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Henri VI. 2

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(Entre Vaux.)

MARGUERITE. – Où court Vaux avec tant de précipitation? Quelles nouvelles, je t'en prie?

VAUX. – Annoncer au roi, madame, que le cardinal Beaufort touche à l'heure de sa mort; il a été tout à coup saisi d'un mal effrayant qui le fait haleter, rouler les yeux, et aspirer l'air avec avidité, blasphémant Dieu, et maudissant tous les hommes de la terre. Tantôt il parle comme si l'ombre du duc Humphroy était à ses côtés; tantôt il appelle le roi, puis confie tout bas à son oreiller, comme s'il parlait au roi, les secrets de son âme surchargée; et dans ce moment je suis envoyé pour informer Sa Majesté qu'il l'appelle à grands cris.

MARGUERITE. – Allez, faites votre triste message au roi. (Vaux sort.) Hélas! qu'est-ce que ce monde, et quelle nouvelle? mais quoi, irai-je donc m'affliger d'une misérable perte à déplorer une heure, et oublier l'exil de Suffolk, trésor de mon âme! Comment se fait-il, Suffolk, que je ne pleure pas uniquement sur toi, le disputant aux nuages du midi par l'abondance de mes larmes qui nourriraient mon chagrin comme les leurs nourrissent la terre? Mais hâte-toi de partir; le roi, tu le sais, va venir; et s'il te trouve avec moi, tu es mort.

SUFFOLK. – Si je me sépare de toi, je ne puis plus vivre. Mourir en ta présence, serait-ce autre chose que m'endormir avec joie dans tes bras? J'exhalerais mon âme dans les airs aussi doucement, aussi paisiblement que l'enfant au berceau qui meurt la mamelle de sa mère entre les lèvres. Mais mourant loin de toi, je mourrai dans les accès de la rage; je t'appellerai à grands cris pour clore mes yeux, pour fermer ma bouche de tes lèvres, et retenir mon âme prête à fuir, ou la recevoir dans ton coeur avec mon dernier soupir, et la faire vivre ainsi dans un doux Élysée. Mourir près de toi n'est qu'un jeu; mourir loin de toi serait un tourment pire que la mort. Oh! laisse-moi rester ici, arrive qui pourra.

MARGUERITE. – Ah! pars: la séparation est un douloureux corrosif, mais qu'il faut appliquer à une blessure mortelle. En France, cher Suffolk! Instruis-moi de ton sort, et, quelque part que tu t'arrêtes sur ce vaste globe, je saurai trouver une Iris pour t'y découvrir.

SUFFOLK. – Je pars!

MARGUERITE. – Et emporte mon coeur avec toi.

SUFFOLK. – Joyau gardé dans la plus lugubre cassette qui ait jamais renfermé une chose de prix! Nous nous séparons en deux comme une barque brisée sur le rocher; c'est de ce côté que la mort va m'engloutir.

MARGUERITE. – Et moi de ce côté.

(Ils sortent de deux côtés différents.)

SCÈNE III

Londres. – La chambre à coucher du cardinal Beaufort
Entrent LE ROI HENRI, SALISBURY, WARWICK, et plusieurs autres. LE CARDINAL est dans son lit entouré de plusieurs personnes

LE ROI. – Comment vous portez-vous, milord? Parle, Beaufort, à ton souverain.

LE CARDINAL. – Si tu es la mort, je te donnerai, des trésors de l'Angleterre, assez pour acheter une autre île pareille, afin que tu me laisses vivre et cesser de souffrir.

LE ROI. – Ah! quel signe d'une mauvaise vie, lorsque l'approche de la mort se montre si terrible!

WARWICK. – Beaufort, c'est ton souverain qui te parle.

