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Kitobni o'qish: «Un tuteur embarrassé», sahifa 5

Shrift:

XVIII

"J'ai commis, il y a vingt-quatre heures, la plus vilaine action de ma vie, qui est déjà bien trop longue, puisque je suis si malheureuse.

Oui, je voudrais être morte, mais cette fois, morte pour de bon, et non bêtement à moitié ainsi qu'il y a un an bientôt.

Comment ai-je pu être si cruelle, si stupide en même temps, pour dire à Robert ce que j'ai osé lui dire?

Le diable était en moi, qui parlait par ma bouche, certainement, car Odette d'Héristel insinuer à Robert Samozane qu'il aime l'argent jusqu'à la bassesse, c'est le fait d'une folle ou d'un démon.

Je crois que je suis les deux, en vérité!

Pauvre Robert! Il n'en revenait pas, lui, et me regardait avec des yeux à la fois si tristes et si ahuris, que j'en ai eu le coeur transpercé, que j'aurais voulu me couper la langue pour le punir.

J'ai bien essayé de réparer ma sottise, de me rattraper; mais… ah! bien oui!.. Mes vilaines paroles n'étaient pas tombées dans l'oreille d'un sourd, et Robert a l'ouïe aussi sensible que l'âme.

Mon Dieu! et moi qui, depuis longtemps, lui avais fait en secret l'offrande pure et entière de mon coeur d'enfant, quelle contenance garder en face de cet ami si cher, que j'ai gravement blessé? Que faire, désormais?

Il ne peut jamais se départir de cette courtoisie raffinée qui lui est naturelle, qui lui donne tant de séduction et dont il use envers toutes les femmes, à commencer par sa mère, sa tante, ses soeurs, moi. Mais je sens bien que, sous cette politesse, se cache, à mon égard, un profond dédain, peut-être un complet détachement.

Je ne lui en veux pas; c'est son droit, tout autre penserait comme lui, à sa place; mais que cela m'est dur!

Et, maintenant, me voilà malheureuse pour le restant de mes jours, comme dit Euphranie.

Je l'ai mérité, je ne murmure pas. En somme, tout cela vient de la ridicule crise léthargique où j'ai laissé, je crois, le peu de bon sens que je possédais.

Adieu, mes belles années d'insouciance et de gaieté, années inoubliables dont je n'ai pas assez remercié Dieu!

Je sens en moi un petit coeur jaloux, exclusif, auquel il ne fait pas bon toucher et qui se rebiffe au moindre choc.

Mais, Robert l'a-t-il jamais heurté? Je dois confesser que non.

C'est moi qui, sottement, après mon accident, par des lambeaux de réflexions récoltées çà et là, me suis forgé des chimères; ensuite est venue cette ennuyeuse Antoinette Dapremont que le ciel confonde! J'ai été jalouse d'elle; je lui ai envié ses talents, sa sagesse; je trépignais de voir Robert prendre plaisir à ses causeries…

Et voilà le résultat; belle vengeance, en vérité, qui me retombe dessus et m'écrase douloureusement.

Ce qui m'est le plus pénible, c'est le sentiment d'avoir peiné un être bon, loyal, désintéressé, qui ne l'a jamais mérité.

Ah! comme on est cruellement punie parfois pour avoir parlé plus vite qu'on ne voulait!"

XIX

A quelques jours de là, Robert Samozane, qui avait eu de fréquents entretiens avec son père et sa mère, se mit à faire allusion à un départ prochain et à une absence sans doute prolongée.

– Où vas-tu donc, Bob? demanda Jeanne surprise. Nous devances-tu à Paris? En ce cas, la séparation ne sera pas de longue durée: nous voici en octobre.

Sans regarder Odette qui, un peu pâle, jouait avec ses bagues, Robert poursuivit:

– Mes soeurettes, je n'ai plus de secret à garder avec vous, et je vous annonce que je pars… pour Marseille…

– Ce n'est pas tellement loin! murmura Blanche, et l'on en revient vite.

