Kitobni o'qish: «La Liaison Idéale»
la liaison idéale
(roman de suspense psychologique avec Jessie Hunt, tome 7)
b l a k e p i e r c e
Blake Pierce
Blake Pierce est l’auteur de la série à succès mystère RILEY PAIGE, qui comprend dix-sept volumes (pour l’instant). Black Pierce est également l’auteur de la série mystère MACKENZIE WHITE, comprenant quatorze volumes (pour l’instant) ; de la série mystère AVERY BLACK, comprenant six volumes ; et de la série mystère KERI LOCKE, comprenant cinq volumes ; de la série mystère LES ORIGINES DE RILEY PAIGE, comprenant six volumes (pour l’instant), de la série mystère KATE WISE comprenant sept volumes (pour l’instant) et de la série de mystère et suspense psychologique CHLOE FINE, comprenant six volumes (pour l’instant) ; de la série de suspense psychologique JESSE HUNT, comprenant sept volumes (pour l’instant), ; de la série de mystère et suspense psychologique LA FILLE AU PAIR, comprenant deux volumes (pour l’instant) ; et de la série de mystère ZOÉ PRIME, comprenant trois volumes (pour l’instant) ; de la nouvelle série de mystère ADÈLE SHARP et de la nouvelle série mystère VOYAGE EUROPÉEN.
Lecteur avide et admirateur de longue date des genres mystère et thriller, Blake aimerait connaître votre avis. N’hésitez pas à consulter son site www.blakepierceauthor.com afin d’en apprendre davantage et de rester en contact.
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LIVRES PAR BLAKE PIERCE
LES MYSTÈRES DE ADÈLE SHARP
LAISSÈ POUR MORT (Volume 1)
CONDAMNÈ À FUIR (Volume 2)
CONDAMNÈ À SE CACHER (Volume 3)
LA FILLE AU PAIR
PRESQUE DISPARUE (Livre 1)
PRESQUE PERDUE (Livre 2)
PRESQUE MORTE (Livre 3)
LES MYSTÈRES DE ZOE PRIME
LE VISAGE DE LA MORT (Tome 1)
LE VISAGE DU MEURTRE (Tome 2)
LE VISAGE DE LA PEUR (Tome 3)
SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE JESSIE HUNT
LA FEMME PARFAITE (Volume 1)
LE QUARTIER IDÉAL (Volume 2)
LA MAISON IDÉALE (Volume 3)
LE SOURIRE IDÉALE (Volume 4)
LE MENSONGE IDÉALE (Volume 5)
LE LOOK IDÉAL (Volume 6)
LA LIAISON IDÉALE (Volume 7)
SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE CHLOE FINE
LA MAISON D’À CÔTÉ (Volume 1)
LE MENSONGE D’UN VOISIN (Volume 2)
VOIE SANS ISSUE (Volume 3)
LE VOISIN SILENCIEUX (Volume 4)
DE RETOUR À LA MAISON (Volume 5)
VITRES TEINTÉES (Volume 6)
SÉRIE MYSTÈRE KATE WISE
SI ELLE SAVAIT (Volume 1)
SI ELLE VOYAIT (Volume 2)
SI ELLE COURAIT (Volume 3)
SI ELLE SE CACHAIT (Volume 4)
SI ELLE S’ENFUYAIT (Volume 5)
SI ELLE CRAIGNAIT (Volume 6)
SI ELLE ENTENDAIT (Volume 7)
LES ORIGINES DE RILEY PAIGE
SOUS SURVEILLANCE (Tome 1)
ATTENDRE (Tome 2)
PIEGE MORTEL (Tome 3)
ESCAPADE MEURTRIERE (Tome 4)
LA TRAQUE (Tome 5)
LES ENQUÊTES DE RILEY PAIGE
SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)
RÉACTION EN CHAÎNE (Tome 2)
LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)
LES PENDULES À L’HEURE (Tome 4)
QUI VA À LA CHASSE (Tome 5)
À VOTRE SANTÉ (Tome 6)
DE SAC ET DE CORDE (Tome 7)
UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8)
SANS COUP FÉRIR (Tome 9)
À TOUT JAMAIS (Tome 10)
LE GRAIN DE SABLE (Tome 11)
LE TRAIN EN MARCHE (Tome 12)
PIÉGÉE (Tome 13)
LE RÉVEIL (Tome 14)
BANNI (Tome 15)
MANQUE (Tome 16)
CHOISI (Tome 17)
UNE NOUVELLE DE LA SÉRIE RILEY PAIGE
