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Kitobni o'qish: «Tout est bien qui finit bien», sahifa 5

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SCÈNE V

Hors des murs de Florence
UNE VEUVE DE FLORENCE, DIANE, VIOLENTA,
MARIANA et plusieurs citoyens. On entend au loin une musiqueguerrière

LA VEUVE. – Allons, venez, car s'ils s'approchent de la ville; nous perdrons tout le coup d'oeil.

DIANE. – On dit que le comte français nous a rendu les plus honorables services.

LA VEUVE. – On rapporte qu'il a pris leur plus grand capitaine, et que de sa propre main il a tué le frère du duc. Nous avons perdu nos peines; ils ont pris un chemin opposé. Écoutez, vous pouvez en juger par leurs trompettes.

MARIANA. – Allons, retournons-nous-en, et contentons-nous du récit qu'on nous en fera. Et vous, Diane, gardez-vous bien de ce comte français: l'honneur d'une fille est sa gloire, et il n'y a point d'héritage aussi riche que l'honnêteté.

LA VEUVE. – J'ai raconté à ma voisine combien vous aviez été sollicitée par un gentilhomme de sa compagnie.

MARIANA. – Je connais ce coquin; qu'il aille se pendre! Un certain Parolles, un infâme agent que le jeune comte emploie dans ses intrigues. Défie-toi d'eux, Diane; leurs promesses, leurs séductions, leurs serments, leurs présents, et tous ces engins de la débauche, ne sont point ce qu'on veut les faire croire. Plus d'une jeune fille a été séduite par là, et le malheur veut que l'exemple de tant de naufrages de la vertu ne saurait persuader celles qui viennent après, jusqu'à ce qu'elles soient prises au piége qui les menaçait. J'espère que je n'ai pas besoin de vous avertir davantage, car je suis persuadée que votre vertu vous conservera où vous êtes, quand même il n'y aurait d'autre danger à craindre que la perte de la modestie.

DIANE. – Vous n'avez rien à craindre pour moi.

LA VEUVE. – Je l'espère. (Hélène, en costume de pèlerine.) – Regarde, voici une pèlerine. Je suis sûre qu'elle vient loger dans ma maison. Ils ont coutume de s'envoyer ici les uns les autres. Je veux la questionner. – Dieu vous garde, belle pèlerine! Où allez-vous?

HÉLÈNE. – A Saint-Jacques-le-Grand. Enseignez-moi, je vous prie, où logent les pèlerins 27?

LA VEUVE. – A l'image Saint-François, ici près du port.

HÉLÈNE. – Est-ce là le chemin?

(On entend au loin une musique guerrière.)

LA VEUVE. – Oui, précisément. Entendez-vous? Ils viennent de ce côté. Si vous voulez attendre, sainte pèlerine, que les troupes soient passées, je vous conduirai à l'endroit où vous logerez, d'autant mieux que je crois connaître votre hôtesse aussi bien que moi-même.

HÉLÈNE. – Est-ce vous?

LA VEUVE. – Sous votre bon plaisir, pèlerine.

HÉLÈNE. – Je vous remercie, et j'attendrai ici votre loisir.

LA VEUVE. – Vous arrivez, je crois, de France?

HÉLÈNE. – J'en arrive.

LA VEUVE. – Vous allez voir ici un de vos compatriotes qui a fait de grands exploits.

HÉLÈNE. – Quel est son nom, je vous prie?

LA VEUVE. – Le comte de Roussillon. Le connaissez-vous?

HÉLÈNE. – Seulement par ouï-dire. Je sais qu'il a une grande réputation; mais je ne connais pas sa figure.

LA VEUVE. – Quel qu'il soit, il passe ici pour un brave guerrier. Il s'est évadé de France, à ce qu'on dit, parce que le roi l'a marié contre son inclination. Croyez-vous que cela soit vrai?

HÉLÈNE. – Oui, sûrement; c'est la pure vérité; je connais sa femme.

DIANE. – Il y a ici un gentilhomme au service du comte qui dit bien du mal d'elle.

HÉLÈNE. – Comment s'appelle-t-il?

DIANE. – M. Parolles.

HÉLÈNE. – Oh! je crois comme lui qu'en fait de louange ou auprès du mérite du comte lui-même, son nom ne vaut pas la peine d'être cité. Tout son mérite est une vertu modeste, contre laquelle je n'ai entendu faire aucun reproche.