– Non, ce n'est pas loin, aussi ne ferai-je que passer dans cette ville; je m'embarquerai le jour suivant…

– Pour un voyage au long cours, fit Guillaume, au courant de la nouvelle depuis peu, et essayant de plaisanter quoiqu'il n'en eût guère envie.

– Hélas! soupira Mme Samozane en baissant les yeux pour dissimuler les larmes qui y montaient.

– Voyons, pas d'erreur, reprit Robert très grave; il ne s'agit point d'un voyage au long cours, comme l'insinue ce fou de Guy; la Société de Géographie envoie une mission… utile au Soudan; j'ai demandé à en faire partie; vous le savez tous, j'ai mes brevets d'ingénieur et si, jusqu'à présent, je ne m'en suis guère servi, tournant mes aptitudes d'un autre côté, je compte bien maintenant me féliciter de les avoir acquis. Nous ne perdrons pas notre temps là-bas, je l'espère.

– Non, mais vous pouvez y perdre votre santé, murmura la pauvre mère, navrée.

– Je suis robuste, protesta Robert en souriant.

Plus bas, il ajouta:

"Et qu'importe la vie, une fois qu'on en a fait le sacrifice!"

– Mais, quand reviendras-tu? demanda Jeanne, angoissée elle aussi.

– Le sais-je? Dans deux ans, trois ans au plus… Aujourd'hui, les voyages se font si rapidement.

– Tu appelles cela rapidement! fit Blanche.

Seule, Odette ne soufflait mot, quoiqu'au fond, elle eût envie de crier de douleur et de remords, car elle pensait:

"Bien sûr, c'est moi qui le fais partir. Il ne peut se souffrir dans un lieu où il rencontre à chaque instant une créature horriblement méchante qui l'a calomnié et blessé à vif.

Décidément, il y a sur moi quelque chose de fatal, de maudit, qui fait que je suscite du mal à ceux que j'aime le plus; et tout cela retombe sur moi ensuite. Ce n'est que justice."

Le lendemain seulement, rencontrant comme par hasard son cousin qu'elle savait au salon, Mlle d'Héristel s'approcha de lui et dit d'un petit ton contrit et désolé:

– Robert, est-ce que c'est… est-ce ce que c'est à cause de moi que tu t'en vas?

Il sourit, d'un sourire à la fois amer et ironique, et répondit:

– Quelle idée, Odette! Et pourquoi cela serait-il?

– Mon Dieu! tu te rappelles… l'autre matin… quand j'étais… sur l'herbe… à quatre pattes, comme le cheval, je t'ai dit des choses désagréables…

– Vraiment? Je ne m'en souviens pas, fit Robert d'un air de suprême indifférence, en continuant à feuilleter une revue scientifique étalée sur la table.

Cette froideur voulue produisit plus d'effet sur la coupable que ne l'eussent fait les reproches les plus douloureux.

Elle fondit en larmes.

– Robert, qu'est-ce que je t'ai fait?.. Ah! oui, je sais bien… des tas de sottises, de méchancetés; et tu m'en veux, au fond.

Mais tu ne te doutes pas… tu ignores…

Ici l'aveu ne pouvant venir, elle cria à travers de gros sanglots qui lui soulevaient la poitrine:

– Je suis bien malheureuse, va!

En voyant cette désolation sincère, ce repentir, cette confiance, il fut pris de l'envie folle d'attirer dans ses bras la petite créature si séduisante et si terrible à la fois, qui lui demeurait chère envers et contre tout; il eut le désir de la consoler comme lorsqu'elle était petite et qu'elle souffrait; de la bercer et de l'abriter sur sa poitrine, pour la défendre de tout mal.

– Ne pars pas, Robert, murmurait-elle toujours pleurante. Pense donc, si tu mourais là-bas, loin de nous! Si c'est pour gagner de l'argent que tu veux entreprendre cet affreux voyage, ne t'en inquiète pas: je te donnerai tout le mien.