LE CARDINAL. – Faites-moi mon procès quand vous voudrez. – N'est-il pas mort dans son lit? Où devait-il mourir? Puis-je faire vivre les hommes bon gré mal gré? – Oh! ne me torturez pas davantage, je confesserai… Quoi, encore en vie? Montrez-moi donc où il est. Je donnerai mille livres pour le voir… Il n'a point d'yeux, la poussière les a éteints. Peignez donc ses cheveux. Voyez, voyez, ils sont hérissés et droits comme des rameaux englués, pour arrêter les ailes de mon âme! Donnez-moi quelque chose à boire, et dites à l'apothicaire d'apporter le violent poison que je lui ai acheté.

LE ROI. – O toi, éternel moteur des cieux, jette un regard de miséricorde sur ce misérable! repousse le démon actif et vigilant qui assiége de toutes parts cette âme malheureuse, et délivre son sein de ce noir désespoir!

WARWICK. – Voyez, comme les angoisses de la mort lui font grincer les dents.

SALISBURY. – Ne le troublons point; laissons-le passer paisiblement.

LE ROI. – Que la paix soit à son âme, si c'est la volonté de Dieu! Milord cardinal, si tu espères en la félicité du ciel, lève ta main, donne-nous quelque signe d'espérance… Il meurt, et ne fait aucun signe! – O Dieu, pardonne-lui!

WARWICK. – Une mort si terrible atteste une vie monstrueuse.

LE ROI. – Abstenez-vous de juger, car nous sommes tous pécheurs. Fermez ses yeux, tirez les rideaux sur son corps, et allons tous méditer.

FIN DU TROISIÈME ACTE.

ACTE QUATRIÈME

SCÈNE I

Le bord de la mer près de Douvres
On entend sur la mer des coups de feu, puis on voit descendre d'un bâtiment UN CAPITAINE de navire, UN PILOTE, UN CONTRE-MAÎTRE, WALTER WHITMORE, et leurs gens, amenant SUFFOLK, et d'autres gentilshommes de sa suite, prisonniers

LE CAPITAINE. – Enfin le jour indiscret, joyeux, ouvert à la pitié, est rentré dans le sein profond de la mer. Maintenant les loups et leurs bruyants hurlements éveillent les coursiers qui tirent le char funeste de la nuit mélancolique, et de leurs ailes endormies, lentes et molles, enveloppent les tombeaux des morts, tandis que de leur gueule humide s'exhalent, dans l'air épaissi, les ténèbres contagieuses. Amenez donc les guerriers que nous venons de prendre; tandis que notre pinasse va rester à l'ancre dans les dunes, ils vont ici, sur la plage, traiter de leur rançon, où ils teindront de leur sang ce sable décoloré. Pilote, je te cède de bon coeur ce captif, et toi, contre-maître, fais ton profit de son compagnon. (Désignant Suffolk.) Withmore, celui-ci est ton partage.

PREMIER GENTILHOMME. – A quoi suis-je taxé, maître? fais-le-moi savoir.

LE PILOTE. – A mille couronnes; faute de quoi, à bas la tête.

LE CONTRE-MAÎTRE. – Et vous, vous m'en donnerez autant, ou la vôtre sautera.

LE CAPITAINE. – Quoi! pensez-vous donc que deux mille couronnes ce soit payer bien cher pour des gens qui portent le nom et la mine de gentilshommes? Coupez-moi la gorge à ces coquins-là: vous mourrez; de si faibles rançons ne compensent point la perte de nos compagnons tués dans le combat.

PREMIER GENTILHOMME. – Je vous les donnerai, monsieur, épargnez ma vie.

SECOND GENTILHOMME. – Et moi aussi; et je vais écrire sur-le-champ pour les avoir.

WHITMORE, à Suffolk. – J'ai perdu un oeil à l'abordage de cette prise; et pour ma vengeance tu mourras, toi; il en arriverait autant aux autres, si je faisais ma volonté.

LE CAPITAINE. – Ne sois pas si fou; prends une rançon et laisse-le vivre.

SUFFOLK. – Vois ma croix de Saint-George; je suis gentilhomme; taxe moi au prix que tu voudras, tu seras payé.

