêcher de me réjouir à la pensée que je vais retrouver ma chère famille parisienne.

J'ai répandu des libéralités autour de moi, de façon à me faire gronder: bah! j'étais si heureuse de leur faire plaisir!"

.....

Dolente, affalée dans un rocking-chair, la pauvre Odette ne voyait ni n'entendait plus rien.

Elle n'était, du reste, pas la seule à souffrir: passagers et passagères gémissaient, qui, au fond des cabines, qui, sur le pont, où ils croyaient se distraire de leur malaise, tandis qu'il arrivait tout le contraire.

Mlle d'Héristel eût bien voulu, maintenant, regagner sa couchette et s'y étendre, mais elle n'avait plus la force de faire un mouvement; d'ailleurs, la mer devenait si mauvaise qu'on avait dû fermer les hublots et l'on étouffait dans les cabines.

Au repas précédent, les convives assez braves pour essayer leur appétit avaient dû déserter la table, à l'exception de quelques-uns, entr'autres Robert Samozane, jeune Français, embarqué sur le Duc de Bragance.

Il veillait de loin sur sa pupille, heureux de se sentir seul à la protéger; il comptait jouir de sa surprise quand, au dîner, il paraîtrait tout à coup à ses yeux.

Mais voilà qu'elle était parmi les malades et, son café pris, il se hâta de remonter sur le pont où il finit par la découvrir, enveloppée de châles et plus morte que vive.

"Bon! pensa-t-il, je n'ai pas de chance; j'espérais que nous causerions ici comme deux amis, personne ne nous gênant, et voilà qu'elle souffre et quelle n'a même pas la force de me reconnaître."

Il s'avança vers elle, et le plus doucement possible:

– Odette! murmura-t-il.

Elle tressaillit faiblement, leva les yeux et le regarda jusqu'à l'âme.

– Oh! Robert!.. Où suis-je donc? dit-elle, pour que je te retrouve là?.. Sommes-nous donc déjà à Paris? J'ai cru mourir…

– Hélas! non, pauvre petite, nous ne sommes pas encore à terre et c'est malheureux pour toi. Crains-tu donc tant que cela le tangage?

– C'est-à-dire que lorsque nous sommes venus de Marseille à Alger, il faisait un temps admirable; on ne pensait même pas à être malade. Mais, aujourd'hui! Est-ce que cet affreux mouvement ne t'arrache pas le coeur, Robert?

– Moi, pas du tout, mon coeur est très solide… et très fidèle, ajouta-t-il plus bas.

L'entendit-elle? Peut-être, mais il ne put rien lire dans les yeux de mystère qui se détournaient des siens.

Il poursuivit:

– A ton insu, je t'ai entendue avant-hier soir, quand tu jouais du piano chez tes cousins de Merkar. Je n'ai pas voulu me montrer à toi au milieu d'étrangers qui nous auraient curieusement examinés, mais je me suis arrangé pour voyager sur le même bateau que toi afin de te protéger.

– Tu n'as pas de chance à ton tour, répliqua-t-elle, car je suis une triste compagnie de traversée.

– C'est vrai, dit-il, et je deviens bien inutile, Odette; peut-être même importun… Moi qui comptais que ma présence te réjouirait un peu, que tu te sentirais moins seule!..

– Mais, en effet, je suis heureuse de te revoir, Robert; oh! heureuse, si tu savais! Seulement, je ne peux pas te le dire…

Tiens, offre-moi ton bras pour me conduire à ma cabine. Si mauvaise que soit ma couchette, elle vaudra peut-être mieux que le pont de ce navire qui nous secoue lamentablement.

Il obéit, satisfait de lui rendre ce faible service, et il l'installa dans la chambrette avec des soins vraiment maternels.

Il laissa tomber le rideau devant l'entrée de la cabine, car on ne pouvait fermer les portes sous peine de mourir de chaleur.

En vain Mlle d'Héristel essaya de tromper son mal en appelant le sommeil; il ne vint pas, et elle demeura inerte sur sa couchette, secouée de temps à autre par des spasmes douloureux.

Le commissaire, le médecin du bord, qui entr'ouvraient tous les rideaux d'un doigt discret, afin d'offrir leurs services aux plus malades, n'essayèrent même pas de la ranimer; ne valait-il pas mieux que la faiblesse eût le dessus afin qu'elle souffrît moins?

– Est-ce que je rêve, ou si j'ai bien réellement revu Robert, ce cher Robert qui serait redevenu pour moi l'ami tendre, le parent dévoué, le conseiller, le guide de l'endiablée petite pupille?

Et puis, est-ce que je divague, ou bien m'a-t-il dit qu'il m'a écoutée avec plaisir quand je jouais du piano l'autre soir?.. Si c'est vrai, il aura reconnu que je sais quelque chose, que j'ai progressé, acquis un petit talent…

Vers le matin, Robert lui fit demander si elle pouvait le recevoir; elle se ranima un peu à ce nom, répondit affirmativement, mais fut incapable de lui parler sensément.

