Kitobni o'qish: «La Queue Entre les Jambes»
L A Q U E U E E N T R E L E S J A M B E S
(UNE ENQUETE de RILEY PAIGE—TOME 3)
B L A K E P I E R C E
Blake Pierce
Blake Pierce est l’auteur de la populaire série de thrillers RILEY PAIGE : SANS LAISSER DE TRACES (tome 1), REACTION EN CHAINE (tome 2) et LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (tome 3). Elle écrit également la série de thrillers MACKENZIE WHITE.
Fan depuis toujours de polars et de thrillers, Blake adore recevoir de vos nouvelles. N'hésitez pas à visiter son site web www.blakepierceauthor.com pour en savoir plus et rester en contact !
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DU MÊME AUTEUR
LES ENQUÊTES DE RILEY PAIGE
SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)
REACTION EN CHAINE (Tome 2)
LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)
LES ENQUÊTES DE MACKENZIE WHITE
AVANT QU'IL NE TUE (Tome 1)
TABLE DES MATIÈRES
PROLOGUE
CHAPITRE UN
CHAPITRE DEUX
CHAPITRE TROIS
CHAPITRE QUATRE
CHAPITRE CINQ
CHAPITRE SIX
CHAPITRE SEPT
CHAPITRE HUIT
CHAPITRE NEUF
CHAPITRE DIX
CHAPITRE ONZE
CHAPITRE DOUZE
CHAPITRE TREIZE
CHAPITRE QUATORZE
CHAPITRE QUINZE
CHAPITRE SEIZE
CHAPITRE DIX-SEPT
CHAPITRE DIX-HUIT
CHAPITRE DIX-NEUF
CHAPITRE VINGT
CHAPITRE VINGT-ET-UN
CHAPITRE VINGT-DEUX
CHAPITRE VINGT-TROIS
CHAPITRE VINGT-QUATRE
CHAPITRE VINGT-CINQ
CHAPITRE VINGT-SIX
CHAPITRE VINGT-SEPT
CHAPITRE VINGT-HUIT
CHAPITRE VINGT-NEUF
CHAPITRE TRENTE
CHAPITRE TRENTE ET UN
CHAPITRE TRENTE-DEUX
CHAPITRE TRENTE-TROIS
CHAPITRE TRENTE-QUATRE
CHAPITRE TRENTE-CINQ
CHAPITRE TRENTE-SIX
CHAPITRE TRENTE-SEPT
CHAPITRE TRENTE-HUIT
CHAPITRE TRENTE-NEUF
CHAPITRE QUARANTE
CHAPITRE QUARANTE ET UN
Prologue
Janine crut apercevoir une tache sombre dans l’eau. C’était grand et noir, et ça se balançait au rythme des vaguelettes.
Elle tira sur la pipe à cannabis, avant de la tendre à son copain. Et si c’était un très gros poisson ? Ou une autre bête ?
Janine secoua la tête, comme pour faire taire son imagination. Elle avait envie de se détendre. Pas la peine de flipper. Le lac Nimbo était un réservoir artificiel de poissons destinés à la pêche, comme il en existait en Arizona. S’il y avait un monstre du Loch Ness là-dedans, ça se saurait.
Colby lança :
— Oh putain, le lac est en feu !
Janine se tourna vers son copain. La lumière de fin d’après-midi mettait en valeur ses taches de rousseur et ses cheveux roux. Il venait de tirer sur la pipe et regardait maintenant le lac avec une expression d’émerveillement stupide.
Janine gloussa :
— T’es défoncé, mon pote, dit-elle.
— Oui, mais regarde le lac !
Janine se tourna vers le lac Nimbo. Elle n’était pas encore complètement défoncée, mais il était certain que la vue était splendide. Le soleil de fin d’après-midi enflammait le canyon d’or et de rouge. Les eaux reflétaient le spectacle comme un miroir.
En espagnol, « nimbo » signifiait « nimbe ». Ce nom convenait très bien au lac.
Elle reprit la pipe des mains de Colby et tira longuement dessus. La fumée laissa une traînée brûlante dans sa gorge. Elle était tout près de la défonce. Trop bien…
D’accord, mais c’était quoi, cette tache noire dans l’eau ?
Rien. Juste une illusion d’optique, se dit-elle.