WHITMORE. – Je suis gentilhomme aussi, mon nom est Walter Whitmore… Comment! qui te fait tressaillir? Quoi! la mort te fait peur?

SUFFOLK. – C'est ton nom qui me fait peur; il renferme pour moi le son de la mort. Un habile homme, d'après des calculs sur ma naissance, m'a dit que je périrais par l'eau; et c'est là ce que signifie ton nom 16. Cependant que cela ne t'inspire pas des idées sanguinaires. Ton nom bien prononcé est Gauthier.

WHITMORE. – Que ce soit Gauthier ou Walter, peu m'importe: jamais l'ignoble déshonneur n'a terni notre nom, que ce fer n'en ait aussitôt effacé la tache. Aussi, quand je me résoudrai à vendre la vengeance comme une marchandise, que mon épée soit brisée, mes armes déchirées et effacées, et que je sois proclamé lâche dans tout l'univers.

(Il saisit Suffolk.)

SUFFOLK. – Arrête, Whitmore, ton prisonnier est un prince, le duc de Suffolk, William de la Pole.

WHITMORE. – Le duc de Suffolk, caché sous des haillons!

SUFFOLK. – Oui: mais ces vêtements ne font pas partie du duc. Jupiter s'est quelquefois travesti: pourquoi n'en ferais-je pas autant?

LE CAPITAINE. – Mais Jupiter n'a jamais été tué, et toi, tu vas l'être.

SUFFOLK. – Ignoble et vil paysan, le sang du roi Henri, le noble sang de Lancastre ne doit point être versé par un vil valet comme toi. Ne t'ai-je pas vu, baisant ta main, me tenir l'étrier, tête nue, et soutenant la housse de ma mule, heureux d'obtenir de moi un signe de tête? Combien de fois as-tu attendu pour recevoir mon verre, t'es-tu nourri des restes de mon buffet, t'es-tu agenouillé près de la table, lorsque je m'y asseyais avec la reine Marguerite? Souviens-t'en, et que cela te fasse un peu baisser le ton, et que cela adoucisse ton orgueil prématuré. Combien de fois ne t'es-tu pas tenu dans mes vestibules, pour attendre respectueusement ma sortie? Cette main a écrit en ta faveur: elle pourra donc charmer ta langue téméraire.

WHITMORE. – Parlez, capitaine: poignarderai-je ce rustre abandonné?

LE CAPITAINE. – Laisse-moi auparavant poignarder son coeur de mes paroles, comme il a fait le mien.

SUFFOLK. – Bas esclave, tes paroles sont sans vigueur comme toi.

LE CAPITAINE. – Emmenez-le d'ici, et tranchez-lui la tête sur notre chaloupe.

 

SUFFOLK. – Sur ta vie, tu ne l'oseras pas.

LE CAPITAINE. – Si fait, Poole 17.

SUFFOLK. – Poole?

LE CAPITAINE. – Pole, sir Pole, lord Poole, ruisseau boueux, mare, marais, dont le limon et la fange troublent les sources pures où s'abreuve l'Angleterre; je vais combler ta bouche toujours ouverte pour dévorer les trésors de l'État. Tes lèvres, qui ont baisé celles de la reine, balayeront la poussière. Toi, qu'on vit sourire à la mort du bon duc Humphroy, tu montreras en vain tes dents aux vents insensibles, qui te répondront avec mépris par leurs sifflements. Sois marié aux furies de l'enfer, pour avoir eu l'audace de fiancer un puissant prince à la fille d'un misérable roi, sans sujets, trésors, ni diadème. Tu t'es agrandi par une politique infernale, et, comme l'ambitieux Sylla, tu t'es gorgé du sang tiré à plaisir du coeur de ta mère. Par toi l'Anjou et le Maine ont été vendus aux Français. Par ta faute, les perfides Normands révoltés dédaignent de nous rendre hommage; la Picardie a massacré ses gouverneurs, surpris nos forteresses, et renvoyé, en Angleterre, les débris de nos soldats sanglants. C'est en haine de toi que le généreux Warwick et tous les Nevil, dont l'épée redoutable ne fut jamais tirée en vain, courent aux armes; et que la maison d'York, précipitée du trône par le honteux assassinat d'un roi innocent et les envahissements d'un tyran orgueilleux, brûle des feux de la vengeance. Déjà ses drapeaux pleins d'espoir marchent en avant sous l'emblème d'un soleil à demi voilé, et aspirent à briller avec cette devise: Invitis nubibus. Le peuple de Kent a pris les armes; et, pour conclure enfin, la honte et la misère sont entrées dans le palais de notre roi, et tous ces maux sont ton ouvrage. Allons, emmenez-le.