RÉSOLU
SÉRIE MYSTÈRE MACKENZIE WHITE
AVANT QU’IL NE TUE (Volume 1)
AVANT QU’IL NE VOIE (Volume 2)
AVANT QU’IL NE CONVOITE (Volume 3)
AVANT QU’IL NE PRENNE (Volume 4)
AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Volume 5)
AVANT QU’IL NE RESSENTE (Volume 6)
AVANT QU’IL NE PÈCHE (Volume 7)
AVANT QU’IL NE CHASSE (Volume 8)
AVANT QU’IL NE TRAQUE (Volume 9)
AVANT QU’IL NE LANGUISSE (Volume 10)
AVANT QU’IL NE FAILLISSE (Volume 11)
AVANT QU’IL NE JALOUSE (Volume 12)
AVANT QU’IL NE HARCÈLE (Volume 13)
AVANT QU’IL NE BLESSE (Volume 14)
LES ENQUÊTES D’AVERY BLACK
RAISON DE TUER (Tome 1)
RAISON DE COURIR (Tome2)
RAISON DE SE CACHER (Tome 3)
RAISON DE CRAINDRE (Tome 4)
RAISON DE SAUVER (Tome 5)
RAISON DE REDOUTER (Tome 6)
LES ENQUETES DE KERI LOCKE
UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (Tome 1)
DE MAUVAIS AUGURE (Tome 2)
L’OMBRE DU MAL (Tome 3)
JEUX MACABRES (Tome 4)
LUEUR D’ESPOIR (Tome 5)
CHAPITRE PREMIER
Des coups de feu retentirent, tirant brusquement Jessie de son sommeil.
À moitié réveillée, elle sortit de son lit, saisit son arme sur la table de chevet et se précipita vers la porte de la chambre. Les coups de feu donnaient l’impression d’avoir été tirés dans le salon. Elle jeta un coup d’œil au réveil. Il était 1 h 08 du matin.
Sans se demander comment l’intrus avait pu déjouer les mesures de sécurité strictes de son immeuble d’appartements, elle se concentra sur ce qu’elle avait à faire. Il y avait une menace de l’autre côté de cette porte. Elle n’était pas la seule à être en danger. Hannah dormait dans la chambre d’amis de l’autre côté du salon.
Jessie inspira longuement et lentement avant d’ouvrir la porte et de regarder à l’extérieur. Elle vit une lueur faible dans la pièce puis une deuxième volée de tirs la força à se retrancher derrière le mur. Est-ce que l’attaquant l’avait vue ? Alors qu’elle se préparait à entrer dans le salon en rampant, elle entendit une voix.
– Tu es encerclé, Johnny. Sors les mains en l’air, ordonna une voix mâle sévère.
Soudain, on entendit une musique de film menaçante.
– Vous ne m’aurez pas vivant ! cria quelqu’un avec un accent qui évoquait distinctement un gangster.
Jessie s’autorisa à respirer normalement pour la première fois en trente secondes. Baissant son arme, elle se releva et entra dans le salon, où elle vit la télévision allumée. La chaîne en question diffusait un vieux film de gangsters en noir et blanc.
Jessie saisit la télécommande sur la table basse et éteignit la télévision. Le cœur battant encore la chamade, elle traversa le salon en évitant les vêtements, les chaussures et les magazines éparpillés par terre puis elle arriva à la porte ouverte de la chambre d’Hannah.
Elle y passa la tête et vit sa demi-sœur de dix-sept ans, Hannah Dorsey, blottie sur le lit, endormie. La jeune fille avait repoussé les couvertures à coups de pieds et frissonnait légèrement en se serrant dans ses propres bras.
Jessie approcha sur la pointe des pieds, saisit la couette et la reposa doucement sur Hannah, qui marmonnait quelque chose d’inintelligible. La profileuse criminelle se tint au-dessus d’elle en essayant de distinguer des mots mais, quelques secondes plus tard, elle décida que cela ne donnerait rien et y renonça.