Mieux valait ne pas y penser. Tout était tellement parfait. C’était leur endroit préféré, à elle et à Colby. C’était magnifique, douillet et intime, loin des campings, loin de tout et de tout le monde.
Ils venaient en général le week-end mais, aujourd’hui, ils avaient séché l’école. Il faisait trop beau pour s’enfermer dans une classe. La voiture de Colby était garée sur la route de terre, derrière eux.
Un vertige lui monta à la tête – le début d’une défonce royale. Soudain, le lac lui parut trop lumineux et trop superbe à regarder. Elle se tourna vers Colby. Il était beau, lui aussi. Elle le saisit par le col et l’embrassa. Il avait bon goût. Tout était merveilleux, chez lui.
Elle le repoussa doucement et le regarda dans les yeux, le souffle court.
— « Nimbo », ça veut dire « nimbe », tu le savais ?
— Ouah, dit-il. Ouah…
On aurait dit qu’il n’avait jamais rien entendu d’aussi fantastique. C’était marrant, comme si on lui avait parlé de Dieu. Janine se mit à rire et Colby l’imita. Quelques secondes plus tard, ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre.
Janine se dégagea.
— Qu’est-ce que t’as ? demanda Colby.
— Rien.
Elle retira son dos nu. Les yeux de Colby s’écarquillèrent.
— Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-il.
— Qu’est-ce que tu crois que je fais ?
Elle remonta le T-shirt de Colby sous ses aisselles.
— Attend, souffla-t-il. Ici ?
— Pourquoi pas ? C’est mieux qu’à l’arrière de ta caisse. Personne regarde.
— Mais un bateau…
Janine éclata de rire.
— Et s’il y a un bateau qui passe, et alors ?
Colby coopéra : il l’aida à retirer son T-shirt. L’excitation les rendait tous deux fébriles et maladroits. Janine n’arrivait pas à croire qu’ils n’avaient jamais fait ça avant. Après tout, ce n’était pas la première fois qu’ils venaient fumer ici.
Cependant, cette tache dans l’eau… Janine n’arrivait pas à la chasser de sa mémoire. C’était bien quelque chose et il fallait qu’elle sache quoi, sinon ça lui gâcherait tout son plaisir.
Le souffle court, elle se leva.
— Viens, dit-elle. Je veux vérifier un truc.
— Quoi ?
— Je sais pas. Viens.
Elle prit la main de Colby et tous deux dévalèrent en trottinant la pente douce jusqu’au rivage. La défonce de Janine se changeait en bad trip. Elle le sentait. Elle détestait quand ça arrivait. Plus vite ils régleraient cette histoire, mieux ça irait.
Tout de même, elle aurait préféré avoir les idées claires.
A chacun de ses pas, la tache noire se précisait. C’était du plastique noir. Il y avait une forme blanche et longue à côté.
Janine finit par comprendre que c’était un sac poubelle. Il était ouvert et la forme d’une main étrangement pâle se laissait entrevoir par l’ouverture.
Un mannequin, peut-être, pensa Janine.
Elle se pencha pour y voir plus clair. La peau blafarde et le vernis rouge sur les ongles offraient un contraste sinistre. Un éclair de compréhension traversa le corps de Janine avec la même force qu’un choc électrique.
C’était une vraie main. La main d’une femme. Le sac poubelle contenait un cadavre.
Janine se mit à hurler. Elle entendit Colby crier aussi.
Elle sut qu’elle serait incapable de se calmer pendant de très longues minutes.
Chapitre un
Riley savait que les diapositives qu’elle s’apprêtait à montrer aux étudiants du FBI les choqueraient. Certains d’entre eux seraient peut-être même incapables d’en supporter davantage. Elle balaya du regard les jeunes gens qui la fixaient d’un air intéressé, derrière les pupitres disposés en demi-cercle.
Voyons voir comment ça se passe, pensa-t-elle. Cela pourra leur servir.
Bien sûr, Riley savait que les meurtres en série étaient relativement rares, comparés aux autres délits. Cependant, les étudiants devaient tout apprendre. Ils voulaient travailler sur le terrain et ils sauraient bien assez tôt que la police avait peu d’expérience et de connaissance dans ce domaine. L’agent spécial Riley Paige était, elle, une experte.
Elle appuya sur le bouton de la télécommande. La première image n’avait rien de violent. Elle montrait cinq portraits de femmes au fusain, de la plus jeune à la plus âgée. Tous les modèles étaient beaux et souriants. Les dessins avaient été exécutés avec beaucoup de talent.
