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Le grillon du foyer

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– Je voudrais bien, moi aussi, que cela put être, dit le voiturier.

– Merci, dit le petit homme. Vous dites cela de bon coeur. Penser qu'elle ne verra jamais ces poupées dont elle est entourée tout le jour! Voilà qui est poignant. Combien vous dois-je, John?

– Vous vous moquez, ce n'est pas la peine; je me fâcherai, si vous me le demandez encore.

– Je reconnais bien là votre bon coeur. Voyons, je crois que c'est tout.

– Je ne crois pas, dit le voiturier. Cherchons encore.

– Quelque chose pour notre marchand, sans doute, dit Caleb. C'est pour cela que je suis venu, mais ma tête est si occupée d'arches et d'autres choses! N'est-il pas venu?

– Non, répondit le voiturier. Il est trop occupé, il va se marier.

– Cependant il viendra, dit Caleb; car il m'a dit de suivre la route qui mène chez moi; il y aurait dix contre un à parier qu'il me rencontrerait. Je ferais donc bien de m'en aller. Auriez vous la bonté, madame, de me laisser pincer la queue de Boxer un instant?

– Pourquoi donc, Caleb? belle demande!

– N'y faites pas attention, dit le petit homme; Il est possible que cela ne lui plaise pas; mais j'ai reçu une petite commande de chiens jappant, et je voudrais essayer d'imiter la nature de mon mieux pour six pence. Voilà tout.

Heureusement, Boxer se mit à aboyer sans attendre le stimulant. Mais il annonçait l'approche d'un nouveau visiteur, Caleb renvoya son expérience à un meilleur moment, mit la boîte ronde sur son épaule et se hâta de prendre congé. Il aurait pu s'en épargner la peine, car il rencontra le visiteur sur le pas de la porte.

– Oh! Vous êtes ici, vous? Attendez un moment je vous emmènerai chez moi. John Peerybingle, je vous présente mes devoirs. Je les présente à votre charmante femme. Elle embellit de jour en jour, et elle rajeunit, ce qui n'est pas le plus beau de l'histoire.

– Je serais surprise de votre compliment, M. Tackleton, dit Dot avec assez peu de bonne grâce, si je ne savais pas quelle en est la cause.

– Vous la savez donc?

– Je le crois, du moins, dit Dot.

– Ce n'a pas été sans peine, je suppose.

– C'est vrai.

Tackleton, le marchand de joujoux, connu sous le nom de Gruff et Tackleton, son ancienne maison de commerce quand il avait pour associé Gruff, Gruff le rébarbatif, Tackleton, était un homme dont la vocation avait été tout à fait incomprise de ses parents et de ses tuteurs. S'ils en avaient fait un prêteur d'argent, un procureur, un recors, il aurait jeté dans sa jeunesse sa gourme de mauvais sentiments, et après avoir fait beaucoup d'affaires louches, il aurait pu devenir aimable, ne fût-ce que par amour de la nouveauté et du changement. Mais rivé à la profession de fabricant de joujoux, il était devenu un ogre domestique, qui avait passé toute sa vie à s'occuper des enfants, et était leur implacable ennemi. Il méprisait tous les joujoux; il n'en aurait pas acheté pour tout au monde. Dans sa malice, il se plaisait à donner l'expression la plus grimaçante aux fermiers qui conduisaient les cochons au marché, au crieur public qui recherchait les consciences de procureurs perdues, aux vieilles femmes qui raccommodaient des bas ou qui découpaient un pâté, et autres personnages qui composaient son fond de boutique; son esprit jouissait, quand il faisait des vampires, des diables à ressorts enfoncés dans une boîte, destinés à faire peur aux enfants. C'était son seul plaisir, et il se montrait grand dans ces inventions. C'était un délice pour lui que d'inventer un croquemitaine ou un sorcier. Il avait mangé de l'argent pour faire fabriquer des verres de lanterne magique où le démon était représenté sous la forme d'un homard à figure humaine. Il en avait aussi perdu à faire faire des géants hideux. Il n'était pas peintre, mais avec un morceau de craie il indiquait à ses artistes par un simple trait, le moyen d'enlaidir la physionomie de ces monstres, qui étaient capables de troubler l'imagination des enfants de dix à douze ans pendant toutes leurs vacances.