Elle repartit à la porte sur la pointe des pieds, jeta un dernier coup d’œil en arrière puis ferma la porte. Elle soupira profondément. Malgré ses demandes répétées, c’était la troisième fois cette semaine que Hannah laissait la télévision allumée avant d’aller se coucher. Heureusement, c’était la première fois que Jessie était réveillée par les coups de feu d’un film de gangsters.
Une partie d’elle-même voulait secouer la jeune fille pour la réveiller et la forcer à éteindre la télévision elle-même mais, comme elle l’avait récemment appris dans le bulletin d’informations en ligne sur l’éducation des enfants auquel elle était maintenant abonnée, les adolescents avaient apparemment besoin de dormir beaucoup plus longtemps pour satisfaire les besoins suscités par la croissance de leur corps et de leur esprit. De plus, si elle interrompait le sommeil d’Hannah pour lui adresser ses remontrances, demain, elle devrait subir encore plus de morosité de la part de la jeune fille.
En retraversant le salon pour repartir au lit, elle se demanda quel bulletin d’informations en ligne indiquait aux professionnelles de presque trente ans comment dormir décemment de temps en temps. Alors qu’elle souriait, elle trébucha sur une chaussure que Hannah avait laissée au milieu de la pièce, tomba au sol et heurta le bois dur du plancher du genou gauche.
Elle se força à étouffer le juron qu’elle avait envie de hurler, gémit discrètement, se redressa et repartit au lit en boitant. Avec sa douleur au genou, son cœur qui palpitait encore et mille idées qui se bousculaient dans sa tête, elle se résigna à passer une autre nuit à moitié blanche grâce à l’adolescente qu’elle avait accepté de laisser habiter chez elle.
Je crois que je dormais mieux quand j’étais pourchassée par un tueur en série.
Son humour noir la fit rire mais ne l’aida pas à s’endormir.
*
– Je n’ai pas fait ça, insista Hannah avec colère.
Assise à la table de petit déjeuner en face de la jeune fille, Jessie était stupéfaite. Elle n’arrivait pas à croire qu’elle nie l’évidence.
– Hannah, il y a seulement deux personnes qui habitent ici. Je me suis couchée avant toi. Quand je t’ai souhaité une bonne nuit, tu étais en train de regarder la télévision. Quand j’ai été réveillée au milieu de la nuit, elle était allumée. Pas la peine de travailler pour la Police de Los Angeles pour savoir qui a laissé la télévision allumée.
Hannah la regarda fixement, ses yeux verts pleins de conviction.
– Jessie, je ne veux pas te manquer de respect, mais tu as avoué que tu avais eu des problèmes de sommeil ces derniers temps. De plus, à ton âge, la mémoire commence à baisser un peu. Ne serait-il pas possible que tu aies oublié une chose que tu aurais réellement faite et que tu me la reproches parce que tu adhères au stéréotype de l’adolescente paresseuse et distraite ?
Jessie la regarda fixement, interloquée par son audace. C’était stupéfiant de mentir sur une chose aussi évidente sans raison visible.
– Tu sais que je gagne ma vie en pourchassant les tueurs en série, d’accord ? lui rappela-t-elle. Il y a peu de chances que tu me mènes en bateau.
Hannah prit la dernière bouchée de son toast et se leva. Ses cheveux blond sable lui tombèrent par-dessus le visage quand elle s’étira de tout son corps dégingandé d’un mètre soixante-quinze, seulement deux centimètres et demi de moins que Jessie.
– N’avons-nous pas rendez-vous avec la psychothérapeute ce matin ? demanda-t-elle en ignorant complètement ce que venait de dire Jessie. Je pensais que c’était à neuf heures. Il est huit heures trente-deux.
Elle repartit dans sa chambre pour finir de s’habiller en laissant son assiette et sa tasse vide sur la table. Jessie se retint de l’appeler et de lui dire de mettre ses affaires dans le lave-vaisselle.
Elle se rappela les limites qu’elle s’était imposées quand Hannah était venue habiter chez elle deux mois auparavant. Elle n’était pas et n’essaierait pas d’être la parente de cette fille. Sa mission était de fournir un environnement sécurisé à la demi-sœur dont elle venait de faire la connaissance pour qu’elle puisse se remettre après une série d’incidents traumatisants. Sa mission était d’aider Hannah à guérir et à réintégrer un monde qui semblait l’encercler de dangers. Sa mission était d’être une source de soutien et de sécurité. Jessie savait tout ça instinctivement et intellectuellement, et pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de se demander pourquoi donc cette fille ne pouvait pas ranger une foutue assiette.