Riley expliqua :
— Ces cinq portraits ont été réalisés il y a huit ans par un artiste du nom de Derrick Caldwell. Chaque été, il dessinait les touristes sur la promenade de Dunes Beach, ici même, en Virginie. Ces femmes font partie de ses derniers clients.
Riley appuya sur le bouton pour faire apparaître l’image sinistre d’un congélateur rempli de membres humains. Elle entendit ses étudiants pousser des hoquets de surprise et d’horreur.
— Voilà ce qu’elles sont devenues, dit Riley. Alors qu’il était en train de les dessiner, Derrick Caldwell s’est convaincu, et je le cite, qu’elles étaient trop belles pour vivre. Il les a suivies une par une, tuées, démembrées et stockées dans son congélateur.
Riley appuya sur le bouton. La nouvelle série de photographies était encore plus choquante : les clichés avaient été pris dans le laboratoire, pendant que l’équipe médicale essayait d’assembler les corps.
— Caldwell avait mélangé les différentes parties pour déshumaniser ses victimes et les rendre méconnaissables.
Riley se tourna vers sa classe. Un étudiant se précipita vers la sortie en se tenant le ventre. D’autres avaient l’air d’avoir envie d’en faire autant. Quelques uns pleuraient. Seule une poignée demeura imperturbable.
Paradoxalement, Riley sentit que les étudiants les plus stoïques seraient les moins préparés au travail sur le terrain. A leurs yeux, ce n’étaient que des images. Ce n’était pas réel. Quand ils seraient les témoins directs de l’horreur, ils auraient dû mal à le supporter. Le stress post-traumatique les affecterait d’autant plus. Parfois, une flamme sortie d’un chalumeau au propane dansait encore dans la mémoire de Riley, mais elle allait mieux. Elle avait appris qu’il fallait toucher le fond pour apprendre à guérir.
— Et maintenant, dit Riley, je vais vous donner une série de phrases toutes faites sur les tueurs en série. Vous allez me dire si elles relèvent du mythe ou de la réalité. La première : la plupart des tueurs en série sévissent pour des raisons sexuelles. Mythe ou réalité ?
Des mains se levèrent. Riley pointa du doigt un étudiant qui semblait avoir très envie de répondre.
— Réalité ?
— Oui, en effet, c’est une réalité, dit Riley. Un tueur en série peut avoir d’autres raisons, mais ce facteur intervient fréquemment. L’élément sexuel peut prendre des formes étranges. Derrick Caldwell est un bon exemple. Le médecin légiste a déterminé qu’il avait commis des actes de nécrophilie sur les corps de ses victimes avant de les démembrer.
La plupart des étudiants prirent des notes sur leurs ordinateurs. Riley poursuivit :
— Une autre phrase : les tueurs en série deviennent plus violents de meurtre en meurtre.
Des mains se levèrent à nouveau. Cette fois, Riley choisit un étudiant assis au fond.
— Réalité ?
— Mythe, répondit Riley. Il y a quelques exceptions mais, le plus souvent, il n’y a pas d’escalade de la violence. Derrick Caldwell a infligé la même chose à toutes ses victimes. Mais il était imprudent. Il n’avait rien d’un génie du mal. Il en a trop fait : il a capturé ses victimes sur une période très courte d’un mois et demi. En attirant l’attention sur lui, il a rendu sa propre arrestation inévitable.
Elle jeta un coup d’œil à la pendule. Son heure était écoulée.
— C’est tout pour aujourd’hui, dit-elle. Mais il y a bien d’autres mythes qui circulent sur les meurtres en série. La base de données de l’Unité d’Analyse Comportementale est très importante et j’ai moi-même travaillé dans tous le pays. Nous avons encore beaucoup de choses à voir.
Les étudiants s’égaillèrent, mais trois ou quatre s’approchèrent du bureau, où Riley était en train de rassembler ses affaires.
Un jeune homme demanda :
— Agent Paige, vous avez travaillé sur l’affaire Derrick Caldwell ?
— Oui. Ce n’est pas une histoire que je vous raconterai aujourd’hui.
En vérité, elle n’avait pas du tout envie de la raconter, mais elle n’en dit rien.