Ce qu'il était pour les joujoux, il l'était, comme la plupart des hommes, pour toutes les autres choses. Vous pouvez donc supposer aisément que la grande capote verte qui descendait jusqu'au mollet, et qui était boutonnée jusqu'au menton, enveloppait un compagnon fort peu agréable.

Et pourtant, Tackleton le marchand de joujoux allait se marier; oui il allait se marier en dépit de tout cela, et il allait épouser une femme jeune et jolie.

Il n'avait pas du tout la mine d'un fiancé, dans la cuisine du voiturier, avec sa figure sèche, sa taille ficelée dans sa redingote, son chapeau rabattu sur le nez, ses mains fourrées au fond de ses poches, son oeil ricaneur où semblait s'être concentrée toute la noirceur de nombre de corbeaux. Pourtant il allait se marier.

– Dans trois jours, jeudi prochain, le dernier jour du premier mois de l'année, ce sera mon jour de noce, dit Tackleton.

Ai-je dit qu'il avait toujours un oeil grand ouvert, et l'autre presque fermé, et que l'oeil presque fermé était le plus expressif? Je ne crois pas l'avoir dit.

– C'est mon jour de noce, dit Tackleton en faisant sonner son argent.

– C'est aussi le nôtre, s'écria le voiturier.

– Ha! ha! vraiment, dit Tackleton en riant. Vous faites précisément un couple pareil à nous.

L'indignation de Dot à cette assertion présomptueuse ne peut se décrire. Cet homme était fou.

– Écoutez, dit Tackleton en poussant le voiturier du coude et le tirant un peu à l'écart, vous serez de la noce; nous sommes embarqués dans le même bateau.

– Comment, dans le même bateau! dit le voiturier.

– À peu de chose près, vous savez, dit Tackleton. Venez passer une soirée avec nous auparavant.

– Pourquoi? dit le voiturier étonné d'une hospitalité si pressante.

– Pourquoi? reprit l'autre, voilà une nouvelle manière de recevoir une invitation! Pourquoi? pour se récréer, pour être en société, vous savez, pour s'amuser.

– Je croyais que vous n'étiez pas toujours sociable, dit le voiturier avec sa franchise.

– Allons, dit Tackleton, je vois qu'il ne sert de rien d'être franc avec vous; c'est parce que votre femme et vous avez l'air d'être parfaitement bien ensemble. Vous comprenez…

– Non, je ne comprends pas, interrompit John, que voulez-vous dire?

– Eh bien! dit Tackleton, comme vous avez l'air de faire très bon ménage, votre société fera un très bon effet sur mistress Tackleton. Et quoique je ne crois pas que votre femme me voie de très bon oeil, elle ne peut s'empêcher d'entrer dans mes vues, car rien que son apparition avec vous fera l'effet que je désire. Dites-moi donc que vous viendrez.

– Nous nous sommes arrangés pour célébrer l'anniversaire de notre jour de noce chez nous, nous nous le sommes promis. Vous savez que le chez soi

– Qu'est-ce que c'est que le chez soi? s'écria Tackleton, quatre murs et un plafond. – Vous avez un grillon? Pourquoi ne les tuez- vous pas? je les tue, moi; je déteste ce cri. – il y a quatre murs et un plafond chez moi; venez-y.

– Vous tuez les grillons? dit John.

– Je les écrase, répondit l'autre en frappant le sol du talon. Vous viendrez, n'est-ce pas? C'est autant votre intérêt que le mien que les femmes se persuadent l'une à l'autre qu'elles sont contentes et qu'elles ne peuvent pas être mieux. Je les connais. Tout ce qu'une femme dit, une autre femme est aussitôt déterminée à le croire. Il y a entre elles un esprit d'émulation tel que, si votre femme dit: «Je suis la plus heureuse femme du monde, mon mari est le meilleur des maris, et je suis folle de lui», ma femme dira la même chose de moi à la vôtre, et plus encore, elle la croira à moitié.

