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CHAPITRE QUATRE

Riley tira à l’extrémité de la planche qui ressortait légèrement.

Le morceau de bois se détacha tout entier, elle le mit de côté.

Comme elle s’y attendait, il y avait une ouverture vers un espace sous le plancher.

Riley jeta un œil de plus près. Enfoncés sous le plancher, à l’abris des regards, se trouvaient des liasses de billets.

— Agent Crivaro ! J’ai trouvé quelque chose ! cria-t-elle à pleins poumons.

Tandis qu’elle attendait une réponse, Riley aperçut quelque chose d’autre à côté des liasses. C’était le bord d’un objet en plastique.

Riley se saisit de l’objet pour le sortir de sa cachette.

C’était un téléphone portable, un modèle plus simple que celui qu’on lui avait donné plus tôt dans la journée. Elle réalisa qu’il devait s’agir d’un de ces téléphones prépayés qui ne permettaient pas de remonter jusqu’à un propriétaire.

Un téléphone intraçable, se dit-elle. Très utile pour une opération de vente de drogue.

Soudain, elle entendit une voix crier de l’entrée de la pièce...

— Sweeney ! Qu’est-ce que vous croyez faire ?

Riley se retourna et vit l’agent Crivaro, le visage rouge de rage. L’agent McCune était entré juste derrière lui.

Elle brandit le téléphone et dit…

— J’ai trouvé quelque chose, agent Crivaro.

— Je vois ça, dit Crivaro. Et vos doigts sont partout dessus. Donnez-moi ce truc.

Riley remit le téléphone à Crivaro, qui le prit précautionneusement avec son pouce et son index et le jeta dans un sac à preuves. Elle remarqua que lui et l’agent McCune portaient des gants.

Elle sentit son visage rougir de honte et d’embarras.

J’ai vraiment merdé.

McCune s’agenouilla et regarda dans l’ouverture sous le plancher.

— Hé, agent Crivaro ! lança-t-il. Venez voir un peu ça !

Crivaro s’agenouilla à son tour aux côtés de McCune.

— C’est l’argent qu’on a cherché partout dans la maison, ajouta McCune.

— On dirait bien, dit Crivaro.

Se retournant vers Riley, Crivaro grinça…

— Est-ce que vous avez touché à cet argent ?

Riley fit non de la tête.

— Vous êtes sûre ? insista-t-il.

— Je suis sûre, répondit timidement Riley.

— Comment avez-vous trouvé ça, demanda Crivaro en pointant la cachette du doigt.

Riley haussa les épaules.

— Je marchais par ici et j’ai entendu un bruit creux sous le plancher, alors j’ai retiré le tapis et…

— Et vous avez retiré cette planche, interrompit Crivaro.

— Eh bien, je n’ai pas vraiment retiré quoi que ce soit. Elle s’est éjectée quand j’ai appuyé à un endroit précis.

— Vous l’avez touché, Crivaro grognait à présent. Et le téléphone aussi. Je n’arrive pas à y croire. Vous avez mis vos empreintes partout.

— Je…Je suis désolée, monsieur, bégaya Riley.

— Vous pouvez l’être, dit Crivaro. Je vous sors d’ici avant que vous ne salopiez autre chose.

Il se leva du sol et s’épousseta les mains.

— McCune, dit-il, faites travailler l’équipe de recherche. Quand vous aurez fini les pièces de cet étage, occupez-vous du grenier. Je ne pense pas qu’on trouvera grand-chose d’autre, mais il faut être minutieux.

— Comptez sur moi, répondit McCune.

Crivaro ramena Riley jusqu’à sa voiture.

Alors qu’ils s’en allaient, Riley demanda…

— On retourne au quartier général ?

— Pas aujourd’hui, dit Crivaro. Peut-être jamais. Où habitez-vous ? Je vous ramène chez vous.

Sa voix étouffée par l’émotion, Riley lui donna son adresse.