En faisant la vaisselle, elle se dit pour la millième fois que tout cela était normal, que Hannah faisait l’imbécile pour contrôler sa propre vie, chose qu’elle n’avait pas du tout pu faire ces derniers temps, que ce n’était pas personnel et que ça ne durerait pas éternellement.
Elle se dit toutes ces choses mais, en son for intérieur, elle n’était pas sûre d’y croire. Une partie d’elle-même craignait qu’il ne se passe d’autres choses plus sombres en Hannah, des choses qui pourraient s’avérer irréversibles.
CHAPITRE DEUX
Jessie devenait nerveuse.
Elle savait que la séance de Hannah avec la docteure Lemmon allait bientôt se terminer. Est-ce que la jeune fille allait sortir du bureau en pleurs, comme la dernière fois, ou impassible, comme les deux d’avant ?
Si quelqu’un pouvait parler à Hannah, Jessie croyait fermement que c’était la docteure Janice Lemmon. Malgré son apparence sans prétention, cette femme méritait le respect. Son petit corps, sa permanente blonde serrée et ses lunettes épaisses donnaient plus à cette psychothérapeute behavioriste de la soixantaine l’apparence d’une grand-mère que celle d’une des expertes les plus renommées de la côte ouest sur les comportements aberrants. Cependant, sous cette apparence ordinaire, il y avait une femme tellement respectée qu’il lui arrivait encore de fournir des services de consultante à la Police de Los Angeles, au FBI et à d’autres organisations dont elle ne parlait jamais. Elle était aussi la psychothérapeute de Jessie.
D’abord, Jessie avait craint que lui demander de traiter aussi Hannah ne soit un conflit d’intérêts. Cependant, après en avoir discuté avec elle, elles avaient convenu qu’il n’existait que quelques docteurs qui aient les compétences pour traiter une fille qui avait vécu les traumatismes de Hannah. Or, comme la docteure Lemmon était déjà au courant de certains détails intimes de l’histoire familiale de Hannah, il était logique de la choisir.
Après tout, c’était la docteure Lemmon qui avait aidé Jessie à affronter le fait que son père était le célèbre tueur en série Xander Thurman. C’était la docteure Lemmon qui avait permis à Jessie de surmonter les cauchemars et l’anxiété dont elle souffrait après avoir regardé son père tuer sa mère quand elle avait eu six ans. C’était la docteure Lemmon qui lui avait donné la force de révéler que son père l’avait laissée seule dans une cabane, vouée à une mort certaine, piégée trois jours par la neige à côté du cadavre en cours de putréfaction de la femme qu’elle avait appelée maman. C’était la docteure Lemmon qui avait aidé à lui donner l’assurance dont elle avait eu besoin pour se battre contre son père quand il était revenu dans sa vie vingt-trois ans plus tard avec pour objectif de la transformer en une tueuse qui se joindrait à lui ou de la tuer si elle refusait.
Elle était la seule psychothérapeute capable de traiter sa demi-sœur, qui avait le même père et des cauchemars aussi violents que Jessie. Seulement quelques mois auparavant, Thurman avait kidnappé Hannah et ses parents adoptifs et forcé la jeune fille à regarder pendant qu’il les massacrait. De plus, il avait presque tué Jessie devant elle. Seules leur réactivité et leur endurance avaient fait pencher la balance en leur faveur et permis la mort de Thurman.
Cependant, même après ça, le traumatisme de Hannah n’avait pas pris fin. Seulement quelques mois après la mort de ses parents adoptifs, un tueur en série totalement différent du nom de Bolton Crutchfield, acolyte du père de Jessie et obsédé par sa fille, avait tué les parents adoptifs de Hannah en sa présence et l’avait enlevée. Il l’avait détenue dans un sous-sol isolé pendant une semaine en essayant de l’endoctriner, de la transformer en assassin comme Thurman et lui-même.
Elle avait aussi survécu à cette horreur, sauvée par Jessie et une trahison habile de sa propre concoction. Bolton Crutchfield avait été abattu et, bien qu’il ne soit plus une menace physique, Jessie craignait qu’il n’ait réussi à s’insinuer dans l’esprit de Hannah, à la corrompre en lui imposant ses croyances malsaines basées sur le nihilisme et le sang.