DIANE. – Ah! la pauvre dame! C'est un rude esclavage que d'être la femme d'un époux qui nous déteste.

LA VEUVE. – Oui, c'est vrai, pauvre créature! En quelque lieu qu'elle soit, elle a un cruel poids sur le coeur. Si cette jeune fille voulait, il ne tiendrait qu'à elle de lui jouer un mauvais tour.

HÉLÈNE. – Que voulez-vous dire? Serait-ce que le comte, amoureux d'elle, la sollicite à une action illégitime?..

LA VEUVE. – Oui, c'est ce qu'il fait: il emploie tous les agents qui peuvent corrompre dans un pareil but le tendre coeur d'une jeune fille; mais elle est bien armée, et elle oppose à ses attaques la résistance la plus vertueuse.

(Bertrand, Parolles passent, suivis d'officiers et de soldats
florentins, avec des drapeaux et des tambours.)

MARIANA. – Que les dieux la préservent de ce malheur!

LA VEUVE. – Les voilà; ils viennent. Celui-ci est Antonio, le fis aîné du duc: celui-là est Escalus.

HÉLÈNE. – Quel est donc le Français?

DIANE. – Là, celui qui porte ces plumes. C'est un très-bel homme. Je voudrais bien qu'il aimât sa femme. S'il était plus honnête, il serait bien plus aimable. N'est-ce pas un beau jeune homme?

HÉLÈNE. – Il me plaît beaucoup.

DIANE. – C'est bien dommage qu'il ne soit pas honnête. Voilà là-bas le vaurien qui l'entraîne à la débauche. Si j'étais la femme du comte, j'empoisonnerais ce vil scélérat.

HÉLÈNE. – Lequel est-ce?

DIANE. – Eh! ce fat avec ses écharpes. Pourquoi donc a-t-il l'air si triste?

HÉLÈNE. – Il a peut-être été blessé au combat.

PAROLLES. – Perdre notre tambour!

MARIANA. – Il est à coup sûr bien contrarié de quelque chose. Voyez, il nous a aperçues.

LA VEUVE. – Au diable! allez vous pendre!

MARIANA. – Et pour la politesse, je lui souhaite le carcan autour du cou.

(Sortent Bertrand, Parolles, les officiers; etc.)

LA VEUVE. – Les troupes sont passées. Venez, pèlerine, je vous conduirai à l'endroit où vous logerez. Nous avons déjà à la maison quatre ou cinq pénitents qui ont fait voeu d'aller à Saint-Jacques.

HÉLÈNE. – Je vous remercie humblement. Je désirerais beaucoup que vous, madame, et votre aimable fille, vous voulussiez bien souper avec moi ce soir. Je me chargerai des frais et des remerciements; et pour vous témoigner davantage ma reconnaissance, je donnerai à cette jeune personne quelques conseils dignes d'attention.

TOUTES DEUX ENSEMBLE. – Nous acceptons vos offres bien volontiers. (Elles sortent.)

SCÈNE VI

Le camp devant Florence
Entrent BERTRAND ET DEUX SEIGNEURS FRANÇAIS

PREMIER SEIGNEUR. – Je vous en conjure, mon cher comte, mettez-le à cette épreuve: laissez-lui faire sa volonté.

SECOND SEIGNEUR. – Si Votre Seigneurie ne reconnaît pas qu'il est un lâche, ne m'honorez plus de votre estime.

PREMIER SEIGNEUR. – Sur mon honneur, seigneur, c'est une bulle de savon.

BERTRAND. – Pensez-vous donc que je me trompe à ce point sur son compte?

PREMIER SEIGNEUR. – Croyez ce que je vous dis, seigneur, d'après ma propre connaissance, et sans aucune malice, et avec la même vérité que si je vous parlais de mon parent. C'est un insigne poltron, un déterminé et éternel menteur, qui manque autant de fois à sa parole qu'il y a d'heures dans le jour: en un mot, n'ayant pas une seule bonne qualité pour mériter les bontés de Votre Seigneurie.

SECOND SEIGNEUR. – Il serait bon que vous le connussiez, de peur que, vous reposant trop sur une valeur qu'il n'a point, il ne puisse, dans une affaire importante et de confiance, vous manquer au milieu du danger.