– Est-ce qu'on va mourir, Robert? dit-elle d'une voix éteinte.

Le jeune homme se mit à rire.

– Mais pas du tout, nous avons une très mauvaise traversée et le golfe du Lion est terrible aujourd'hui. Tu n'as pas de chance, pauvre Nénette! Mais nous ne courons aucun danger, notre vaisseau est bien trop solide pour ne pas tenir tête au gros temps.

N'empêche que tous les passagers sont sur le flanc, sauf ton serviteur qui a déjeuné absolument seul tout à l'heure.

Il y eut un silence. Samozane arrangea l'oreiller sous la jolie petite tête vacillante qui ne s'opposait même pas aux chocs que lui imprimait le rebord de la couchette.

Puis il baisa doucement la petite main immobile qui demeura insensible sous cette muette caresse.

Et pourtant, dans une demi-conscience de ce qui se passait autour d'elle, Odette était soulagée par la présence de ce protecteur inattendu; sans Robert, elle eût été envahie par un sentiment d'infinie solitude sur cette immense maison flottante où elle n'avait pas un ami, hors lui.

Après un instant d'accalmie où elle parut revenir un peu à l'existence, Robert lui proposa de secouer son inertie, de chercher à dompter son mal en montant, non sur le pont, ce qui était impossible, mais au salon.

Il sortit pour la laisser s'emmitoufler dans son plaid et, quand elle le rappela, il guida ses pas trébuchants à travers le corridor et dans l'escalier.

Elle eut même presque un rire en voyant comme ils étaient jetés de côté et d'autre à chaque minute.

Ils atteignirent ainsi les salons absolument désertés; à travers la vitre épaisse des hublots, ils purent admirer le spectacle à la fois superbe et effrayant que leur offrait la mer littéralement démontée.

Plus hautes que le navire qui semblait gros comme un nid d'oiseau sur cette étendue laiteuse, les vagues hurlaient tout à l'entour, noires comme de l'encre et ourlées d'écume. Du ciel, on ne voyait qu'une barre un peu moins sombre que l'eau, où parfois luisait un éclair livide.

Odette se cramponna à son cousin.

– Robert! j'ai peur! Nous n'arriverons jamais à terre.

– Si, chérie, ne crains rien. Toutefois, je suis content de toi; si tu as peur, c'est que tu souffres moins.

– Peut-être… je ne sais; on s'accoutume sans doute au mal. Alors, tu crois qu'il n'y a pas de danger? Cela me paraît impossible.

– Je te l'affirme. Et puis, tu as donc bien peur de la mort?

– Dame! J'ai vingt ans, allait répondre Mlle d'Hérisel.

Mais, elle se ravisa et dit:

– La vie n'est pas si gaie, va, pour que je la regrette.

– En ce moment, parce que tu es malade, petite; mais attends d'avoir abordé à la Joliette et tu changeras de ton.

– Je t'assure, Robert, que je suis devenue très grave.

– Etre grave n'est pas être triste; et puis, je veux retrouver ma pette Odette d'autrefois.

Un peu de rose monta aux joues pâles de la jeune fille:

– Même la méchante?

– Non, pas la méchante; mais celle-ci, je l'ai si peu connue! répliqua-t-il tendrement.

Elle allait, ma foi! se jeter à son cou, dans sa joie, lorsqu'un terrible coup de mer enfonça la porte ouvrant sur le second pont; des paquets d'eau entrèrent en coulant le long des marches, et le vent, faisant aussi irruption, arrachait les stores et renversait les sièges.

Effarée, Odette saisit la main de son tuteur et courut vers les cabines.

– C'est la fin du monde! cria-t-elle, Oh! Robert, ne restons pas là!

La tempête redoublait; il fallut regagner la couchette que la pauvre enfant ne quitta plus jusqu'à ce que cette exclamation consolante lui fût apportée par la femme de chambre:

– Dieu soit loué! On aperçoit la terre!

La mer se calma un peu quand le Duc de Bragance quitta le large pour s'approcher des côtes.

Au loin, le phare de Planier apparaissait, puis les îles, enfin la ville.

Des cabines, s'échappaient des soupirs de soulagement, des rires même, avec des bruits de toilette, d'eau remuée, de brosses mises en mouvement.

Les passagers reprenaient vie avec l'espoir d'abandonner bientôt le plancher mouvant.

Odette se leva, toute brisée, riant, elle aussi toute seule, de voir qu'elle ne pouvait agrafer ses jupes ou lisser ses cheveux sans être projetée rudement contre la paroi de sa chambrette.

"Ouf! se disait-elle, qu'il fera bon respirer l'air de France et se sentir enfin le coeur solide!"

Sur les ponts ruisselants d'eau de mer, la manoeuvre avait lieu péniblement; les matelots faisaient la chaîne, accrochés à la rampe, contournant le bâtiment des cabines, afin de n'être pas enlevés par les lames.