Jessie se releva, en partie pour s’étirer mais aussi parce qu’elle sentait qu’elle se laissait aspirer par ses angoisses. Elle se regarda dans le miroir de la salle d’attente. Elle dut admettre que, même si elle avait passé les deux derniers mois à assumer le rôle inattendu de tutrice d’une adolescente perturbée, elle était encore présentable.
Ses yeux verts étaient brillants et clairs. Ses cheveux marron mi-longs étaient propres, traités avec de l’après-shampoing et détachés, sans la queue de cheval qu’elle portait habituellement au travail. Comme cela faisait longtemps qu’elle ne craignait plus d’être pourchassée par un tueur en série, elle avait réussi à retrouver une routine professionnelle quasi-normale et son corps d’un mètre soixante-dix-sept avait récupéré une force et une solidité qu’il avait perdues pendant un certain temps.
Le plus impressionnant, c’était qu’aucune de ses affaires récentes n’avaient contenu de fusillades, d’agressions au couteau ou de blessures personnelles de quelque sorte que ce soit. Par conséquent, elle n’avait pas ajouté de cicatrices à sa grande collection, qui comprenait une plaie perforante à l’abdomen, des plaies longues aux bras et aux jambes et une longue cicatrice rosâtre en forme de croissant de lune qui parcourait une ligne horizontale de douze centimètres et demi en allant de la clavicule, à la base du cou, à l’épaule droite.
Elle se la toucha machinalement, se demandant si, bientôt, quelqu’un la verrait avec toutes les autres. Elle sentait qu’elle et Ryan se rapprochaient du jour où ils pourraient examiner de près les imperfections physiques de l’autre.
En plus d’être un collègue avec lequel Jessie travaillait régulièrement sur des affaires, l’inspecteur Ryan Hernandez était son petit copain. Elle trouvait ce terme étrange, mais c’était la réalité. À peu près depuis que Hannah habitait avec elle, ils sortaient ensemble de manière presque régulière et, même s’ils n’étaient pas encore allés jusqu’au bout, ils savaient tous les deux que ça arriverait bientôt. L’anticipation et la maladresse que cela causait rendaient leur ambiance de travail un peu particulière.
Jessie fut arrachée à ses pensées par l’ouverture de la porte. Hannah sortit et elle n’avait l’air ni bouleversée ni renfermée. Elle avait l’air bizarrement … normale, ce qui, vu tout ce qu’elle avait subi, paraissait bizarre en soi.
La docteure Lemmon la suivit dans la salle d’attente et croisa le regard de Jessie.
– Hannah, dit-elle, je veux parler quelques minutes à Jessie. Tu veux bien attendre un peu ici ?
– Pas de problème, répondit Hannah en s’asseyant. Vous pourrez revenir quand vous aurez décidé toutes les deux si je suis complètement folle. Je me contenterai d’avertir l’État de vos nombreuses violations des lois sur la santé.
– Bonne idée, dit chaleureusement la docteure Lemmon sans mordre à l’hameçon. Entrez, Jessie.
Jessie s’installa dans la causeuse qu’elle utilisait pour ses propres séances et la docteure Lemmon s’assit sur la chaise en face d’elle.
– Restons brefs, dit la docteure Lemmon. Malgré son sarcasme, je ne crois pas qu’il soit bon que Hannah craigne que je vous communique des informations sur ce qu’elle dit, même si je lui ai assuré que je ne le ferais jamais.
– Parce que vous ne voulez pas ou parce que vous ne pouvez pas ? insista Jessie.
– Comme elle a encore moins de dix-huit ans et que vous êtes sa tutrice, théoriquement, vous pourriez insister pour savoir, mais je crois que cela saperait le climat de confiance que j’essaie d’instaurer avec elle. Il m’a fallu longtemps pour qu’elle accepte de s’ouvrir de manière conséquente. Je ne veux pas risquer de perdre ça.
– Compris, dit Jessie. Donc, pourquoi vouliez-vous me parler ?