SUFFOLK. – Oh! que ne suis-je un dieu pour lancer la foudre sur cette misérable, cette abjecte et vile canaille! Il faut bien peu de chose pour enivrer des hommes de rien. Ce malheureux, parce qu'il commande une pinasse, menace plus haut que Bargulus, le puissant pirate de l'Illyrie. Des frelons ne sucent point le sang des aigles; c'est assez pour eux de piller la ruche de l'abeille. Il est impossible que je meure par la main d'un vassal aussi abject que toi. Tes discours émeuvent en moi la rage et non pas la crainte. La reine m'a chargé d'un message pour la France. Je te commande de me transporter sur ton bord de l'autre côté du canal.

LE CAPITAINE. – Walter…

WHITMORE. – Viens, Suffolk, je vais te transporter à la mort.

SUFFOLK. -Gelidus timor occupat artus: c'est toi que je crains.

WHITMORE. – Je t'en donnerai sujet avant de nous séparer. Quoi! êtes-vous dompté à présent? ne consentez-vous pas à vous humilier?

PREMIER GENTILHOMME. – Mon gracieux seigneur, intercédez pour votre vie: donnez-lui de bonnes paroles.

SUFFOLK. – La voix souveraine de Suffolk est sévère et inflexible. Accoutumée à commander, elle ne sait point demander grâce. Loin de moi la faiblesse d'honorer ces brigands d'une humble prière! Non; que ma tête s'abaisse sur le billot fatal, plutôt qu'on voie mes genoux fléchir devant personne, que devant le Dieu du ciel, ou devant mon roi; qu'on la voie plutôt danser en cadence sur un pieu sanglant, que se découvrir devant cette ignoble valetaille. La vraie noblesse est exempte de peur. (A Whitmore.) J'en puis souffrir plus que vous n'en osez exécuter.

LE CAPITAINE. – Arrachez-le d'ici, et qu'il n'en dise pas davantage.

SUFFOLK. – Allons, soldats, montrez-vous aussi cruels que vous pourrez, afin que ma mort ne soit jamais oubliée! plus d'un grand homme fat immolé par de vils brigands. Un estafier romain et un misérable bandit massacrèrent l'éloquent Cicéron: la main bâtarde de Brutus poignarda Jules César; de sauvages insulaires égorgèrent le grand Pompée, et Suffolk meurt par la main des pirates.

(Sortent Suffolk, Whitmore, et plusieurs autres.)

LE CAPITAINE. – A l'égard de ceux dont nous avons fixé la rançon, ma volonté est que l'un d'eux soit relâché sur sa parole: ainsi donc venez avec nous et laissez-le partir.

(Tous sortent excepté le premier gentilhomme.)
(Rentre Whitmore, portant le corps de Suffolk.)

WHITMORE. – Que cette tête et ce corps sans vie restent gisants ici (il les jette sur la terre), jusqu'à ce que la reine, sa maîtresse, lui donne la sépulture.

(Il sort.)

PREMIER GENTILHOMME. – O barbare et sanglant spectacle! je veux porter son corps au roi; et s'il laisse sa mort impunie, ses amis la vengeront. La reine la vengera, elle à qui Suffolk vivant était si cher.

(Il sort en emportant le corps.)