– Voudriez-vous dire qu'elle ne le pense pas? demanda le voiturier.

– Qu'elle ne pense pas quoi? s'écria Tackleton avec un rire sardonique.

Le voiturier avait envie d'ajouter: «Qu'elle n'est pas folle de vous,» mais en voyant son oeil à demi fermé, et une physionomie si peu faite pour exciter l'affection, il dit: – Qu'elle ne le croit pas?

– Ah! vous plaisantez, dit Tackleton.

Mais le voiturier dont l'esprit était trop lent pour comprendre la signification de ses paroles, regarda Tackleton d'un air si sérieux, que celui-ci se crut obligé d'être un peu plus explicite.

– J'ai le goût d'épouser une femme jeune et jolie dit-il; c'est mon goût et j'ai les moyens de le satisfaire. C'est mon caprice. Mais… regardez.

Tackleton montrant du doigt Dot assise devant le feu, le menton appuyé sur sa main, et regardant la flamme d'un air pensif. Les regards du voiturier se portèrent alternativement de sa femme sur Tackleton, et de Tackleton sur sa femme.

– Elle vous respecte et vous obéit, sans doute, dit Tackleton; eh! bien, comme je ne suis pas un homme à grands sentiments, cela me suffit. Mais croyez-vous qu'il n'y ait rien de plus en elle?

– Je crois, répondit le voiturier, que si un homme me disait qu'il n'y a rien de plus, je le jetterais par la fenêtre.

– C'est bien cela, dit l'autre avec sa promptitude ordinaire. J'en suis sûr. Je ne doute pas que vous le feriez. J'en suis certain. Bonsoir. Je vous souhaite de bons rêves.

Le brave voiturier était abasourdi, et ces paroles l'avaient mis mal à l'aise, malgré lui. Il ne put s'empêcher de le montrer à sa manière.

– Bonsoir, mon cher ami, dit Tackleton d'un air de compassion. Je m'en vais. Je vois qu'en réalité nous sommes logés tous deux à la même enseigne. Ne viendrez-vous pas demain soir? Bon! Demain vous sortirez pour faire des visites. Je sais où vous irez, et j'y mènerai celle qui doit être ma femme. Cela lui fera du bien. Vous y consentez? Merci. Qu'est-ce?

C'était un grand cri poussé par la femme du voiturier, un cri aigu, perçant, qui fit retentir la cuisine. Elle s'était levée de sa chaise, et elle était debout en proie à la terreur et à la surprise.

 

– Dot! cria le voiturier. Mary! Darling! Qu'est-ce qui est arrivé?

Ils furent tous là dans un instant. Caleb, qui s'était appuyé sur la caisse de gâteau, n'avait repris qu'imparfaitement sa lucidité d'esprit en s'éveillant en sursaut, et saisit miss Slowbody par les cheveux; mais il lui en demanda pardon aussitôt.

– Mary! s'écria le voiturier en soutenant sa femme dans ses bras; vous trouvez-vous mal? Qu'avez-vous? dites-le moi, ma chère.

Elle ne répondit qu'en frappant ses mains l'une contre l'autre, et en partant d'un éclat de rire. Puis, se laissant glisser à terre, elle se couvrit le visage de son tablier, et se mit à pleurer à chaudes larmes. Ensuite, elle éclata encore de rire, après cela elle poussa des cris; enfin elle dit qu'elle se sentait froide, et elle se laissa ramener au près du feu. Le vieillard était debout comme auparavant tout à fait calme.

– Je suis mieux, John, dit-elle; je suis parfaitement remise; je…

Mais John était du côté opposé, et elle avait le visage tourné vers l'étrange vieillard, comme si elle s'adressait à lui. Sa tête se dérangeait-elle?

– Ce n'est qu'une imagination, mon cher John… quelque chose qui m'a passé tout à coup devant les yeux; je ne sais ce que c'était. Cela est passé, tout à fait passé.