– Parce que je m’inquiète. Sans entrer dans les détails, je dirai juste que, sauf pendant une séance où Hannah a témoigné quelque émotion sur ce qu’elle a subi, elle a été presque constamment … imperturbable. Avec le recul et après avoir fait sa connaissance, je soupçonne que cette unique manifestation d’émotions a peut-être eu pour but de me faire plaisir. Hannah semble s’être dissociée des événements qui se sont produits, comme si elle en avait été l’observatrice plutôt qu’une participante.
– Cela ne semble pas étonnant, dit Jessie. En fait, ça me paraît trop familier pour être réconfortant.
– Et je vous comprends, convint la docteure Lemmon. Vous avez traversé vous-même une période de ce type. C’est une méthode que le cerveau utilise très couramment pour gérer les traumatismes personnels. Il n’est pas inhabituel de compartimenter ou de se déconnecter des événements traumatiques. Ce qui m’inquiète, c’est que Hannah ne semble pas le faire pour se protéger contre la douleur provoquée par ce qui lui est arrivé. Elle semble avoir simplement effacé la douleur de son organisme, presque comme un disque dur que l’on vide. C’est comme si elle considérait ce qu’elle a subi moins comme de la souffrance que comme des choses qui se sont produites. Elle s’est auto-anesthésiée pour ne pas les considérer comme des choses liées à elle-même ou à sa famille.
– Et j’imagine que ce n’est pas très sain ? demanda Jessie d’un air songeur en remuant nerveusement sur la causeuse.
– Je ne voudrais pas juger ça, dit la docteure Lemmon avec son sens habituel de la mesure, car cela semble fonctionner pour elle. Ce qui m’inquiète, c’est où ça peut mener. Les gens qui ne sont pas capables de puiser dans leur propre douleur émotionnelle peuvent parfois atteindre un point où ils n’arrivent plus à reconnaître la douleur d’autrui, qu’elle soit émotionnelle ou physique. Leur capacité à ressentir de l’empathie disparaît. Cela peut souvent mener à des comportements socialement inacceptables.
– Ce que vous me décrivez ressemble à une attitude sociopathe, signala Jessie.
– Oui, convint la docteure Lemmon. Les sociopathes affichent effectivement certaines de ces caractéristiques. Comme j’ai passé trop peu de temps avec Hannah, je ne lui diagnostiquerais pas formellement cette pathologie. Son attitude n’est peut-être qu’un syndrome de stress post-traumatique profond. Cependant, avez-vous remarqué des comportements susceptibles de concorder avec ce que j’ai décrit ?
Jessie réfléchit aux quelques derniers mois en commençant par le mensonge inexplicable et dénué de sens de ce matin sur la télévision. Elle se souvint que Hannah s’était plainte quand Jessie avait insisté pour emmener chez un vétérinaire un chaton malade et errant qu’elles avaient trouvé dans une ruelle, caché sous une benne à ordures. Elle se souvint que la jeune fille pouvait rester muette pendant des heures en dépit de tous les efforts que Jessie déployait pour la faire sortir de sa coquille. Elle repensa à la fois où elle avait emmené Hannah à la salle de gym et où sa demi-sœur avait commencé à taper sur le sac de sable sans gants et avait continué jusqu’au moment où elle avait eu les mains à vif et en sang.
Toutes ces attitudes semblaient concorder avec la description de la docteure Lemmon, mais on pouvait tout aussi facilement les interpréter comme la lutte d’une jeune femme contre sa douleur intérieure. Rien de cela ne signifiait qu’elle était une sociopathe en herbe. Jessie ne voulait pas coller cette étiquette à Hannah, même avec la docteure Lemmon.
– Non, mentit-elle.
La psychothérapeute la regarda, visiblement peu convaincue, mais elle n’insista pas et passa à un autre sujet important.
– Et l’école ? demanda-t-elle.
– Elle a commencé la semaine dernière. Je l’ai placée dans ce lycée thérapeutique que vous avez recommandé.
– Oui, on en a discuté brièvement, elle et moi, reconnut la docteure Lemmon. Elle n’avait pas l’air très impressionnée. Est-ce aussi votre impression ?
– Je crois qu’elle a exprimé son opinion en demandant combien de temps elle allait devoir fréquenter ces drogués et ces suicidaires avant de repartir dans une école digne de ce nom.
La docteure Lemmon hocha la tête. Visiblement, elle n’était pas étonnée.