Pauvre chérie! elle parlait de donner son argent, et elle n'en avait plus!

Il se contint pour ne pas l'embrasser. Mais non, pourquoi s'attendrir?

Ne fallait-il pas quelle souffrît un peu, qu'elle pleurât parfois, cette jeune insoumise à qui tout souriait trop dans la vie?

Elle cachait sa figure menue dans ses mains qui tremblaient, puis la relevant:

– Alors, c'est à moi de te laisser la place, Robert; à moi de te rendre à tes parents, à ta vie de famille; à moi de partir, enfin.

– Et tu irais où, pauvre petite?

Elle demeura interdite une minute, puis soudain:

– Je travaillerai! Je serai institutrice.

– Non, petite, abandonne cette idée. Ecoute-moi plutôt. Essaie de travailler, de devenir instruite et posée. Ne perds pas pour cela ta belle gaieté…

– Ah! oui, parles-en, de ma gaieté, mon pauvre ami!

– Si. Tu dois être rieuse et sereine, d'abord parce que tu es à l'âge où l'on rit, ensuite parce que…

– Parce que? répéta Odette attentive et voyant qu'il s'arrêtait.

Un peu ému, il poursuivit:

– Si je venais à mourir, là-bas…

– Oh! fit-elle en un mouvement d'angoisse.

– Mettons les choses au pire, il est plus sage de tout prévoir, enfant. Donc, si je venais à mourir, je te demande, Odette, d'être la consolation et la joie de mes parents.

– Comment pourrais-je être joyeuse, en ce cas, Robert?

– Tu l'essaieras; et d'ailleurs, c'est dans ta nature. Allons, je puis compter sur toi.

Alors, Odette d'Héristel comprit que la vie est parfois réellement triste.

XX

On était de retour à Paris.

Rue Spontini, la vie avait repris son cours paisible; mais si Mlle d'Héristel n'avait été si absorbée par son propre chagrin, elle aurait constaté avec étonnement que cette vie subissait des changements.

Ainsi, on ne gardait qu'une seule domestique en dehors d'Euphranie, servante inséparable d'Odette.

On prenait souvent l'omnibus, presque plus de voitures et l'on allait beaucoup à pied.

Les repas étaient tout aussi abondants, mais moins délicats que par le passé.

On n'avait pas renouvelé la garde-robe des demoiselles Samozane.

M. Samozane fumait de moins bons cigares; ces dames usaient leurs vieux vêtements.

Gui n'achetait plus de romans pour, le dimanche, se reposer des labeurs de la semaine; il n'allait plus aux courses ni au théâtre.

Mais, Odette ne s'apercevait de rien, ou, si parfois un changement la frappait, elle pensait, indifférente:

– Je conçois qu'on ne s'amuse pas en l'absence de Robert.

Il fallut une malencontreuse "distraction" de Gui pour ouvrir ces jolis yeux si bien fermés par l'ingénieuse bonté du jeune tuteur.

Un jour, Gui rentra… très gai, d'un lunch offert à l'issue d'un mariage où il avait quêté.

Il avait le champagne expansif.

– Ce n'est pas que j'en ai abusé, disait-il à Odette qu'il prenait pour confidente, l'ayant trouvée pensive, à la salle à manger, devant une carte d'Afrique étalée toute grande sur la table.

Ma foi! non, je n'ai pas bu plus de trois cigarettes et pas fumé plus de cinq coupes… Non, je veux dire tout le contraire. Mais tu me comprends, toi, cousinette.

– Oui, oui, c'est bon, va-t'en! fit Mlle d'Héristel impatientée, quoiqu'elle eût envie de rire, au fond.

– Oh! mais, à propos, poursuivit le jeune fou, comme illuminé par un soudain souvenir, j'ai vu un de tes prétendants, chez les Mivières.

– Je n'ai pas encore eu de prétendants, tu rêves, mon pauvre Guimauve; je suis trop jeune et pas assez aimable.