– Je suis charmé que ce soit passé, dit Tackleton, en jetant un regard expressif autour de la cuisine. Mais qu'est-ce que ce pouvait être? Caleb, quel est cet homme à cheveux gris?

– Je ne le connais pas, monsieur, répondit Caleb tout bas. Je ne l'ai jamais vu de ma vie. Une bonne figure pour un casse-noisette; tout à fait un nouveau modèle. En lui faisant une mâchoire inférieure qui pendrait jusque sur son gilet, il serait très original.

– Il n'est pas assez laid, dit Tackleton.

– Ou bien pour un serre-allumettes, continua Caleb absorbé dans ses réflexions. Quel modèle! On lui ouvrirait la tête pour lui mettre des allumettes, et on lui tournerait les talons en l'air pour les y frotter. Cela ferait très bien sur une cheminée de bonne maison.

– Ce n'est pas assez laid, dit M. Tackleton. Allons Caleb, venez avec moi et portez-moi cette boîte. J'espère que vous allez bien maintenant, mistress Peerybingle?

– Oh! tout est passé, répondit la petite femme, en faisant un geste comme pour le repousser. Bonsoir.

– Bonsoir, madame; bonsoir, John Peerybingle. Caleb, prenez garde à la boîte. Je vous tuerais, si vous la laissiez tomber. Que la nuit est noire! et comme le temps est devenu encore plus mauvais! Bonsoir.

Et il partit, après avoir jeté un dernier regard tout autour de la cuisine. Caleb le suivit, en portant le gâteau de mariage sur sa tête.

Le voiturier avait été tellement mis hors de lui par le cri de sa femme, et dans son inquiétude il avait été tellement absorbé par les soins qu'il lui donnait, qu'il avait presque oublié l'étranger, qui se trouvait maintenant la seule personne qui ne fut pas de la maison.

John dit à Dot: – Vous voyez que ni M. Tackleton, ni Caleb ne l'ont réclamé. Il faut que je lui fasse savoir qu'il est temps de s'en aller.

Au même instant, l'étranger s'avançant vers lui, lui dit: – Pardon, mon ami, je crains que votre femme n'ait été indisposée. Je regrette de vous donner de l'embarras, mais ne voyant pas arriver le serviteur que mon infirmité me rend indispensable, je redoute quelque méprise. Le temps, qui m'a rendu si utile l'abri de votre voiture, continue à être mauvais. Seriez-vous assez bon pour me faire dresser un lit ici?

La pantomime de l'étranger, qui avait montré ses oreilles en parlant de son infirmité, avait donné plus de force à ses paroles.

– Oui, certainement, répondit Dot avec empressement.

– Oh! dit le voiturier surpris de la promptitude avec laquelle ce consentement avait été donné. Bien! je n'ai rien à objecter mais cependant je ne suis pas sûr que…

– Chut, mon cher John, interrompit-elle.

– Bah! il est sourd comme une pierre, reprit John.

– Je le sais, mais… Oui, monsieur. Oui, certainement. Je vais lui dresser un lit tout de suite. John.

Comme elle courait pour exécuter cette promesse, le trouble de son esprit et l'agitation de ses manières étaient si étranges, que le voiturier la regarda tout ébahi.

– Les mamans vont donc faire les lits! dit miss Slowbody au baby avec ses pluriels absurdes; ses cheveux tomberont tout ébouriffés quand elles ôteront les bonnets, et les bonnes amies assises auprès du feu auront peur.

Avec cette attention à des bagatelles qu'accompagne souvent l'inquiétude d'esprit, le voiturier tout en se promenant de long en large, répéta maintefois mentalement ces paroles absurdes. Il les répéta si souvent qu'il les apprit par coeur, et il les récitait comme une leçon, lorsque Tilly Slowbody, après avoir frictionné avec la main la tête de l'enfant, lui rattacha son bonnet.

– Nos chères amies assises au coin du feu ont eu peur. Qu'est-ce qui a donc pu faire peur à Dot? je ne puis me le figurer, murmurait le voiturier en allant et venant dans la cuisine.