Une jeune femme enchaîna :
— Caldwell a été exécuté pour ses crimes ?
— Pas encore.
En faisant de son mieux pour ne pas être grossière. Riley contourna ses étudiants et se dirigea vers la sortie. Elle n’avait pas envie de parler de Caldwell et de son exécution imminente. En fait, la date allait être fixée très bientôt. En tant que responsable de son arrestation, elle serait invitée à y assister. Elle n’était pas sûre de vouloir y aller.
Cet après-midi de septembre était superbe. En plus, elle était encore en congé.
Elle souffrait de stress post-traumatique depuis sa captivité aux mains d’un psychopathe. Elle avait fini par s’échapper et tuer son assaillant, mais elle avait ensuite refusé tous les congés que son patron lui avait offerts. Sa dernière affaire l’avait lancée à la poursuite d’un homme qui s’était suicidé sous ses yeux en tranchant sa propre gorge.
Elle y repensait souvent. Quand son superviseur Brent Meredith lui avait proposé une nouvelle affaire, elle avait décliné l’invitation. Elle avait accepté de donner un cours dans l’unité de formation du FBI à la place.
Elle s’assit dans sa voiture et démarra. Oui, elle avait fait le bon choix. Elle avait retrouvé la paix et la tranquillité.
Cependant, pendant qu’elle conduisait, une impression familière fit battre son sang un peu plus vite. Quelque chose allait se produire. Son instinct la trompait rarement.
Elle pouvait s’accrocher à cette vie paisible autant qu’elle le voulait… Elle savait que ça ne durerait pas.
Chapitre deux
Riley sursauta quand son sac vibra. Elle se gara devant l’entrée de sa nouvelle maison et sortit son téléphone portable. Son cœur manqua un battement.
C’était un message de Brent Meredith.
Appelez-moi.
Riley s’inquiéta. Son patron voulait peut-être seulement prendre de ses nouvelles. Il faisait ça souvent. D’un autre côté, il avait peut-être l’intention de lui faire reprendre le travail. Et alors, que ferait-elle ?
Je lui dirai non, bien sûr, se convainquit Riley.
Ce ne serait pas facile. Elle appréciait son patron. En outre, il savait se montrer persuasif. Elle éloigna son téléphone pour ne pas avoir à prendre cette décision tout de suite.
Quand elle ouvrit la porte d’entrée, son inquiétude momentanée disparut. Tout allait si bien depuis qu’elle avait emménagé.
Une voix aimable l’interpella.
— ¿ Quién es ?
— Soy yo, répondit Riley. Je suis rentrée, Gabriela.
La silhouette trapue de sa bonne guatémaltèque apparut dans l’embrasure de la porte de la cuisine. Elle s’essuyait les mains sur un torchon. Il était agréable de revoir le sourire de Gabriela. Elle travaillait pour eux depuis des années, bien avant que Riley ne se sépare de Ryan. Gabriela avait accepté d’emménager avec Riley et sa fille. Riley lui en était reconnaissante.
— Vous avez passé une bonne journée ? demanda Gabriela.
— Oui, une très bonne journée.
— ¡ Qué bueno !
Gabriela disparut à nouveau dans la cuisine en chantant en espagnol. Des odeurs délicieuses embaumaient toute la maison.
Riley balaya le salon du regard. Elle avait emménagé récemment avec sa fille. La maison aux allures de ranch où elles avaient habité après le divorce était trop isolée. En outre, Riley avait ressenti le besoin de changer d’air, pour elle et pour April. Ryan leur versait maintenant une généreuse pension alimentaire. Il était temps de repartir à zéro.
Il restait encore quelques détails à régler. Le mobilier était un peu vieux et semblait peu à sa place dans le salon flambant neuf. L’un des murs était vide et Riley n’avait plus d’images à y suspendre. Peut-être qu’elle pourrait aller faire des emplettes avec April, ce week-end… L’idée lui plut. Elle vivait enfin une vie normale au lieu de courir après les psychopathes.
En parlant d’April… Où était-elle ?
Elle tendit l’oreille. Il n’y avait pas de musique dans la chambre de sa fille. Ce fut alors qu’elle entendit April hurler.