– Je te dis, moi, que Pierre Harvelet pensait à toi, l'hiver passé.

– Oh! si peu!

– Mais ne le regrette pas, va, il n'en vaut pas la peine; ce n'est pas un chic type.

– Pourquoi? demanda Odette, amusée malgré elle.

– Voyons, un garçon qui disait, il y a une heure: "La petite d'Héristel me plairait encore, mais, je n'ai pas assez d'argent pour épouser une fille sans dot."

– Et c'est de moi qu'il parlait? fit Odette incrédule, en souriant.

– Bien sûr, en toutes lettres. Quand je te dis qu'il n'en vaut pas la peine!

– Il me croit donc sans fortune?

– Dame! tu n'ignores pas que tout se sait, et que les choses se colportent avec une facilité!.. Non, c'est à croire que les gens n'ont qu'à bavarder, en ce monde.

Bref, tu penses bien que l'histoire de ton procès perdu a vite fait le tour de notre petit cercle.

– Mon procès perdu?.. répéta Mlle d'Héristel en ouvrant de grands yeux.

– S'il n'y avait que le procès encore, tant pis pour l'avocat! Mais tes pauvres sept cent mille francs rasés, envolés, fichus, pour parler le beau langage du siècle.

– Mais, qu'est-ce que tu racontes donc? s'écria Odette un peu pâle, se sachant si elle devait ajouter foi aux divagations de son cousin.

Avec un peu d'adresse, celui-ci eût encore pu reprendre pied; mais, pour cela, son cerveau était trop embrouillé par le champagne, et, au contraire, il mit plus avant dans le plat ses respectables semelles.

– Oui, Robert nous avait recommandé à tous un silence absolu à ton égard sur ce désastre.

On devait attendre son retour pour t'apprendre délicatement que tu es pauvre. Mais à quoi bon. Il vaut mieux que tu sois prévenue.

Il croisa les jambes, prit une mine grave, et ajouta:

– N'empêche que j'ai fait une gaffe. Vois-tu, c'est le Roederer qui en est cause.

Sois gentille, Nénette, et pour ne pas m'attirer de désagréments, ne dis rien, n'est-ce pas? tu feras l'ingénue jusqu'au jour où…

– Mais non, moi je veux savoir! cria Mlle d'Héristel qui était toute blanche, mais qui doutait encore. Explique-toi, Gui.

Le jeune homme passa la main dans ses cheveux d'un air de fatigue.

– M'expliquer?.. Ah! pauvre petite! Ce sera dur! Je sens que je ne suis pas éloquent, aujourd'hui.

Odette qui n'avait pas la moindre envie de rire, s'élança vers son cousin et, lui pressant énergiquement le bras, comme pour le ramener à la saine raison:

– Gui, parle! Voyons, est-ce vrai ce que tu m'as appris?

Il prit une attitude tragique:

– Je ne mens jamais, fit-il en étendant une main large et maigre, aux ongles nets et très longs. Comme Mucius Scaevola, je me laisserais griller vif, plutôt que d'altérer la vérité; et lors même que je parviendrais à la maturité de Mathusalem (ce qui ne m'ennuierait pas si je restais bien conservé), mes lèvres ignoreraient le mensonge.

– Laissons là l'histoire ancienne, veux-tu?

– Si je le veux? J'ai fini mes études et, sans avoir positivement surmené mon cerveau, je désirerais le laisser reposer.

– Je te demande simplement si tu ne plaisantais pas en disant que je suis ruinée?

– Va t'informer auprès de ma tante, ou de papa, qui est redevenu ton retuteur… Ou plutôt, non, ne leur demande rien: ils me gronderaient d'avoir été indiscret.

Puis, un peu dégrisé, étonné de l'expression désespérée qui flottait sur le petit visage de sa cousine:

– Non, vrai, Nénette, ça t'ennuie tant que ça, cette perte d'argent?

Je te croyais plus désintéressée.