SCÈNE II

Une autre partie du comté de Kent
BEVIS, laboureur; JOHN HOLLAND

BEVIS. – Viens, et procure-toi une épée, ne fût-elle que de latte. Ils sont sur pied depuis deux jours.

HOLLAND. – Ils n'en ont que plus besoin de dormir aujourd'hui.

BEVIS. – Je te dis que Jacques Cade, le drapier, se propose de rhabiller l'État, de le retourner et de le mettre à neuf.

HOLLAND. – Il en a bien besoin, car on voit la corde. Oui, je le répète, il n'y a pas eu un moment de bon temps en Angleterre, depuis que les nobles ont pris le dessus.

BEVIS. – O malheureux âge! on ne fait aucun cas de la vertu dans les gens de métier.

HOLLAND. – La noblesse croit que c'est une honte que de porter un tablier de cuir.

BEVIS. – Bien plus, il n'y a dans le conseil du roi que de mauvais ouvriers.

HOLLAND. – C'est la vérité; et cependant il est dit: Travaille dans ta vocation. C'est comme qui dirait: Que les magistrats soient des travailleurs, et dès lors nous devrions être magistrats.

BEVIS. – Tu as touché juste, car il n'y a point de signe plus certain d'un bon courage qu'une main durcie.

HOLLAND. – Oh! je les vois, je les vois; je reconnais le fils de Best, tanneur de Wingham.

BEVIS. – Il prendra la peau de nos ennemis pour faire du cuir de chien.

HOLLAND. – Et voilà aussi Dick, le boucher.

BEVIS. – Allons, le péché sera assommé comme un boeuf, et l'iniquité égorgée comme un veau.

HOLLAND. – Et Smith, le tisserand.

BEVIS. -Argo, le fil de leur vie tire à sa fin.

HOLLAND. – Allons, viens: mêlons-nous avec eux.

(Tambour. Entrent Cade, Dick le boucher, Smith le tisserand, et d'autres en grand nombre.)

CADE. – Nous, Jean Cade, ainsi appelé du nom de notre père putatif.

DICK. – Ou plutôt pour avoir volé une caque 18 de harengs.

CADE. – Et parce que nos ennemis tomberont devant nous 19, qui sommes inspirés de l'esprit de renversement contre les rois et les princes… – Commande le silence.

DICK. – Silence!

CADE. – Mon père était un Mortimer.

DICK, à part. – C'était un fort honnête homme, un fort bon maçon.

CADE. – Ma mère, une Plantagenet.

DICK, à part. – Je l'ai bien connue: elle était sage-femme.

CADE. – Ma femme descendait des Lacy.

DICK, à part. – En effet, elle était fille d'un porte-balle, et elle a vendu force lacets.

SMITH, à part. – Mais depuis quelque temps, n'étant plus en état de voyager chargée de sa malle, elle est blanchisseuse ici dans le canton.

CADE. – Je suis donc sorti d'une honorable maison.

DICK, à part. – Oui, sur ma foi. Les champs sont un honorable domicile, et c'est là qu'il est né, sous une haie; car jamais son père n'a eu d'autre maison que la prison.

CADE. – Je suis vaillant.

SMITH, à part. – Il le faut bien: la misère est brave.

CADE. – Je sais souffrir la peine.

DICK, à part. – Oh! cela n'est pas douteux; car je l'ai vu fouetter pendant trois jours de marché consécutifs.

CADE. – Je ne crains ni le fer ni le feu.

SMITH. – Il ne doit pas craindre le fer, car son habit est à l'épreuve de tout.

DICK, à part. – Mais il me semble qu'il devrait craindre un peu le feu, après avoir eu la main brûlée pour un vol de moutons.

CADE. – Soyez donc braves, car votre chef est brave et fait voeu de réformer l'État. Les sept pains d'un demi-penny seront vendus, en Angleterre, pour un penny; la mesure de trois pots en contiendra dix, et sous mes lois ce sera félonie que de boire de la petite bière. Tout le royaume sera en communes, et mon palefroi ira paître l'herbe de Cheapside. Et lorsque je serai roi… (car je serai roi!)