BERTRAND. – Je voudrais bien connaître quelque moyen de l'éprouver.

SECOND SEIGNEUR. – Il n'y en a pas de meilleur que de le laisser aller chercher son tambour. Vous entendez avec quelle confiance il se vante d'en venir à bout.

PREMIER SEIGNEUR. – Et moi, avec une troupe de Florentins, je veux le surprendre tout à coup. J'aurai des gens qu'il ne distinguera point des troupes ennemies. Nous le lierons, nous lui banderons les yeux, de sorte qu'il s'imaginera qu'on le conduit dans le camp ennemi, lorsque nous l'amènerons dans notre tente. Que Votre Seigneurie soit seulement présente à son interrogatoire; si, dans l'espoir de sauver sa vie, et par le sentiment de la plus lâche peur, il ne s'offre pas à vous trahir et à révéler tout ce qu'il peut savoir contre vous, et s'il ne l'affirme pas avec serment au péril éternel de son âme, n'ayez jamais, seigneur, la moindre confiance en mon jugement.

SECOND SEIGNEUR. – Oh! seulement pour le plaisir de rire, laissez-le aller chercher son tambour. Il se vante d'avoir imaginé pour cela un stratagème. Lorsque Votre Seigneurie aura vu le fond de son coeur, et à quel vil métal se réduira ce lingot d'or prétendu, si vous ne lui infligez pas le traitement de Jean Tambour 28, votre inclination pour lui est inattaquable. – Le voici.

(Parolles entre.)

PREMIER SEIGNEUR. – Oh! pour nous donner le plaisir de rire, ne l'empêchez pas d'accomplir son dessein. Laissez-le chercher son tambour comme il voudra.

BERTRAND, à Parolles. – Eh bien! comment vous trouvez-vous, monsieur? Le tambour vous tient donc bien fort au coeur?

SECOND SEIGNEUR. – Et que diable! qu'il le laisse aller. Ce n'est qu'un tambour.

PAROLLES. – Qu'un tambour! N'est-ce qu'un tambour? un tambour ainsi perdu! Le beau commandement! charger les ailes de notre armée avec notre propre cavalerie, et enfoncer nos propres bataillons!

SECOND SEIGNEUR. – On ne doit point blâmer le général qui a commandé: c'est un de ces malheurs de la guerre que César lui-même n'aurait pu prévenir, s'il eût été là pour nous commander.

BERTRAND. – Nous n'avons cependant pas tant à nous plaindre de notre succès. Il est vrai qu'il y a quelque déshonneur à avoir perdu ce tambour; mais enfin, il n'y a plus de moyen de le ravoir.

PAROLLES. – On aurait pu le ravoir.

BERTRAND. – On l'aurait pu, mais on ne le peut pas à présent.

PAROLLES. – On pourrait encore le ravoir. Si le mérite d'un service n'était pas si rarement attribué à celui qui l'a rendu, je l'aurais, ce tambour, lui ou un autre, ou bien hic jacet.

BERTRAND. – Mais si vous en avez envie, monsieur; si vous croyez avoir quelque bonne ruse qui puisse ramener dans son quartier naturel cet instrument d'honneur, eh bien! soyez assez généreux pour l'entreprendre. Allez en avant! je récompenserai cette tentative comme un exploit glorieux. Si vous réussissez, le duc en parlera, et vous payera ce service tout ce qu'il pourra valoir, et d'une manière convenable à sa grandeur.

PAROLLES. – Par le bras d'un guerrier, je l'entreprendrai.

BERTRAND. – Mais il faut à présent vous endormir là-dessus.

PAROLLES. – Je veux m'en occuper dès ce soir; je vais écrire mes dilemmes, m'encourager dans ma certitude, faire mes apprêts homicides; et sur le minuit, attendez-vous à entendre parler de moi.

BERTRAND. – Puis-je hardiment annoncer à Son Altesse que vous êtes parti pour vous en occuper?

PAROLLES. – Je ne sais pas encore quel sera le succès, seigneur: mais pour le tenter, je vous le jure.

BERTRAND. – Je sais que tu es brave; et je répondrais de la possibilité de ta valeur guerrière. Adieu.

PAROLLES. – Je n'aime pas trop de paroles.

(Il sort.)