Elle était dans le jardin. Riley traversa à toute allure le salon et fit irruption sur la terrasse. La tête et le torse de sa fille apparurent par-dessus la clôture, avant de disparaître à nouveau. Riley mit quelques secondes avant de comprendre. Elle éclata de rire. Elle avait eu tort de réagir si vivement. Il est vrai qu’elle avait récemment arraché sa fille des mains d’un taré…
April rebondissait en rythme de l’autre côté de la clôture, en poussant des petits cris d’excitation. Elle était en train de sauter sur le trampoline des voisins. Elle avait fait connaissance avec la fille qui habitait là : c’était une adolescente de son âge et elles allaient à la même école.
— Fais attention ! l’interpella Riley.
— Tout va bien, Maman !
Riley éclata de rire. C’était un bruit inhabituel, son rire – l’expression d’une émotion trop longtemps oubliée. Elle allait devoir s’y réhabituer.
Elle voulait également s’habituer à la joie de sa fille. Elle avait eu si souvent affaire à une April renfrognée et boudeuse, même pour une adolescente… Riley ne lui en voulait pas. Après tout, elle n’avait pas été à la hauteur dans son rôle de mère. Elle essayait de se rattraper.
C’était sans doute ce qu’elle préférait dans sa nouvelle vie : sur le terrain, les horaires étaient imprévisibles. Maintenant, l’emploi du temps de Riley coïncidait avec celui de April. Elle redoutait le moment où cela changerait à nouveau.
Profitons-en pendant que ça dure…
Elle tourna les talons, juste au moment où la sonnette retentissait.
— J’y vais, Gabriela.
Elle ouvrit la porte. Un homme souriant, qu’elle n’avait jamais vu, se trouvait sur le perron.
— Bonjour, dit-il un peu timidement. Je m’appelle Blaine Hildreth. J’habite à côté. Votre fille est avec la mienne, Crystal.
Il tendit un paquet à Riley.
— Bienvenue dans le quartier. Je vous ai apporté un petit cadeau pour la pendaison de crémaillère.
— Oh…
Riley n’était pas habituée à recevoir ce genre d’attentions. Elle mit du temps avant de trouver la réponse appropriée :
— Je vous en prie : entrez.
Elle accepta avec embarras le paquet et invita Blaine à s’asseoir dans un fauteuil. Elle s’assit à son tour, en gardant le cadeau sur ses genoux. Blaine Hildreth la dévisagea, comme s’il attendait quelque chose.
— C’est très gentil à vous, dit-elle en déballant le paquet.
Il contenait un service de tasses colorées, avec des papillons et des fleurs.
— Elles sont ravissantes, dit Riley. Je peux vous offrir un café ?
— Merci, avec joie.
Riley appela Gabriela qui passa la tête par l’embrasure de la porte.
— Gabriela, pourriez-vous nous préparer du café ? Servez-le dans ces tasses. Blaine, qu’est-ce que vous voulez ?
— Noir, ça ira.
Gabriela emporta le paquet dans la cuisine.
-Je m’appelle Riley Paige, dit-elle. Merci d’être passé. Et merci pour le cadeau.
— Je vous en prie.
Gabriela leur servit du café chaud, avant de retourner dans la cuisine. Riley se surprit à détailler son voisin du regard… Après tout, elle était maintenant célibataire et elle ne put s’en empêcher. Elle espéra qu’il ne s’en rendrait pas compte.
Oh, de toute façon, il fait peut-être la même chose avec moi…
Elle remarqua d’abord qu’il ne portait pas d’alliance. Veuf ou divorcé.
Ensuite, elle estima qu’il devait avoir son âge, peut-être un peu plus jeune, peut-être à la fin de la trentaine.
Enfin, elle songea qu’il était beau – raisonnablement beau. Son front commençait à se dégarnir, ce qui n’était pas un problème. Il avait l’air en forme et musclé.
— Alors, qu’est-ce que vous faites dans la vie ? demanda Riley.
Blaine haussa les épaules.
— J’ai un restaurant. Vous connaissez Blaine’s Grill ?
Impressionnant ! Blaine’s Grill était l’endroit le plus sympa pour déjeuner à Fredericksburg. Riley avait entendu dire que c’était encore meilleur le soir, mais elle n’avait jamais eu l’occasion d’essayer.
— J’y suis allée, dit-elle.
— Eh bien, il m’appartient. Et vous ?
Riley prit une longue inspiration. Il n’était jamais facile de dire à un étranger ce qu’elle faisait dans la vie. Les hommes, surtout, étaient souvent intimidés.