Il se rappelait les insinuations du marchand de joujoux, et elles remplissaient son coeur d'un malaise vague et indéfinissable. En vain il cherchait à bannir ce souvenir, mais M. Tackleton était un esprit vif et rusé, tandis que le voiturier ne pouvait s'empêcher de reconnaître qu'il n'était lui-même qu'un homme à conception lente, pour qui une indication incomplète ou interrompue était une vraie torture. Ce n'était pas qu'il voulût rattacher la conduite si extraordinaire de sa femme à aucune des paroles de M. Tackleton, mais ces deux choses sans relation apparente entre elles, ne cessaient pas de se représenter à son esprit d'une manière inséparable.

Le lit fut bientôt prêt; et l'étranger, refusant tout autre rafraîchissement qu'une tasse de thé, se retira. Alors Dot, tout à fait remise, dit-elle, arrangea pour son mari la grande chaise au coin de la cheminée, chargea sa pipe et la lui remit, et s'assit à côté de lui sur son tabouret placé comme d'habitude sur le foyer.

Elle aimait bien ce tabouret, dit-elle, elle aurait toujours voulu y être assise sur ce petit tabouret mignon qu'elle préférait à tout autre siège.

Elle était la femme du monde la plus capable de charger une pipe. Il y avait du plaisir à la voir introduire ses jolis doigts dans le fourneau, souffler dans le tuyau pour le nettoyer, et puis y souffler encore une douzaine de fois, comme si elle ne savait qu'il n'y avait plus rien à en faire sortir, le mettre devant son oeil comme une lunette d'approche, et regarder à travers avec mignardise. Elle déployait un vrai art à bourrer les fourneaux de tabac, et elle mettait de l'art, oui vraiment, de l'art, lorsque le voiturier avait mis la pipe à la bouche, à mettre le feu à la pipe avec un papier allumé, sans jamais brûler le nez de son mari, quoiqu'elle en approchât de fort près.

Le Grillon et la bouilloire, se remettant à chanter, reconnaissaient aussi cet art. Le feu, qui brillait d'un nouvel éclat le reconnaissait. Le petit faucheur de la pendule, dont le travail n'attirait l'attention de personne, le reconnaissait. Et celui qui le reconnaissait le mieux c'était le voiturier, dont le visage s'épanouissait au milieu du tourbillon de fumée.

Pendant qu'il fumait sa vieille pipe d'un air calme et pensif, pendant que la pendule tintait, que le feu brillait, et que le Grillon chantait, ce génie du foyer et de la maison – car tel était le Grillon – sortit sous une forme de fée, et évoqua autour de lui des images nombreuses, des souvenirs domestiques. Des Dots de tous les âges remplirent la chambre. Des Dots qui n'étaient que des enfants, courant devant lui, cueillant des fleurs dans les prés, des Dots timides, fuyant à demi et cédant à demi, à son image un peu lourde; des Dots mariées faisant leur entrée dans la maison et prenant possession des clés d'un air de triomphe; des Dots récemment mères, suivies de Slowbody imaginaires portant des enfants au baptême; des Dots plus âgées, mais toujours charmantes regardant danser des jeunes Dots leurs filles dans un bal rustique, des Dots ayant pris de l'embonpoint et entourées de leurs petits enfants; des Dots décrépites, marchant en chancelant, appuyées sur des bâtons. De vieux voituriers lui apparurent aussi avec de vieux chiens Boxer couchés à leurs pieds; de nouvelles voitures conduites, par de nouveaux voituriers – les frères Peerybingle, lisait-on sur les plaques; – de vieux voituriers malades, soignés par les plus gentilles mains, et enfin des tombes de vieux voituriers dans la verdure du cimetière. Et comme le Grillon lui montrait toutes ces choses – il les voyait distinctement, quoiqu'il eût les yeux fixés sur le feu, – le coeur du voiturier se dilatait de joie et il remerciait de tout son pouvoir les dieux de la maison, et ne pensait pas plus que vous à Gruff et Tackleton.

Mais quelle est cette figure de jeune homme que le Grillon-fée lui montrait si près du tabouret de Dot.