Tandis qu’ils roulaient dans le plus grand des silence, Riley se rappela à quel point Crivaro avait été impressionné par Riley lors des événements de Lanton, et comment il lui avait dit...

« Le FBI a besoin de jeunes gens comme vous, surtout des femmes. Vous feriez un très bon agent de l’UAC. »

Les choses avaient bien changé !

Et elle savait que ce n’était pas seulement à cause de la bourde qu’elle avait commise. Crivaro avait été froid avec elle depuis le début aujourd’hui.

Pour le moment, Riley voulait simplement qu’il dise quelque chose, n’importe quoi.

Elle demanda timidement…

— Avez-vous trouvé quelque chose dans l’autre pièce de l’autre côté du couloir ? Je veux dire, où était le monte-plats ?

— Absolument rien, répondit-il.

Le silence s’installa à nouveau. Riley commençait à se sentir confuse.

Elle savait qu’elle avait fait une terrible erreur, mais...

Qu’est-ce que j’étais censé faire ?

Elle avait eu l’intuition dans cette pièce qu’il y avait quelque chose sous le plancher.

Était-elle supposée ignorer ce sentiment ?

Elle rassembla son courage et dit…

— Monsieur, je sais que j’ai merdé, mais n’ai-je pas trouvé quelque chose d’important là-bas ? Quatre agents ont fouillé cette pièce et ont raté cette planque. Vous cherchiez l’argent, et je l’ai trouvé. Quelqu’un d’autre l’aurait trouvé si je ne l’avais pas fait ?

— Ce n’est pas la question, dit Crivaro.

Riley étouffa l’envie de demander...

Si ce n’est pas la question, alors de quoi s’agit-il ?

Crivaro poursuivit sa route dans un silence morose encore quelques minutes. Puis il dit d’une voix calme et amère…

— J’ai fait des pieds et des mains pour vous faire entrer dans ce programme.

Un autre silence tomba. Mais Riley perçut énormément de significations à ces paroles. Elle commença à réaliser à quel point Crivaro s’était mis dans une position délicate pour elle, non seulement pour qu’elle participe au programme, mais aussi pour lui servir de mentor. Et il s’était probablement mis certains de ses collègues à dos, peut-être en excluant des candidats internes qu’ils auraient pu juger plus prometteurs que Riley.

Maintenant qu’elle voyait les choses de cette façon, le comportement froid de Crivaro commençait à prendre tout son sens. Il n’avait pas voulu montrer le moindre favoritisme à son égard. En fait, il était allé à l’autre extrême. Il comptait sur elle pour se montrer digne de sa place sans aucun encouragement de sa part, et malgré les doutes et les ressentiments de ses collègues.

Et à en juger par les regards et les chuchotements qu’elle avait remarqués parmi d’autres stagiaires durant la journée, les collègues de Crivaro n’étaient pas les seuls à nourrir ces ressentiments. Elle allait devoir réaliser des exploits ne serait-ce que pour valider un succès même modeste.

Et elle avait tout gâché en une après-midi, d’une manière stupide. Crivaro avait de bonnes raisons d’être déçu et en colère.

Elle prit une longue et lente inspiration.

— Je suis désolée, ça n’arrivera plus.

Crivaro resta silencieux quelques instants.

Finalement il ajouta…

— Je suppose que vous voulez une seconde chance. Eh bien, laissez-moi vous dire que ce n’est pas la spécialité du FBI. Mon dernier partenaire s’est fait virer pour avoir commis le même genre d’erreur, et il le méritait vraiment. Une telle erreur a des conséquences. Parfois, ça veut juste dire ruiner une affaire et permettre à un sale type de s’en sortir indemne. Parfois, ça coûte la vie à quelqu’un. Cela peut vous coûter la vie.

Crivaro la regarda d’un air renfrogné.

— Alors que pensez-vous que je doive faire ? lui demanda-t-il.

— Je ne sais pas, dit Riley.