— Je suis du FBI, dit-elle. Je suis… agent de terrain.
Les yeux de Blaine s’écarquillèrent.
— Ah vraiment ?
— Oui, mais je suis en congé pour le moment. J’enseigne.
Blaine se pencha vers elle, une lueur de respect et d’intérêt dans le regard.
— Je suis sûr que vous avez un tas d’histoires à raconter. Ça m’intéresserait.
Riley étouffa un rire nerveux. Serait-elle capable de raconter à quelqu’un qui ne travaillait pas au FBI certaines des choses dont elle avait été le témoin ? Ce serait encore plus difficile de parler de ce qu’elle avait fait, elle.
— Je ne pense pas, dit-elle d’un ton un peu sec.
Elle vit Blaine se tendre comme un arc. Elle s’était peut-être montrée grossière.
— Excusez-moi, dit-il. Je ne voulais pas vous mettre mal à l’aise.
Ils discutèrent aimablement après cet incident, mais Riley remarqua que son voisin était un peu plus réservé qu’auparavant. Quand il prit congé, Riley le raccompagna, puis elle referma la porte en poussant un soupir sonore. Elle se rendait elle-même inaccessible à ceux qui l’entouraient. La femme qui commençait une nouvelle vie, c’était toujours cette bonne vieille Riley Paige.
Cela n’avait pas d’importance. Elle n’avait pas besoin d’un homme, au contraire. Il fallait qu’elle fasse le tri dans sa vie. Ensuite, elle pourrait avancer.
Mais il avait été agréable de bavarder avec un bel homme et c’était un soulagement d’avoir enfin des voisins. Des voisins plutôt sympathiques.
*
Quand Riley et sa fille se mirent à table pour dîner, April tripotait encore son smartphone.
— S’il te plait, arrête avec les textos. On mange.
— Une seconde, Maman, dit April sans lever le nez.
Le comportement de April, si typique d’une adolescente, n’irritait pas vraiment Riley. Il y avait des bons côtés. Cela voulait dire que April se faisait des amis. D’ailleurs, elle se débrouillait bien à l’école. Elle avait de meilleures fréquentations qu’avant. April devait être en train de communiquer avec un garçon qui lui plaisait. Elle n’en avait pas encore parlé à Riley.
April lâcha son téléphone quand Gabriela servit un plat de chiles rellenos. L’adolescente étouffa un rire malicieux.
— C’est assez picante, Gabriela ? demanda-t-elle.
— Sí, répondit Gabriela en souriant.
C’était une blague qu’elles seules pouvaient comprendre. Ryan détestait les plats trop pimentés. En fait, il ne pouvait tout simplement pas manger de piment. April et Riley, elles, adoraient ça. Gabriela avait reçu l’instruction de ne plus se retenir – du moins, pas autant qu’avant. Riley doutait qu’elle aurait pu supporter une authentique recette guatémaltèque.
En s’asseyant à son tour, Gabriela se tourna vers Riley.
— Le jeune homme est guapo, no ?
Riley s’empourpra.
— Beau ? Je n’ai pas remarqué, Gabriela.
La bonne éclata de rire. Elle remplit son assiette et se mit à manger en chantonnant un petit air. Ce devait être une chanson d’amour. April dévisageait sa mère.
— Quel jeune homme, Maman ?
— Oh, notre voisin est passé…
April l’interrompit avec un enthousiasme non dissimulé.
— Oh là là ! Le papa de Crystal ? C’était lui, hein ? Il est trop beau !
— Et je crois qu’il est célibataire, ajouta Gabriela.
— Oh, arrêtez, vous deux, dit Riley. Laissez-moi vivre. Je n’ai pas besoin que vous me rencardiez avec le voisin.
Elles piochèrent dans le plat de poivron farcis. Le dîner était presque terminé quand Riley sentit son téléphone vibrer dans sa poche.
Merde, pensa-t-elle. Je n’aurais pas dû l’apporter à table.
Elle pourrait très bien ne pas répondre. Depuis qu’elle était rentrée, Brent lui avait envoyé deux messages supplémentaires. Elle s’était répété qu’elle rappellerait plus tard, mais elle ne pouvait plus repousser l’échéance. Elle sortit de table en s’excusant et décrocha.