– Je vois, dit-elle. Elle a été légèrement moins franche avec moi. Je comprends sa frustration, mais je crois qu’il faut que nous l’aidions dans un environnement sécurisé et très supervisé pendant au moins un mois avant d’envisager de la réintégrer progressivement dans un lycée traditionnel.
– Je comprends, mais je sais qu’elle est frustrée. Elle était censée avoir son bac cette année mais, avec tous les cours qu’elle a ratés, même dans un lycée traditionnel, elle devrait aller à une école d’été. Elle n’est pas très enthousiaste à l’idée de finir avec, comme elle les a appelés, ‘les épuisés et les débiles’.
– Une chose à la fois, dit calmement la docteure Lemmon. Passons à autre chose. Comment allez-vous ?
Jessie rit malgré elle-même. Où commencer ? Avant qu’elle n’ait pu le faire, la docteure Lemmon poursuivit.
– Bien évidemment, nous n’avons pas le temps pour une séance complète maintenant, mais comment vous débrouillez-vous ? Vous vous retrouvez responsable d’une mineure, vous découvrez une nouvelle relation avec un collègue, votre travail exige que vous vous mettiez à la place d’assassins brutaux et vous êtes émotionnellement bouleversée après avoir dû tuer deux tueurs en série, dont votre père. Ça fait beaucoup à gérer.
Jessie se força à sourire.
– Quand vous le présentez comme ça, ça a l’air impressionnant.
La docteure Lemmon ne rendit pas son sourire à Jessie.
– Je suis sérieuse, Jessie. Il faut que vous restiez consciente de votre santé mentale personnelle. Cette période n’est pas dangereuse que pour Hannah. Vous risquez aussi de régresser. Ne prenez pas ce risque à la légère.
Jessie cessa de sourire mais resta imperturbable.
– Je suis consciente des risques, docteure, et je fais de mon mieux pour prendre soin de moi-même, mais je ne peux pas partir en congé. Le monde ne me laisse pas en paix et, si j’arrête de bouger, je vais me faire écraser.
– Je ne suis pas sûre que ce soit vrai, Jessie, dit doucement la docteure Lemmon. Parfois, si vous arrêtez de progresser, le monde fait demi-tour et vous pouvez y reprendre votre place. Vous êtes précieuse mais ne soyez pas arrogante. Vous n’êtes pas indispensable à ce monde au point de ne pas pouvoir vous reposer de temps à autre.
Jessie hocha la tête d’un air agressif et sarcastique.
– Compris, dit-elle en faisant semblant de prendre des notes. Je ne dois pas être arrogante et je ne suis pas indispensable.
La docteure Lemmon retroussa les lèvres, l’air aussi agacée qu’elle était susceptible de le révéler. Jessie essaya de passer à autre chose.
– Comment va Garland ? demanda-t-elle d’un air taquin.
– Pardon ? dit la docteure Lemmon.
– Vous savez, Garland Moses, le consultant en profilage pour la Police de Los Angeles, celui qui m’a aidée à trouver et à sauver Hannah, cet homme mûr à l’air négligé tout aussi charmant que désinvolte.
– Je connais M. Moses, Jessie. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi vous me posez des questions sur lui.
– Juste comme ça, dit Jessie, sentant qu’elle était tombée sur un sujet sensible. C’est juste qu’il a parlé de vous il y a quelque temps et que son ton m’a suggéré que vous étiez en de bons termes, vous et lui. Donc, je me demandais comment il allait.
– Je crois que nous en avons terminé pour aujourd’hui, dit brusquement la docteure Lemmon.
– Ouah, dit Jessie, qui souriait sincèrement, à présent. Vous avez vraiment baissé le pont-levis très vite, docteure.
La docteure Lemmon se releva et fit signe qu’elles devaient se diriger vers la sortie. Jessie décida de lâcher du lest. Quand elles atteignirent la porte, elle se retourna vers la psychothérapeute et lui posa la question qui l’obsédait depuis plusieurs minutes.
– Sérieusement, docteure, si Hannah prend un chemin où elle a du mal à ressentir de l’empathie pour d’autres personnes, y a-t-il un moyen d’inverser le processus ?
La docteure Lemmon s’arrêta et regarda Jessie droit dans les yeux.
– Jessie, j’ai passé trente-cinq ans de ma vie à essayer de répondre à des questions comme celle-là. La meilleure réponse que je puisse vous donner est : je l’espère.