Crivaro secoua la tête…

— Je ne sais pas non plus. J’imagine qu’on va devoir y réfléchir tous les deux. Je dois décider si j’ai mal jugé de vos capacités. Vous devez décider si vous avez vraiment ce qu’il faut pour rester dans ce programme.

Riley sentit une boule dans sa gorge, et ses yeux commencèrent à piquer.

Ne pleure pas, se dit-elle.

Pleurer à ce stade serait la seule réaction capable d’empirer encore les choses.

CHAPITRE CINQ

Toujours piquée par le sermon de Crivaro, Riley arriva à l’appartement deux heures avant Ryan. Quand Ryan arriva, il eut l’air surpris de la voir rentrée si tôt, mais il était trop excité par sa propre journée pour remarquer à quel point elle était bouleversée.

Ryan s’assit à la table de la cuisine avec une bière pendant que Riley réchauffait les macaronis au fromage de leur repas télé. Elle pouvait deviner qu’il était vraiment excité par tout ce qu’il avait fait au cabinet d’avocats et qu’il avait hâte de tout lui raconter. Elle essaya de lui prêter attention.

On lui avait confié plus de tâches qu’il ne s’y attendait ; beaucoup de recherches et d’analyses complexes, la rédaction de mémoires, la préparation aux litiges et d’autres tâches que Riley comprenait à peine. Il devait même comparaître dans une salle d’audience demain pour la toute première fois. Il n’allait qu’assister les avocats en chef, bien sûr, mais c’était une étape importante pour lui.

Ryan semblait nerveux, découragé, peut-être un peu effrayé, mais par-dessus tout exalté.

Riley essaya de continuer à sourire tandis qu’ils s’asseyaient et commencèrent le repas. Elle voulait être heureuse pour lui.

Finalement, Ryan demanda...

— Waouh, écoute-moi parler. Et toi, dis-moi ? Comment s’est passée ta journée ?

Riley avala difficilement.

— Ça aurait pu être mieux, dit-elle. En fait, c’était plutôt horrible.

Ryan se pencha par-dessus la table et lui prit la main avec une expression d’inquiétude sincère.

— Je suis désolé, dit-il. Tu veux en parler ?

 

Riley se demandait si le fait d’en parler lui ferait du bien.

Non, je ne ferais que pleurer.

De plus, Ryan pourrait ne pas être ravi d’apprendre qu’elle avait été sur le terrain aujourd’hui. Ils avaient été tous les deux persuadés qu’elle s’entraînerait en toute sécurité à l’intérieur. Non pas qu’elle ait été en danger...

— Je préfère ne pas entrer dans les détails, dit Riley. Mais tu te souviens de l’agent spécial Crivaro, l’homme du FBI qui m’a sauvé la vie à Lanton ?

Ryan hocha la tête.

Riley poursuivit…

— Eh bien, il était censé être mon mentor. Mais il doute maintenant de mes capacités à faire partie du programme. Et... Je suppose que j’ai aussi des doutes. Peut-être que tout ça était une erreur.

Ryan lui serra la main sans un mot.

Riley aurait aimé qu’il parle. Mais que voulait-elle qu’il dise ?

Qu’attendait-elle qu’il lui dise ?

Après tout, Ryan ne s’était jamais montré très enthousiaste à l’idée que Riley fasse partie du programme. Il serait probablement heureux qu’elle abandonne ou se fasse virer.

— Ecoute, dit finalement Ryan, ce n’est peut-être pas le bon moment pour que tu fasses ça. Je veux dire, tu es enceinte, on vient juste d’emménager, et je ne fais que débuter chez Parsons et Rittenhouse. Peut-être que tu devrais attendre jusqu’à ce que...

— Attendre jusqu’à quand ? dit Riley. Jusqu’à ce que je sois une mère élevant son enfant ? Comment est-ce que ça peut fonctionner ?

Les yeux de Ryan s’élargirent au ton amer de Riley. Riley elle-même fut surprise par le son de sa voix.

— Je suis désolée, dit-elle. Je ne voulais pas dire ça comme ça.