TOUT LE PEUPLE. – Dieu conserve Votre Majesté!

CADE. – Je vous remercie, bon peuple. Il n'y aura plus d'argent; tous boiront et mangeront à mes frais, et je les habillerai tous d'un même uniforme, afin qu'ils puissent être unis comme des frères et me révérer comme leur souverain.

DICK. – La première chose à faire, c'est d'aller tuer tous les gens de loi.

CADE. – Oui, c'est bien mon dessein. N'est-ce pas une chose déplorable que la peau d'un innocent agneau serve à faire du parchemin, et que le parchemin, lorsqu'il aura été griffonné, puisse perdre un homme? On dit que l'abeille fait mal avec son aiguillon, et moi je dis que c'est la cire de l'abeille. Je n'ai usé du sceau qu'une fois, et je n'ai jamais été mon maître depuis. – Qu'y a-t-il? Qui vient à nous?

(Entrent quelques hommes, conduisant le clerc de Chatham.)

SMITH. – C'est le clerc de Chatham: il sait écrire et lire, et dresser un compte.

CADE. – Chose horrible!

SMITH. – Nous l'avons pris faisant des exemples pour les enfants.

CADE. – C'est un infâme.

SMITH. – Il a dans sa poche un livre écrit en lettres rouges.

CADE. – C'est de plus un sorcier.

DICK. – Il sait encore faire des contrats, et écrire par abréviation.

CADE. – J'en suis fâché pour lui. C'est un homme de bonne façon, sur mon honneur; et si je ne le trouve pas coupable, il ne mourra pas. – Approche ici, je veux t'examiner. Quel est ton nom?

LE CLERC. – Emmanuel.

DICK. – C'est le nom que les nobles ont coutume d'écrire en tête de leurs lettres. – Vos affaires vont mal.

CADE. – Laisse-moi lui parler. – As-tu coutume d'écrire ton nom? Ou as-tu une marque pour désigner ta signature, comme il convient à un honnête homme qui y va tout bonnement?

LE CLERC. – Monsieur, j'ai été, Dieu merci, assez bien élevé pour savoir écrire mon nom.

LE PEUPLE. – Il a avoué. Emmenez-le: c'est un scélérat, un traître.

CADE. – Emmenez-le, dis-je, et qu'on le pende avec sa plume et son cornet au cou.

(Quelques-uns des assistants sortent emmenant le clerc.)
(Entre Michel.)

MICHEL. – Où est notre général?

CADE. – Me voici. Que me veux-tu si particulièrement?

MICHEL. – Fuyez, fuyez, fuyez! Milord Stafford et son frère sont ici près avec les troupes du roi.

CADE. – Arrête, misérable, arrête, ou je te jette à bas. – Il aura affaire à aussi bon que lui. Ce n'est qu'un chevalier, n'est-ce pas?

MICHEL. – Non.

CADE. – Pour être son égal, je vais me faire chevalier à l'instant. Relève-toi, sir Jean Mortimer. A présent, marchons à lui.

(Entrent sir Humphroy Stafford et William son frère, avec des tambours et des soldats.)

STAFFORD. – Populace rebelle, l'écume et la fange du comté de Kent, marqués pour la potence, jetez vos armes, regagnez vos chaumières, et abandonnez ce drôle. Le roi sera miséricordieux, si vous abjurez la révolte.

WILLIAM STAFFORD. – Mais il sera furieux, inexorable et sanguinaire, si vous y persévérez: ainsi, l'obéissance ou la mort.

CADE. – Pour ces esclaves vêtus de soie, je n'y fais pas attention. C'est à vous que je m'adresse, bon peuple, sur qui j'espère régner un jour; car je suis l'héritier légitime de la couronne.

 

STAFFORD. – Misérable! ton père était un maçon; et toi-même, qu'est-ce que tu es, un tondeur de draps, n'est-ce pas?

CADE. – Et Adam était un jardinier.