— Riley, je suis désolé de vous déranger, dit son patron, mais j’ai vraiment besoin de votre aide.
Riley fut surpris d’entendre Meredith l’appeler par son prénom. Cela n’arrivait quasiment jamais. Ils étaient proches, mais toujours professionnels.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Riley.
Meredith ne répondit pas tout de suite. Pourquoi hésitait-il ? Le ventre de Riley fit un nœud. Le moment qu’elle redoutait était arrivé.
— Riley, j’aimerais vous demander une faveur, à titre personnel, dit-il d’une voix moins ferme que d’habitude. On m’a confié une affaire de meurtre à Phoenix.
Riley s’étonna :
— Un seul meurtre ? Pourquoi ça concerne le FBI ?
— J’ai un ami qui travaille dans le bureau de Phoenix. Garrett Holbrook. Nous avons fait notre formation ensemble. C’est sa sœur Nancy qui a été tuée.
— Je suis désolée, dit Riley. Mais la police…
Une note inhabituelle de supplique fit traîner la voix de Meredith :
— Garrett a vraiment besoin de notre aide. C’était une prostituée. Elle a disparu et ils ont retrouvé son corps dans un lac. Il veut qu’on y travaille comme si c’était l’œuvre d’un tueur en série.
C’était une requête bizarre. Les prostituées disparaissaient souvent, sans pour autant avoir été assassinées. Parfois, elles décidaient de changer d’air, tout simplement.
— A-t-il une raison de penser que c’est le cas ?
— Je ne sais pas, répondit Meredith. Peut-être qu’il essaye de s’en convaincre pour nous impliquer. Mais, après tout, c’est vrai : les prostituées sont souvent la cible des tueurs en série.
En effet, leur choix de vie les exposait au danger. Elles se rendaient visibles et accessibles. Elles acceptaient de rester seules avec des inconnues et elles étaient souvent accros à la drogue.
Meredith poursuivit :
— Il m’a appelé personnellement. Je lui ai promis que j’enverrais mes meilleurs agents. Et, bien sûr, vous en faites partie.
Meredith ne lui rendait pas les choses faciles.
— S’il vous plait, essayez de comprendre, Monsieur, dit-elle. Je ne peux pas prendre d’affaire pour le moment.
Ce n’était pas tout à fait honnête. Je ne peux pas ou je ne veux pas ? se demanda-t-elle. Après l’expérience traumatisante qu’elle avait vécue aux mains d’un tueur en série, tout le monde avait insisté pour qu’elle prenne un congé. Elle avait essayé, mais un besoin désespéré de travailler l’avait ramenée sur le terrain. Elle commençait à se demander pourquoi. Elle avait été imprudente. Elle s’était mise en danger plus d’une fois. Elle avait eu du mal à mettre de l’ordre dans sa vie. Quand elle avait enfin tué Peterson, son tourmenteur, elle avait cru laisser tout cela derrière elle, mais il continuait de la hanter, tout comme la manière dont s’était terminée sa dernière affaire.
Au bout d’un moment, elle ajouta :
— J’ai besoin de rester loin du terrain encore un peu. Je suis toujours en congé et j’essaye de redémarrer.
Un long silence suivit ses mots. Meredith n’allait pas insister et il n’allait pas affirmer son autorité, mais il n’était pas satisfait non plus. Il ne relâcherait pas la pression.
Elle l’entendit pousser un soupir au bout du fil.
— Garrett ne voyait plus Nancy depuis des années. Ce qui est arrivé le bouffe de l’intérieur. Il va retenir la leçon. On ne doit pas laisser ceux qu’on aime s’éloigner.
Riley faillit lâcher le téléphone. Meredith venait de toucher une corde sensible. Riley avait perdu le contact avec sa grande sœur des années plus tôt. Elles ne se voyaient plus. En fait, Riley n’avait plus pensé à Wendy depuis longtemps. Elle ne savait même pas ce qu’elle faisait dans la vie.
Meredith enchaîna :
— Promettez-moi que vous y penserez.
— Je vous le promets, dit Riley.
Ils raccrochèrent. Riley se sentit mal. Meredith l’avait aidée à traverser des moments difficiles et il ne lui avait jamais montré une telle vulnérabilité. Elle n’avait pas envie de le laisser tomber. Et elle venait de promettre d’y réfléchir.
Elle n’était pas sûre de pouvoir refuser.