— Riley, reprit calmement Ryan. Tu vas être une mère élevant son enfant. Nous allons être parents. C’est une réalité avec laquelle nous allons devoir composer, que tu restes en stage ou non cet été.

Riley eut tout le mal du monde à ne pas pleurer maintenant. L’avenir semblait si sombre et incertain.

— Qu’est-ce que je vais faire si je ne suis pas retenue dans le programme ? Je ne peux pas rester assise dans cet appartement toute la journée.

Ryan haussa légèrement les épaules.

— Eh bien, tu peux toujours trouver un travail, quelque chose d’alimentaire. Peut-être un temps partiel, quelque chose que tu peux laisser tomber à la minute où tu seras lassée. Tu as toute la vie devant toi. Tu as tout le temps de trouver ce que tu veux vraiment faire. Mais d’ici peu, je pourrais réussir assez pour que tu n’aies pas à travailler du tout si tu n’en as pas envie.

Ils restèrent silencieux tous les deux un moment.

Puis Riley dit…

— Alors tu penses que je devrais laisser tomber ?

— Ce que je pense n’a pas d’importance, dit Ryan. C’est ta décision. Et quoi que tu décides, je ferai de mon mieux pour te soutenir.

Ils ne parlèrent pas beaucoup plus jusqu’à la fin du repas. Après avoir mangé, ils regardèrent la télé un moment. Riley ne parvenait pas vraiment à se concentrer sur ce qui se passait à l’écran. Elle n’arrêtait pas de penser à ce que l’agent Crivaro avait dit...

« Vous devez décider si vous avez vraiment ce qu’il faut pour rester dans ce programme. »

Plus Riley y pensait, plus elle était en proie au doute et à l’incertitude.

Après tout, elle n’était pas la seule concernée. Il y avait Ryan, le bébé et même l’agent Crivaro.

Il y avait également autre chose que son potentiel mentor avait dit…

« J’ai fait des pieds et des mains pour vous faire entrer dans ce programme. »

Et la garder dans le programme n’allait pas faciliter la vie de Crivaro. Il était susceptible de continuer à recevoir des critiques de collègues qui ne pensaient pas que Riley le méritait, surtout si elle n’était pas à la hauteur de ses attentes.

Et elle ne l’avait vraiment pas été aujourd’hui.

Ryan finit par prendre une douche et se coucha. Riley s’assit sur le canapé, continuant à réfléchir à ses choix.

Finalement, elle prit un bloc-notes et commença à rédiger sa lettre de démission à l’intention de Hoke Gilmer, le superviseur de la formation. Elle fut surprise de voir à quel point elle se sentait mieux à mesure qu’elle rédigeait cette lettre. Quand elle arriva à la fin, elle eut l’impression que son esprit fut soulagé d’un poids.

C’est la meilleure chose à faire, pensa-t-elle.

Elle se dit qu’elle se lèverait tôt demain matin, informerait Ryan de sa décision, taperait sa lettre avec son ordinateur, l’imprimerait et l’enverrait avec le courrier du matin. Elle téléphonerait également à l’agent Crivaro, qui serait sûrement soulagé.

Finalement, elle se coucha, se sentant beaucoup mieux. Elle n’eut aucun mal à s’endormir.

Riley se retrouva dans l’immeuble J. Edgar Hoover.

Qu’est-ce que je fais ici ? se demanda-t-elle.

Puis elle remarqua le bloc-notes dans sa main, avec sa lettre écrite dessus.

Oh, oui, elle réalisa...

Je suis venue la remettre à l’agent Gilmer en main propre.

Elle descendit les trois étages en ascenseur, puis alla à l’auditorium où les stagiaires s’étaient rencontrés hier.

Pour ne pas la rassurer, tous les stagiaires étaient assis dans l’auditorium, observant chacun de ses gestes. L’agent Gilmer se tenait devant l’auditorium, la regardant les bras croisés.

— Que voulez-vous, Sweeney ? demanda Gilmer, semblant beaucoup plus sévère qu’il ne l’était hier lorsqu’il s’était adressé au groupe.