PREMIER SEIGNEUR. – Non, pas plus que le poisson n'aime l'eau. Cet homme n'est-il pas bien singulier, seigneur, de paraître entreprendre avec tant de confiance une chose qu'il sait bien qu'on ne peut faire? Il se damne à jurer qu'il le fera, et il aimerait mieux être damné que de le faire.

SECOND SEIGNEUR. – Vous ne le connaissez pas encore, seigneur, comme nous le connaissons. Il est bien vrai qu'il a le talent de s'insinuer dans les bonnes grâces de quelqu'un, et que pendant une semaine il saura échapper à bien des occasions de se découvrir; mais quand vous l'aurez une fois connu, ce sera pour toujours.

BERTRAND. – Quoi! vous pensez qu'il ne fera rien de tout ce qu'il s'est engagé si sérieusement à entreprendre?

SECOND SEIGNEUR. – Rien au monde; mais il s'en reviendra avec une invention de sa tête, et il vous y flanquera deux ou trois mensonges plausibles. Mais nous avons déjà fatigué le cerf, et vous le verrez tomber cette nuit. En vérité, seigneur, il ne mérite pas vos bontés.

PREMIER SEIGNEUR. – Nous vous amuserons un peu avec le renard, avant que de lui retourner la peau sur les oreilles. Il a déjà été enfumé par le vieux seigneur Lafeu. Quand on lui aura ôté son déguisement, vous me direz alors quel lâche coquin vous le trouverez, et cela pas plus tard que cette nuit.

SECOND SEIGNEUR. – Il faut que j'aille tendre mes pièges: il y sera pris.

BERTRAND. – Et votre frère va venir avec moi.

SECOND SEIGNEUR. – Si vous le trouvez bon, seigneur, je vais vous quitter.

(Il sort.)

BERTRAND. – Je veux maintenant vous conduire dans la maison, et vous montrer la jeune fille dont je vous ai déjà parlé.

PREMIER SEIGNEUR. – Mais vous me disiez qu'elle était honnête.

BERTRAND. – C'est là son défaut; je ne lui ai encore parlé qu'une fois, et je l'ai trouvée extraordinairement froide: je lui ai envoyé, par ce même fat que nous avons sous le vent, des présents et des lettres qu'elle a renvoyés; et voilà tout ce que j'ai fait jusqu'ici. C'est une belle créature. Voulez-vous la venir voir?

PREMIER SEIGNEUR. – De tout mon coeur, seigneur.

(Ils sortent.)

SCÈNE VII

Florence, – Une chambre dans la maison de la veuve
Entrent HÉLÈNE, LA VEUVE

HÉLÈNE. – Si vous doutez encore que je sois sa femme, je ne sais plus comment vous donner d'autres preuves, à moins de détruire les fondements de mon entreprise.

LA VEUVE. – Quoique j'aie perdu ma fortune, je suis bien née, et je ne connais rien à ces sortes d'affaires, et je ne voudrais pas aujourd'hui ternir ma réputation par une action honteuse.

HÉLÈNE. – Je ne voudrais pas non plus vous y exposer. Croyez d'abord que le comte est mon époux, et que tout ce que je vous ai confié sous la foi du secret est vrai de point en point. D'après cela, vous voyez que vous ne pouvez faire un crime en me prêtant le bon secours que je vous demande.

LA VEUVE. – Il faut bien vous croire, car vous m'avez donné des preuves convaincantes que vous jouissez d'une grande fortune.

HÉLÈNE. – Prenez cette bourse d'or, et laissez-moi acheter à ce prix les secours de votre amitié, que je récompenserai encore quand je l'aurai éprouvée. Le comte courtise votre fille; il fait le siège libertin de sa beauté, résolu de s'en rendre maître. Qu'elle consente maintenant à se laisser diriger par nous sur la manière dont elle doit se conduire. Son sang bouillonne, et il ne lui refusera rien de ce qu'elle lui demandera. Le comte porte un anneau qui a passé dans sa maison de père en fils, depuis quatre ou cinq générations: cet anneau est d'un grand prix à ses yeux; mais dans son ardeur insensée pour obtenir ce qu'il veut, le sacrifice ne lui paraîtra pas trop grand, bien qu'il puisse s'en repentir ensuite.

LA VEUVE. – Je vois à présent le but que vous vous proposez.