Elle éclata.

– Tu ne comprends donc rien, Gui?.. Ce n'est pas d'être pauvre qui me navre.

Mais, est-ce que le… l'accident était arrivé avant… avant… Enfin, avant le jour où je suis allée me promener avec Robert?..

Gui enfonça ses deux mains dans son épaisse chevelure.

– Ca, tu sais… c'est assez difficile… Tu t'es promenée si souvent…

– Enfin, y a-t-il trois mois?

– Il y a trois mois, j'en suis absolument certain, puisque…

– Bien, cela me suffit. Mon Dieu! Mon Dieu! Et moi qui lui ai dit…

– Oh! je te pardonne, tu sais; entre nous, ça ne tire pas à conséquence, fit Gui croyant qu'il était en jeu.

Elle faillit trépigner.

– Est-ce que je parle de toi, voyons? Est-ce que je pense à toi seulement?

– Merci, tu me combles.

– Ce pauvre Robert que, méchamment, j'ai accusé en face, de chasser à la dot… juste à l'heure où, me voyant dépouillée de mon argent, il s'ingéniait à me cacher le malheur, à me laisser ignorer que je devais à lui et aux siens jusqu'au pain que je mange!

– Oh! ne parle pas de ça, Nénette, fit Gui qui n'avait entendu que la fin de cette phrase; d'abord, tu en manges si peu, de pain! et ensuite tu n'es pas réduite à la mendicité, sapristi! tu possèdes le bien de ta mère.

– Une somme infime que je dépense et au-delà en colifichets, à satisfaire de stupides fantaisies. Non, quand j'y pense!..

Elle était blême, sa respiration s'arrêtait dans sa gorge; elle fit signe au jeune homme d'ouvrir la fenêtre.

Il obéit mollement, en murmurant:

– Tu es verte, cousinette. Est-ce que tu te trouves mal? Ah! non, je t'en prie, ne remeurs pas; une fois passe encore, mais deux, c'est ennuyeux; et puis, je ne me sens pas la force de te ramasser, je suis un vrai poulet pour le moment.

Mais la petite nature énergique d'Odette d'Héristel reprit vite le dessus; elle laissa là son bavard de cousin et, les jambes encore flageolantes, elle gagna sa chambre, se jeta su son lit et pleura pendant deux heures consécutives, transperçant de ses larmes plusieurs mouchoirs et son oreiller.

Pendant ce temps, sérieux comme la statue de Napoléon aux Invalides, Gui allait trouver sa mère.

– Maman, dit-il humblement, je viens de faire une jolie gaffe.

– Parle comme il faut, si tu veux que je te comprenne, répondit Mme Samozane sans quitter des yeux son ouvrage.

– C'est que, mère, les mots "four, bévue, impair" ne me semblent pas assez forts pour qualifier ma bêtise.

– Grand Dieu! qu'as-tu bien pu faire? s'exclama la pauvre femme qui, cette fois, leva les yeux et, d'ahurissement, laissa tomber son aiguille.

Indolemment, Gui se mit à quatre pattes pour la chercher.

– Qu'est-ce que cette tenue? demanda la mère, quand il eut repris à peu près sa position normale.

– Cette tenue, c'est celle d'un jeune homme chic qui a quêté à un mariage…

– Et bu un peu trop de champagne au lunch.

– Peut-être, maman, mais il fallait bien porter des toasts à la santé des nouveaux mariés.

– Soit. Dis-moi, maintenant, quelle sottise tu as commise?

– J'ai trahi un secret de famille.

– Nous n'avons rien de caché; notre vie est au grand jour.

– Auprès d'Odette, poursuivit Gui, d'une voix creuse. Je lui ai dit qu'à présent qu'elle a perdu son procès et son bien, les messieurs ne la trouveront pas si gentille.

– Tu pouvais t'en dispenser.

– Eh! Je le sais bien, j'ai assez fait mon meâ culpâ, mère.