Riley jeta un coup d’œil aux stagiaires, qui la regardaient silencieusement avec des expressions accusatrices.

Puis elle dit à Gilmer…

— Je ne vous ferai pas perdre votre temps. Je voulais juste vous donner ça.

Elle lui donna le bloc-notes jaune.

Gilmer leva ses lunettes de lecture pour regarder le bloc-notes.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il.

Riley ouvrit la bouche pour dire...

— C’est ma lettre de démission du programme.

Mais au lieu de cela, des mots différents sortirent de sa bouche...

— Moi, Riley Sweeney, je jure solennellement d’appuyer et de défendre la Constitution des États-Unis...

Confuse, elle réalisa...

Je récite le serment solennel du FBI.

Et elle n’arrivait pas à s’en empêcher…

— …que je porterai la vraie foi et l’allégeance à la même...

Gilmer montra du doigt le bloc-notes légal et demanda à nouveau...

— Qu’est-ce que c’est ?

Riley voulait toujours expliquer ce que c’était vraiment, mais les mots du serment continuaient à affluer...

— …je prends cette obligation librement, sans aucune réserve mentale ni but d’évasion...

Le visage de Gilmer se métamorphosa en un autre visage.

C’était celui de Jake Crivaro, et il avait l’air en colère. Il agita le bloc devant son visage.

— Qu’est-ce que c’est ? grogna-t-il.

Riley fut surprise de voir qu’il n’y avait rien d’écrit du tout.

Elle entendit tous les autres stagiaires murmurer à haute voix, prononçant le même serment, mais dans un mélange confus de voix.

Pendant ce temps, elle approchait de la fin du serment...

— …je m’acquitterai bien et fidèlement des devoirs de la fonction à laquelle je m’apprête à accéder. Que Dieu me vienne en aide.

Crivaro semblait bouillonner maintenant.

— Bon sang mais qu’est-ce que c’est ? dit-il, montrant du doigt le papier jaune vierge.

Riley essaya de lui dire, mais aucun mot ne sortit.

Les yeux de Riley s’ouvrirent brusquement lorsqu’elle entendit un bourdonnement inconnu.

Elle était allongée au lit à côté de Ryan.

C’était un rêve, réalisa-t-elle.

Mais ce rêve signifiait vraiment quelque chose. En fait, il expliquait tout. Elle avait prêté serment, et elle ne pouvait pas revenir dessus. Ce qui signifiait qu’elle ne pouvait pas démissionner du programme. Ce n’était pas un problème juridique. C’était personnel. C’était une question de principe.

Et si je me fais virer ?

Qu’est-ce que je fais alors ?

Pendant ce temps, elle se demandait… Quel était ce bourdonnement qui ne cessait de se répéter encore et encore ?

Encore à moitié endormi, Ryan gémit et murmura...

— Décroche ton satané téléphone, Riley.

Soudain, Riley se souvint du portable qu’on lui avait donné hier au bâtiment du FBI. Elle fouilla sur la table de nuit jusqu’à ce qu’elle le trouve, puis sauta hors du lit, l’emportant à l’extérieur de la chambre et referma la porte derrière elle.

Il lui fallut un moment pour trouver sur quel bouton appuyer pour prendre l’appel. Quand elle réussit enfin, elle entendit une voix familière.

— Sweeney ? Je vous réveille ?

C’était l’agent Crivaro, qui n’avait pas l’air très amical.

— Non, bien sûr que non, dit Riley.

— Menteuse. Il n’est que cinq heures du matin.

Riley soupira profondément. Elle réalisa qu’elle avait mal à l’estomac.

Crivaro continua…

— Combien de temps vous faut-il pour vous réveiller et vous habiller ?

Riley réfléchit un moment, puis dit …

— Mmm…Quinze minutes, je suppose.

— Très bien, il ne m’en faudra que dix. On se retrouve devant chez vous.

Crivaro termina l’appel sans un mot de plus.