Pourquoi se tenait-il là, tout seul, le bras sur le manteau de la cheminée, répétant toujours: «Mariée et pas avec moi!»

Oh Dot! il n'y a plus de place pour cette vision dans toutes celles de votre mari; pourquoi cette ombre est-elle tombée sur mon coeur!

CHAPITRE II
Second Cri

Caleb Plummer et la fille aveugle habitaient seuls ensemble, comme disent les livres de contes. – Je bénis ces livres, et j'espère que vous les bénirez comme moi de ce qu'ils racontent quelque chose de ce monde prosaïque. Caleb Plummer et sa fille aveugle habitaient seuls ensemble, dans une petite baraque en bois, appuyée contre la maison de Gruff et Tackleton, qui faisait l'effet d'une verrue sur un nez. La maison de Gruff et Tackleton était celle qui faisait le plus de figure dans toute la rue, tandis que vous auriez démoli en deux coups de marteau toute la baraque de Caleb, et vous en auriez emporté tous les débris sur une seule voiture.

Si quelqu'un avait arrêté ses yeux pour honorer d'un regard la place de la masure de Caleb Plummer, ce n'aurait été sans doute, que pour en approuver la démolition pour cause d'embellissement de la rue; car elle faisait sur la maison de Gruff et Tackleton l'effet d'une excroissance, telle qu'une verrue sur un nez, un coquillage sur la carène d'un navire, un clou sur une porte, un champignon sur la tige d'un arbre. Mais c'était de ce germe qu'était sorti le tronc superbe de Gruff et Tackleton. Sous ce toit crevassé, l'avant-dernier Gruff avait commencé, sur une petite échelle, la fabrique de joujoux pour des garçons et des filles, maintenant devenus vieux, qui en avaient joué, qui les avaient brisés et qui avaient été dormir.

J'ai dit que Caleb et sa pauvre fille aveugle habitaient là, mais j'aurais dû dire que Caleb habitait là et que sa fille habitait ailleurs; elle habitait une demeure enchantée par le talent de Caleb, où la pauvreté, le dénuement, et les soucis ne pénétraient jamais. Caleb n'était pas sorcier, mais il possédait là son art magique réservé aux hommes: la magie du dévouement, et l'amour sans bornes. La nature avait été sa seule maîtresse, et lui avait enseigné à produire tous ses enchantements.

La fille aveugle n'avait jamais su que le plafond était sale, les murs décrépits et lézardés, et laissant à l'air des passages de plus en plus nombreux; que les solives vermoulues étaient prêtes à s'effondrer; que la rouille mangeait le fer, la pourriture le bois, et la moisissure le papier; enfin que le délabrement de la masure s'aggravait chaque jour. Elle ne sut jamais que la table à manger ne portait qu'une vaisselle ébréchée, que le découragement et les chagrins attristaient la maison, et que les cheveux de son père blanchissaient à vue d'oeil. Elle ne sut jamais qu'ils avaient un maître froid, exigeant et intéressé; elle ne sut jamais en un mot que Tackleton était Tackleton, mais elle vivait dans la croyance que dans son humour excentrique il aimait à plaisanter avec eux, et, qu'étant leur ange gardien, il dédaignait de leur dire une parole de remerciement.

Tout cela était l'oeuvre de Caleb, l'oeuvre de son brave homme de père! Mais il avait aussi un Grillon dans son foyer; et pendant qu'il écoutait avec tristesse sa musique, au temps que sa pauvre aveugle sans mère était jeune, cet esprit lui inspira la pensée que cette funeste privation de la vue pourrait être changée en bonheur, et que sa fille pourrait être rendue heureuse par ces petits moyens. Car tous les êtres de la tribu des grillons sont de puissants esprits, quoique ceux qui conversent avec eux ne le sachent pas le plus souvent, et il n'y a pas, dans le monde invisible, de voix plus aimables et plus vraies, sur lesquelles on puisse mieux compter, et qui donnent des conseils plus affectueux, que les voix du foyer et du coin du feu, quand elles s'adressent à l'espèce humaine.