Ils passaient comme des ombres funèbres, se tenant par la main et ensevelis sous leurs lourds cabans dans le brouillard de pluie et d'embrun qui noyait tout le bateau.

Peu à peu, Marseille se rapprocha; on accosta à la "Santé", et la visite faite et la patente accordée pour entrer dans la rade, on attendit la venue du pilote.

Ce fut très long; par cette mer agitée, l'entrée du port n'était pas facile et il fallait que, sans encombre, le Duc de Bragance prît place entre deux grands transatlantiques déjà à l'ancre.

Intéressée par la manoeuvre, Mlle d'Héristel avait fini par monter sur le pont, tenant d'une main son canotier qui faisait mine de s'envoler de sa tête, et de l'autre, se tenant elle-même à la balustrade.

La voix de Robert, debout près d'elle, s'éleva soudain, grave:

– Voici la Vierge de la Garde qui semble nous souhaiter la bienvenue; voyez à votre droite, Odette!

La jeune fille se retourna, très prompte:

– Oh! alors, remercions-la de nous amener à bon port après une si vilaine traversée.

Et comme, son oraison finie, elle regardait, rieuse, Robert toujours recueilli:

– Votre prière est plus longue que la mienne, ajouta-t-elle. Que demandez-vous donc encore?

– Ah! voilà, je demande… Mais je vous le dirai plus tard, Odette, répondit-il; vous êtes trop curieuse.

Elle rougit un peu.

Comme le Duc de Bragance avançait maintenant sans tanguer ni rouler dans les eaux tranquilles du port, en désignant le ponton du débarcadère noir de monde, Odette dit en un petit soupir à son cousin:

– Presque tous nos compagnons de voyage ont un parent ou un ami venu au-devant d'eux; nous, personne ne nous attend!

Le jeune homme lui adressa un regard d'affectueux reproche:

– Tu serais plus seule encore, chérie, si je ne m'étais embarqué sur le Duc de Bragance à ta suite.

– Ca, c'est vrai, déclara-t-elle, et je t'en sais gré, va, Robert, plus que tu ne le crois. Et, au fait, je n'y pensais pas: les Ténave sont peut-être là, ces parents des Merkar qui doivent m'hospitaliser, puis me mettre dans le train de aris comme un vulgaire colis.

– Oh! c'est vrai, fit Samozane avec un peu de dépit, il va falloir que je t'abandonne à ces étrangers.

– Pas du tout; tu vas venir avec moi, j'espère bien, d'autant plus que tu me seras très utile: songe que je ne les ai jamais vus et qu'ils vont m'intimider.

Soudain, elle s'exclama:

– Robert! on dirait tante Bertrande. Vois… je crois me tromper, car elle ne peut être ici. Qu'y ferait-elle?

– Mais si, c'est parfaitement elle, répliqua Robert. Ce qu'elle vient faire? Eh! mon Dieu! ce que font tous ces gens: elle a envie d'embrasser la première ceux qu'elle aime.

On était arrivé, Odette passa devant son cousin, renversa un chien, bouscula un douanier et se jeta dans les bras de tante Bertrande en criant:

– Ah! tante, que c'est bon à vous d'être venue! Comment va tout le monde?

Sous le flux des baisers, la vieille dame pouvait à peine répondre; enfin, elle annonça que toute la smala se portait bien, même l'oncle Valère, et elle parut peu surprise de trouver là Robert.

– Nous savions que tu nous revenais, dit-elle paisiblement, et nous pensions bien, mon garçon, que tu prendrais le même bateau qu'Odette.

Celle-ci ouvrit de grands yeux étonnés:

– Mais alors, pauvre tante, pourquoi vous êtes-vous donné la peine et la fatigue de venir de Paris à Marseille, au-devant de moi, puisque vous me croyiez sous l'égide de votre neveu?

Robert sourit simplement, mais la tante s'exclama, presque scandalisée:

– Eh! ma fille, était-il convenable de te laisser voyager avec ton cousin comme unique chaperon?

Odette allait répliquer, quand elle regarda Robert; alors elle comprit que tante Bertrande parlait d'or et elle referma la bouche sans rien dire.

Les Ténave étaient là, comme l'avait prévu Mlle d'Héristel, et à sa véhémence autant que d'après le portrait qu'on leur avait fait d'elle, ils devinèrent Odette.

On lia connaissance de part et d'autre, on se fit mille politesses, et force fut au voyageur comme aux deux voyageuses d'accepter l'invitation de ces nouveaux amis.

Enfin, après une nuit qui parut délicieuse à la pupille de Robert, passée sur "la terre ferme d'un lit d'hôtel", le trio très joyeux monta en wagon pour se diriger vers… la rue Spontini.

Janrlar va teglar

Yosh cheklamasi:
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31 iyul 2017
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