Qu’est-ce qu’il veut ? se demanda Riley.

Il vient ici pour me virer en personne ?

Soudain, elle sentit une vague de nausée arriver. Elle savait que c’était une nausée matinale, la pire qu’elle avait connue jusqu’à présent pendant sa grossesse.

Elle poussa un gémissement et se dit...

Exactement ce dont j’ai besoin maintenant.

Puis elle se précipita aux toilettes.

CHAPITRE SIX

Lorsque Jake Crivaro arriva devant l’immeuble, Riley Sweeney attendait déjà dehors. Jake remarqua qu’elle avait l’air très pâle quand elle monta dans la voiture.

— Vous ne vous sentez pas bien ? demanda-t-il.

— Je vais bien, dit Riley.

Elle n’a pas l’air bien, pensa Jake. Ni à son teint, ni à sa voix.

Jake se demanda si elle n’avait pas trop fait la fête hier soir. Ces jeunes stagiaires le faisaient parfois. Ou peut-être avait-elle simplement trop bu à la maison. Elle semblait assurément découragée lorsqu’il l’avait déposée hier ; et possiblement…après les réprimandes qu’il lui avait faites. Peut-être qu’elle avait essayé de noyer son chagrin.

Jake espéra que sa petite protégée n’avait pas trop la gueule de bois pour être opérationnelle.

Alors qu’il s’éloignait de l’immeuble, Riley demanda...

— Où allons-nous ?

Jake hésita un instant.

— Écoutez, on va repartir à zéro aujourd’hui.

Riley le regarda d’un air vaguement surpris.

— En vérité, poursuit-il. Ce que ce que vous avez fait hier n’était pas tout à fait une erreur. Vous avez trouvé l’argent de la drogue des frères Madison. Et ce téléphone prépayé s’est avéré très utile. Il contenait des numéros de téléphone importants, ce qui a permis aux policiers de mettre la main sur quelques membres du gang, dont Malik Madison, le frère qui était toujours dans la nature. C’était stupide de leur part d’acheter un téléphone prépayé et de ne pas le jeter après l’avoir utilisé. Mais je suppose qu’ils ne pensaient pas que quelqu’un allait le trouver.

Il jeta un œil en direction de Riley et ajouta…

— Ils avaient tort.

Riley n’arrêtait pas de le fixer, comme si elle avait du mal à comprendre ce qu’il disait.

Jake résista à l’envie de dire...

Je suis vraiment désolé de vous avoir fait tant de peine.

Au lieu de cela, il dit

— Mais vous devez suivre les instructions. Et vous devez respecter la procédure.

— Je comprends, dit Riley, fatiguée. Merci de m’avoir accordé une autre chance.

Jake grogna dans un souffle. Il se rappela qu’il ne voulait pas trop l’encourager.

Mais il se sentait mal de la façon dont il l’avait traitée hier.

Je réagis de façon excessive, pensa-t-il.

Il avait énervé certains collègues de Quantico en insistant pour que Riley rejoigne le programme. Un agent en particulier, Toby Wolsky, voulait que son neveu Jordan fasse un stage cet été, mais Jake avait fait venir Riley à sa place. Pour cela il avait dû ignorer les impressionnantes lettres de recommandation du neveu et avait usé de certaines faveurs qu’on lui devait.

 

Jake n’avait pas beaucoup de considération envers Wolsky en tant qu’agent, et encore moins de raison de penser que son neveu puisse avoir le moindre potentiel à révéler. Mais Wolsky avait des amis à Quantico qui maintenant avaient une dent contre Jake.

D’une certaine façon, Jake pouvait comprendre pourquoi.

Pour autant qu’ils sachent, Riley n’était qu’une diplômée en psychologie qui n’avait jamais songé à s’engager dans les forces de l’ordre.