HÉLÈNE. – Vous voyez donc combien il est légitime. Je désire seulement que votre fille lui demande cet anneau, avant de faire semblant de se rendre à ses instances; qu'elle lui assigne un rendez-vous; enfin qu'elle me laisse à sa place employer le temps pendant qu'elle sera chastement absente: et après j'ajouterai pour sa dot trois mille couronnes d'or à ce qui s'est déjà passé entre nous.

LA VEUVE. – J'y consens. Instruisez maintenant ma fille de la manière dont elle doit se conduire pour que l'heure et le lieu, tout s'accorde dans cette innocente supercherie. Toutes les nuits il vient avec des instruments de toute espèce, et des chansons qu'il a composées pour son peu de mérite; il ne nous sert de rien de l'écarter de nos fenêtres; il s'obstine à y rester, comme si sa vie en dépendait.

HÉLÈNE. – Eh bien! dès ce soir il faut tenter notre stratagème. S'il réussit, ce sera une mauvaise intention attachée à une action légitime et une action vertueuse dans une action légitime; ni l'un ni l'autre ne pécheront: et cependant il y aura un péché de commis 29. Mais allons nous en occuper.

(Elles sortent.)
FIN DU TROISIÈME ACTE

ACTE QUATRIÈME

SCÈNE I

Aux alentours du camp florentin
Un des SEIGNEURS FRANÇAIS entre sur la scène, suivi decinq ou six SOLDATS qui se mettent en embuscade

LE CAPITAINE. – Il ne peut venir par d'autre chemin que par le coin de cette haie. Lorsque vous fondrez sur lui, servez-vous des termes les plus terribles que vous voudrez; quand vous ne vous entendriez pas vous-mêmes, peu importe; car il faut que nous fassions semblant de ne pas le comprendre, excepté un de nous, que nous produirons comme interprète.

UN SOLDAT. – Mon bon capitaine, laissez-moi être l'interprète.

LE CAPITAINE. – N'es-tu pas connu de lui? Ne connaît-il pas ta voix?

LE SOLDAT. – Non, monsieur, je vous le garantis.

LE CAPITAINE. – Mais quel jargon nous parleras-tu?

LE SOLDAT. – Celui que vous me parlerez.

LE CAPITAINE. – Il faut qu'il nous prenne pour quelque bande d'étrangers à la solde de l'ennemi. N'oublions pas qu'il a une teinture de tous les langages des pays voisins: ainsi, il faut que chacun de nous parle un jargon à sa fantaisie, sans savoir ce que nous nous dirons l'un à l'autre. Tout ce que nous devons bien savoir, c'est le projet que nous avons en tête. Croassement de corbeau, ou tout autre babil, sera bon de reste. – Quant à vous, monsieur l'interprète, il faut que vous sachiez bien dissimuler. – Mais, ventre à terre! le voici qui vient, pour passer deux heures à dormir, et retourner ensuite débiter et jurer les mensonges qu'il forge.

(Entre Parolles.)

PAROLLES. – Dix heures! dans trois heures d'ici, il sera assez temps de retourner au quartier. Qu'est-ce que je dirai que j'ai fait? Il faut que ce soit quelque invention plausible pour se faire croire: on commence à me dépister, et les disgrâces ont dernièrement frappé trop souvent à ma porte. Je trouve que ma langue est trop téméraire: mais mon coeur a toujours devant les yeux la crainte de Mars et de ses enfants, et il ne soutient pas ce que hasarde ma langue.

LE CAPITAINE, à part. – Voilà la première vérité dont ta langue se soit jamais rendue coupable.

PAROLLES. – Quel diable m'engageait à entreprendre la reprise de ce tambour, en connaissant l'impossibilité, et sachant que je n'en avais nulle envie? – Il faut que je me fasse moi-même quelques blessures, et que je dise que je les ai reçues dans l'action; mais de légères blessures ne suffiraient pas pour persuader. Ils diront: «Quoi! vous en êtes échappé à si bon marché?» – Et de grandes blessures, je n'ose pas me les faire. Pourquoi? quelle preuve aura-t-on? – Ma langue, il faut que je vous mette dans la bouche d'une marchande de beurre, et que j'en achète une autre à la mule de Bajazet 30, si votre babil me jette dans les dangers.