 

Caleb et sa fille étaient ensemble à l'ouvrage dans leur chambre d'habitude, qui leur servait à tous les usages de la vie, et c'était une étrange pièce. Il y avait là des maisons à divers degrés de construction pour des poupées, de toutes les conditions; des maisons modestes pour les poupées de fortune médiocre, des maisons avec une chambre et une cuisine seulement pour les poupées de basse classe, des maisons somptueuses pour les poupées du grand monde. Plusieurs de ces maisons étaient meublées d'une manière analogue à leur destination; d'autres pouvaient l'être sur un simple avis et il ne fallait pas aller loin pour trouver des meubles. Les personnages de tout rang à qui ces maisons étaient destinées étaient là couchés dans des corbeilles, les yeux fixés au plafond, ils n'y étaient pas pêle-mêle, mais réunis d'après leur rang, et les distinctions sociales y étaient encore plus marquées que dans le monde réel, où elles se trouvent beaucoup plus dans le vêtement que dans le corps, et souvent un corps qui serait fait pour une classe élevée n'est couvert que d'un vêtement appartenant à la classe la plus humble. Ici la noblesse avait des bras et des jambes de cire, la bourgeoisie n'avait les membres qu'en peau, et le peuple qu'en bois.

Outre les poupées, il y avait bien d'autres échantillons du talent de Caleb Plummer; dans sa chambre, il y avait des arches de Noé, où les animaux étaient entassés de manière à tenir le moins de place possible, et à supporter des secousses sans se casser. La plupart de ses arches de Noé avaient un marteau sur la porte, appendice peu naturel, mais qui ajoutait un ornement gracieux à l'édifice. On y voyait des vingtaines de petites voitures, dont les roues, quand elles tournaient, faisaient entendre une musique plaintive. On y voyait de petits violons, de petits tambours et autres instruments de torture pour les oreilles des grandes personnes, tout un arsenal de canons, de fusils, de sabres et de lances. On y voyait de petits saltimbanques en culottes rouges, franchissant des obstacles en ficelle rouge, et descendant de l'autre côté, la tête en bas et les pieds en l'air. On y voyait des vieux à barbes grises, sautant comme des fous par dessus des barrières horizontales, placées exprès au travers de la porte de leurs maisons. On y voyait des animaux de toute espèce et des chevaux de toutes les races, depuis le grison juché sur quatre chevilles plantées dans son corps en guise de jambes, jusqu'au magnifique cheval de course prêt à gagner le prix du roi au grand Derby. Il aurait été difficile de compter les nombreuses douzaines de figures grotesques qui étaient toujours prêtes à commettre toute espèce d'absurdités à la première impulsion d'une manivelle, de sorte qu'il n'aurait pas été aisé de citer une folle, un vice, une faiblesse, qui n'eût pas son type exact ou approchant dans la chambre de Caleb Plummer. Et ce n'était pas sous une forme exagérée, car il ne faut pas de fortes manivelles pour pousser les hommes et les femmes à faire des actes aussi étranges que jamais jouet d'enfant a pu en exécuter.

Au milieu de tous ces objets, Caleb et sa fille étaient assis et travaillaient. La jeune aveugle habillait une poupée, et Caleb peignait et vernissait la façade d'une charmante petite maison.

L'air soucieux imprimé sur les traits de Caleb, sa physionomie rêveuse et absorbée qui aurait convenu à un alchimiste et à un savant profond, faisaient au premier abord un contraste frappant avec la trivialité de son occupation. Mais les choses triviales, que l'on fait pour avoir du pain, deviennent au fond des choses sérieuses; et je ne saurais dire, Caleb eût-il été lord chambellan, ou membre du parlement, un avocat, un grand spéculateur, s'il aurait passé son temps à faire des choses moins bizarres, tandis que je doute fort qu'elles eussent été moins innocentes.

– Vous avez donc été à la pluie hier soir, père, avec votre belle redingote neuve? lui dit sa fille.

– Avec ma belle redingote neuve? répondit Caleb, en jetant sur la corde où séchait suspendue la vieille souquenille de toile d'emballage que nous avons décrite.