Et en réalité, Jake lui-même n’en savait pas beaucoup plus sur elle, excepté qu’il avait vu ses instincts en action, de près et personnellement. Il se souvenait très clairement à quel point elle avait aisément compris les pensées du tueur à Lanton, avec juste un peu d’entraînement de sa part. À part lui-même, Jake avait rarement rencontré quelqu’un avec ce genre d’instincts, des intuitions que très peu d’autres agents pouvaient même comprendre.

Bien sûr, il ne pouvait exclure la possibilité que ce qu’elle avait fait à Lanton n’ait été qu’un coup de chance.

Peut-être qu’aujourd’hui il pourrait avoir un meilleur aperçu de ce dont elle était capable.

Riley demanda à nouveau…

— Où allons-nous ?

— Sur une scène de crime, dit Jake.

Il ne voulait rien lui dire de plus jusqu’à ce qu’ils arrivent.

Il voulait observer sa réaction face à une situation vraiment étrange.

Et d’après ce qu’il avait entendu, cette scène de crime était aussi étrange qu’une scène de crime pouvait l’être. Il avait lui-même reçu un appel à ce sujet peu de temps auparavant, et il avait encore de la difficulté à croire ce qu’on lui avait dit.

On verra ce qu’on verra, j’imagine.

*

Riley pensa qu’elle se sentait peut-être un peu mieux alors qu’ils étaient toujours en route avec l’agent Crivaro.

Néanmoins elle aurait préféré qu’il lui dise de quoi il s’agissait.

Il a bien dit une scène de crime.

C’était plus que ce à quoi elle s’était attendue pour le programme d’été, encore moins dès le deuxième jour. La journée de la veille avait déjà été assez inattendue.

Elle n’était pas sûre de ce qu’elle en pensait.

Mais elle était certaine que Ryan n’aurait pas aimé cela.

Elle réalisa qu’elle n’avait pas encore dit à Ryan qu’elle suivait Jake Crivaro. Ryan n’approuverait pas cela non plus. Ryan se méfiait de Crivaro depuis le début, surtout pour la façon dont il avait aidé Riley à pénétrer l’esprit d’un tueur.

Elle se souvint de ce que Ryan avait dit à propos d’une de ces séances...

« Tu es en train de me dire que ce type du FBI, Crivaro, a joué à des jeux d’esprit avec toi ? Pourquoi ? Juste pour s’amuser ? »

Bien sûr, Riley savait que Crivaro ne lui avait pas fait subir tout ça « juste pour le plaisir ».

Il était très sérieux à ce sujet. Ces expériences avaient été absolument nécessaires.

Elles avaient contribué à ce qu’il soit possible d’attraper le tueur.

Mais qu’est-ce que je suis censée faire pour l’instant ? se demanda Riley.

Crivaro semblait être délibérément énigmatique.

Lorsqu’il gara la voiture le long d’une rue avec des maisons d’un côté et un champ de l’autre, elle vit que deux voitures de police et une fourgonnette officielle étaient garées à proximité.

Avant de quitter la voiture, Crivaro agita le doigt et lui dit...

— Maintenant, souvenez-vous de ces satanés règles. Ne touchez à rien. Et ne parlez que si on vous le demande. Vous n’êtes là que pour nous observer travailler.

Riley hocha la tête. Mais quelque chose dans la voix de Crivaro lui fit suspecter qu’il attendait d’avantage d’elle qu’une simple observation.

Elle aurait aimé savoir ce que ça pouvait bien être.

Riley et Crivaro sortirent de la voiture et entrèrent dans le champ. Il était jonché de nombreux déchets, comme si une sorte de grand événement public s’était déroulé ici récemment.

D’autres personnes, dont certaines portaient des uniformes de police, se tenaient près d’un bosquet d’arbres et de buissons. Une large zone autour d’eux avait été bouclée avec un ruban de police.

Alors que Riley et Crivaro s’approchaient du groupe, elle s’aperçut que les buissons dissimulaient quelque chose sur le sol.

Riley haleta devant ce qu’elle vit.

Les nausées affluèrent à nouveau dans sa gorge.

Allongé sur le sol, un clown de cirque était mort.