WILLIAM STAFFORD. – Eh bien, quelle conséquence?

CADE. – Vraiment, la voici. Edmond Mortimer, comte des Marches, épousa la fille du duc de Clarence. Cela n'est-il pas vrai?

STAFFORD. – Eh bien, après?

CADE. – Elle accoucha, à la fois, de deux enfants mâles.

WILLIAM STAFFORD. – Cela est faux.

CADE. – Oui, c'est là la question; mais je dis, moi, que cela est vrai. Le premier né des deux ayant été mis en nourrice, fut enlevé par une mendiante; et ignorant sa naissance et son parentage, se fit maçon quand il fut en âge. Je suis son fils. Niez-le, si vous pouvez.

DICK. – Oui, c'est encore vrai; en conséquence, il sera roi.

SMITH. – Oui, monsieur, il a fait une cheminée chez mon père, et les briques en sont encore sur pied pour rendre témoignage; ainsi, n'allez pas dire le contraire.

STAFFORD. – Ajouterez-vous donc foi aux paroles de ce vil coquin qui parle de ce qu'il ne sait pas?

LE PEUPLE. – Oui, nous le croyons; allez-vous-en donc.

WILLIAM STAFFORD. – Jack Cade, c'est le duc d'York qui vous fait la leçon.

CADE, à part. – Il ment, car c'est moi qui l'ai inventée. (Haut.) Va, mon cher, dis au roi de ma part, que pour l'amour de son père, Henri V, au temps de qui les enfants jouaient au petit palet avec des écus de France, je consens à le laisser régner, à condition que je serai son protecteur.

UN CHEF DU PEUPLE. – Et de plus, que nous voulons avoir la tête du lord Say, qui a vendu le duché du Maine.

CADE. – Et cela est juste; car par là l'Angleterre a été estropiée, et marcherait bientôt avec un bâton, si ma puissance ne la soutenait. Camarades rois, je vous dis que le lord Say a mutilé l'État, et l'a fait eunuque; et pis que tout cela, il sait parler français, et par conséquent c'est un traître.

STAFFORD. – O grossière et déplorable ignorance!

CADE. – Eh bien, répondez si vous pouvez. Les Français sont nos ennemis; cela posé, je dis seulement: celui qui parle avec la langue d'un ennemi, peut-il être un bon conseiller ou non?

TOUT LE PEUPLE. – Non, non, et nous voulons avoir sa tête.

WILLIAM STAFFORD. – Allons, puisque les paroles de douceur n'y peuvent rien, fondons sur eux avec l'armée du roi.

STAFFORD. – Allez, héraut, et proclamez traîtres, dans toutes les villes, tous ceux qui s'armeront en faveur de Cade: annoncez que ceux qui fuiront de nos rangs avant la fin de la bataille seront, pour l'exemple, pendus à leur porte, sous les yeux de leurs femmes et de leurs enfants. Que ceux qui tiennent pour le roi me suivent.

(Les deux Stafford sortent avec leurs troupes.)

CADE. – Et que ceux qui aiment le peuple me suivent: voici le moment de montrer que vous êtes des hommes; c'est pour la liberté. Nous ne laisserons pas sur pied un seul lord, un seul noble. N'épargnons que ceux qui seront mal vêtus; car ce sont de pauvres et honnêtes gens, qui prendraient bien notre parti s'ils l'osaient.

DICK. – Les voilà qui viennent en bon ordre, et qui s'avancent contre nous.

CADE. – Et notre ordre, à nous, c'est d'être bien en désordre. En avant, marche!

16C'est là ce que signifie ton nom. Il a fallu ajouter ces paroles, pour rendre la chose intelligible. Walter se prononce à peu près comme Water (eau), ce qui, dans l'anglais, fait comprendre sur-le-champ le sujet de la crainte de Suffolk, et ne peut se remplacer en français.
17Le capitaine travestit ici le nom de Pole en poole ou pool, qui signifie eau stagnante.
18En vieil anglais cade signifie caque.
19De cado.