LE CAPITAINE, à part. – Est-il possible qu'il sache ce qu'il est, et qu'il soit ce qu'il est?

PAROLLES. – Je voudrais qu'il me suffît de mettre mon habit en lambeaux, ou de briser mon épée espagnole.

LE CAPITAINE, à part. – Ce moyen ne peut pas aller.

PAROLLES. – Ou de griller ma barbe; et puis de dire que cela faisait partie du stratagème.

LE CAPITAINE. – Cela ne vaut pas mieux.

PAROLLES. – Ou de noyer mes habits, et puis de dire que j'ai été dépouillé.

LE CAPITAINE. – Cela ne peut guère servir.

PAROLLES. – Quand je jurerais que j'ai sauté par une fenêtre de la citadelle…

LE CAPITAINE, à part. – De quelle hauteur?

PAROLLES, continuant. – Trente brasses.

LE CAPITAINE. – Trois gros serments auraient encore peine à persuader cela.

PAROLLES. – Je voudrais avoir quelque tambour des ennemis, et alors je jurerais que c'est le même que j'ai repris.

LE CAPITAINE, à part. – Tu vas en entendre retentir un tout à l'heure.

(Un tambour bat.)

PAROLLES, étonné. – Un tambour des ennemis!

LE CAPITAINE fondant sur lui avec sa troupe. -Thraca movousus, cargo, cargo, cargo!

TOUS ENSEMBLE. -Cargo, cargo! villanda par corbo, cargo!

PAROLLES. – Oh! rançon, rançon! – Ne me bandez pas les yeux.

(Ils le saisissent et lui bandent les yeux.)

L'INTERPRÈTE. -Boskos thromuldo boskos.

PAROLLES. – Oui, je sais que vous êtes du régiment de Muskos, et je perdrai la vie faute de savoir cette langue. S'il est parmi vous quelque Allemand, quelque Danois, quelque Bas-Hollandais, Italien ou Français, qu'il me parle; je lui découvrirai des secrets qui perdront les Florentins.

L'INTERPRÈTE. -Boskos vauvado… Je t'entends, et je puis parler ta langue. Kerely bonto: songe à ta religion; car dix-sept poignards sont pointés contre ton sein.

PAROLLES. – Oh!

L'INTERPRÈTE. – Oh! ta prière, ta prière! -Mancha revania dulche.

LE CAPITAINE. -Oschorbi dulchos volivorca.

L'INTERPRÈTE. – Le général veut bien t'épargner encore, et, les yeux ainsi bandés, il te fera conduire pour recueillir de toi tes secrets: peut-être pourras-tu apprendre quelque chose qui te sauvera la vie.

PAROLLES. – Oh! laissez-moi vivre et je vous dévoilerai tous les secrets du camp, leurs forces, leurs desseins: oui, je vous dirai des choses qui vous étonneront.

L'INTERPRÈTE. – Mais le feras-tu fidèlement?

PAROLLES. – Si je ne le fais pas, que je sois damné!

L'INTERPRÈTE. -Acordo linta. Avance; on te permet de marcher.

(Il sort avec Parolles.)

LE CAPITAINE, à l'un d'eux. – Va dire au comte de Roussillon et à mon frère que nous avons pris la bécasse, et que nous la tiendrons enveloppée jusqu'à ce que nous ayons de leurs nouvelles.

LE SOLDAT. – Capitaine, j'y vais.

LE CAPITAINE. – Il nous trahira tous, en nous parlant à nous-mêmes. – Dis-leur cela.

LE SOLDAT. – Je n'y manquerai pas, capitaine.

LE CAPITAINE. – Jusqu'alors je le tiendrai dans les ténèbres, et bien enfermé.

(Ils sortent.)
27.Palmer, nom dérivé de la branche de palmier que portaient les pèlerins de profession.
28.Un vieil intermède imprimé en 1601, portait le nom du traitement fait à Jean Tambour, Jack Drum, et cette hospitalité consistait à ce qu'il paraît en coups et en injures.
29.Un crime d'intention de la part de Bertrand.
30.Quelques-uns lisent mute pour traduire par muet du sérail.
Yosh cheklamasi:
12+
Litresda chiqarilgan sana:
28 sentyabr 2017
Hajm:
110 Sahifa 1 tasvir
Mualliflik huquqi egasi:
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Ushbu kitob bilan o'qiladi