– Que je suis heureuse que vous l'ayez achetée, père.

– Et à un tel tailleur, encore, dit Caleb. Le tailleur le plus à la mode. Elle est trop belle pour moi.

La jeune aveugle quitta son ouvrage et se mit à rire avec bonheur.

– Trop belle, père! Qu'est-ce qui peut être trop beau pour vous?

– Je suis presque honteux de la porter, dit Caleb en voyant l'effet de ses paroles sur le visage épanoui de sa fille; lorsque j'entends les enfants et les gens dire derrière moi: oh! c'est un élégant! je ne sais plus de quel coté regarder. Et ce mendiant qui ne voulait pas s'en aller hier au soir; il ne voulait pas me croire quand je l'assurais que j'étais un homme du commun. Non, Votre Honneur, m'a-t-il dit, que Votre Honneur ne me dise pas cela! J'en ai été tout confus et il me semblait que je ne devais pas porter un habit aussi beau.

Heureuse aveugle quelle joie elle avait dans son coeur!

– Je vous vois, père, dit-elle en frappant des mains, je vous vois aussi distinctement que si j'avais des yeux que je ne regrette jamais quand vous êtes à mes côtés. Un drap bleu!

– D'un beau bleu, dit Caleb.

– Oui, oui, d'un bleu éclatant! s'écria la jeune aveugle en tournant sa figure radieuse, la couleur que je me rappelle avoir vue dans la félicité du ciel! Vous m'avez dit tout à l'heure que c'était un bel habit bleu…

– Et bien fait pour la taille, dit Caleb.

– Oui, bien fait pour la taille! s'écria la jeune aveugle en riant de bon coeur; je vous vois, mon cher père, avec vos beaux yeux, votre jeune figure, votre démarche leste, vos cheveux noirs, votre air jeune et gracieux.

– Allons, allons, dit Caleb, vous allez me rendre fier, maintenant.

– Je crois que vous l'êtes déjà, s'écria-t-elle en le montrant du doigt, je vous connais mon père; ah! ah! je vous ai deviné!

Quelle différence entre le portrait qu'elle s'en faisait dans son imagination et le vrai Caleb. Elle avait parlé de sa marche dégagée; en cela elle ne s'était pas trompée. Depuis de nombreuses années déjà, il n'était jamais entré dans sa maison de son pas naturel et traînant, mais il l'avait contrefait pour tromper les oreilles de sa fille, et les jours même où il était le plus triste et le plus découragé, il n'avait jamais voulu attrister le coeur de son enfant, et avait toujours passé le seuil de la porte d'un pas léger.

Dieu le savait! mais je pense que le regard vague et l'air égaré de Caleb devaient provenir de cette confusion qu'il avait faite à dessein de toutes les choses qui l'entouraient, pour l'amour de sa fille aveugle. Comment le pauvre homme n'aurait-il pas été un peu égaré après avoir détruit sa propre identité et celle de tous les objets qui l'entouraient.

– Allons, tout cela, dit Caleb, en se levant un moment après s'être remis au travail et en reculant de deux pas pour mieux se rendre compte de la perspective, tout cela est aussi exact que six fois deux liards peuvent faire six sous. C'est dommage que la maison vous présente une façade de tous les côtés, si au moins il s'y trouvait un escalier pour pouvoir circuler dans les divers appartements; mais voilà que je me fais encore illusion et que je crois à la réalité de tout cela; c'est la mauvais côté de mon métier.

– Vous parlez tout à fait bas, mon père, seriez-vous fatigué?

– Fatigué s'écria Caleb avec beaucoup d'animation; qu'est ce qui pourrait me fatiguer. Berthe? Je ne fus jamais fatigué. Que voulez-vous dire?

Pour donner une plus grande force à ces paroles, Caleb, bien sans le vouloir, s'était mis à imiter deux bonshommes qui se trouvaient sur la cheminée, et qui s'étiraient les bras en bâillant, puis il se mit à fredonner un fragment de refrain. C'était une chanson bachique qui fit encore un plus grand contraste avec sa figure naturellement maigre et triste.