– Et Robert qui avait tant recommandé de nous taire jusqu'à son retour! dit seulement Mme Samozane en reprenant son dé.

Enfin, ce qui est fait est fait; mais tu es un fameux bavard, mon pauvre garçon.

– Je n'avais pas très bien ma tête à moi.

– Tu n'as pas besoin de me le dire. Et, maintenant, je t'engage à aller te reposer.

– Je ne fais que ça depuis que je suis rentré. Alors, mère, vous ne m'en voulez pas de trop de ma balourdise, puisque le mot gaffe vous agace?

– Ah! tu veux dire?.. Mon Dieu! il n'y a que demi-mal, répliqua la mère après avoir cassé son fil avec ses dents.

Au fond, je n'étais pas de l'avis de Robert; je ne suis pas absolument fâchée que la petite sache un peu que la vie ne lui réserve pas seulement des roses.

A propos, qu'a-t-elle dit?

– Qui ça? demanda le jeune homme en étouffant un bâillement.

– Mais Odette; voyons, où as-tu la tête?

– Au-dessus de mon cou, mère chérie. Ah! oui, Odette, elle est devenue bleue, noire, jaune, verte, et a crié je ne sais plus quoi. Elle paraît très navrée; j'ai cru, un moment, qu'elle allait tourner de l'oeil.

– Gui, voilà que tu parles encore argot!

– C'est pour ne pas oublier le seul idiome que mon professeur ne m'ait pas enseigné. Bah! elle se consolera. Nénette d'Héristel, fille pauvre désormais et destinée, quoique jolie, à coiffer Sainte-Catherine. N'est-ce pas, maman, elle est jolie?

– Qui cela?

– Sainte-Cath… je veux dire, ma cousine Nénette.

– Oui, mais il y a mieux.

– Mieux, bien sûr, sous le rapport de la régularité des traits; et elle n'aura jamais cinq pieds trois pouces, la chérie; mais, je ne connais personne pour rivaliser avec elle du côté charme, grâce espiègle, finesse…

– Voilà que tu deviens lyrique, fit Mme Samozane, sans pouvoir s'empêcher de rire. Ne lui dis pas cela, au moins.

– A Nénette, pas de danger, mère. Vous savez bien que nous sommes tout le temps à nous disputer. Et puis, pour l'instant, les compliments ne tomberaient pas à pic; elle doit être affreuse, la pauvrette.

– Quel tour lui as-tu joué encore?

– Aucun, à part ce que vous savez. Mais elle est en train de pleurer comme une vigne; elle doit avoir les yeux cramoisis, le nez rouge et les joues luisantes.

– Vraiment? En ce cas, il faut que j'aille à elle, dit vivement Mme Samozane qui abandonna son siège et son ouvrage, et se dirigea vers l'appartement de sa nièce.

Elle trouva Odette à peu près dans l'état pittoresque dépeint par Gui, et attirant la jeune fille dans ses bras:

– Eh bien! chérie, cela nous fait donc tant de peine de nous savoir appauvrie?

Impétueusement, Odette embrassa l'excellente femme:

– Ah! tante, non, ce n'est pas surtout cela, car au fond, plaie d'argent n'est pas mortelle, mais depuis ma ruine, puisque ruine il y a, je vis à vos dépens.

– Qu'est-ce que cela, mignonne? Tu ne songes pas qu'auparavant, nous jouissions de ton bien-être; donc, la réciproque est juste.

– Tante, je veux, maintenant, devenir très raisonnable…

– Tu l'es déjà… depuis peu, il est vrai, mais enfin cela t'est venu.

– Je ne veux pas dire seulement raisonnable sous le rapport de la dépense, mais, je travaillerai.

Longtemps, elles restèrent ensemble, l'une consolant l'autre; mais Odette ne livra pas à sa tante le secret de son coeur.

Janrlar va teglar

Yosh cheklamasi:
12+
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31 iyul 2017
Hajm:
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Ushbu kitob bilan o'qiladi